Je commencerai par l'utilisation maximaliste des fonds européens et la notion de dégagement d'office.
Les fonds européens se révèlent très précieux pour nos territoires. Aujourd'hui, nous sommes dans l'obligation de justifier des fonds trois ans après leur engagement, mais il est prévu dans la prochaine programmation de ramener ce délai à N+2. Jusqu'à présent, nous n'avons pas eu à subir de dégagement d'office dans notre région. Les crédits sont utilisés, parfois avec difficulté. Nous devons en effet adopter un rythme de consommation en cohérence avec la capacité d'absorption du territoire, ce qui n'est pas toujours le cas. Sur ces fonds européens, nous avons à la fois des porteurs de projets privés et des porteurs de projets publics. Or, assez récemment, un rapport sur les finances locales a montré la difficulté pour les opérateurs publics de porter des projets qui pourraient consommer des fonds européens.
Au 31 décembre 2019, nous n'avons pas connu de dégagement d'office. Nous avons même clôturé avec un peu d'avance et nous comptons bien rester sur un rythme qui nous permettrait d'éviter de perdre le moindre centime d'euro. Cet exercice nécessite bien entendu un pilotage très précis et des échanges réguliers avec la Commission, à travers les comités de suivi. Nous ajustons les programmes de manière à répondre aux besoins du territoire qui ont évolué depuis l'adoption de ces programmes. De nouvelles priorités se font jour. Sur la gestion de l'eau, par exemple, l'appel aux fonds européens n'était pas forcément celui que nous avions envisagé au départ. Sur le transport aussi, nos besoins s'affirment et devraient consommer des fonds européens que nous n'avions pas vraiment calibrés dans les montants initiaux. Deux fois par an, en concertation avec la Commission européenne, nous réajustons les programmes. Le dernier réajustement a eu lieu avant la fin de l'année 2019. Le programme actuel devrait nous amener presque jusqu'à la fin, avec une révision ultime permettant de servir les derniers projets qui ne l'auraient pas été jusqu'alors.
La démarche exige aussi une animation assez spécifique pour des territoires comme les nôtres. Nous avons un tissu économique très particulier, avec des microentreprises et très peu d'entreprises de taille importante, capables d'une consommation équivalente à celle du territoire hexagonal. Nous devons véritablement tenir la main des porteurs de projets pour les amener jusqu'au dépôt des dossiers et les aider à consommer les fonds conformément aux exigences de la Commission européenne, ce qui n'est pas toujours aisé.
Nous avons mis en place des dispositifs d'accompagnement. Nous séparons bien l'accompagnement de l'instruction du dossier, qui doit rester totalement neutre, afin de faire entrer le maximum de porteurs de projets dans le circuit des dossiers européens. Contrairement à d'autres territoires, nous avons sérié les aides aux entreprises en fixant un seuil. En dessous de 80 000 euros, les opérateurs n'entrent pas dans une mécanique européenne lourde. Au-delà de 80 000 euros, les dossiers trouvent leur financement dans le cadre du FEDER. Le nombre de porteurs de projets se réduit dans cette deuxième catégorie, qui s'adresse à moins d'entreprises.
Nous vous transmettrons des éléments écrits sur ces questions très techniques. Aujourd'hui, si nous devons dresser le bilan de l'utilisation des fonds, nous pouvons considérer que nous sommes dans la bonne épure, malgré un retard à l'allumage sur le fonds social européen, sur lequel nous avons pris des dispositions en vue d'une restructuration. Un opérateur régional a en effet connu quelques difficultés, mais il est aujourd'hui en mesure de mettre en oeuvre le fonds.
Jusqu'à présent, cette sous-utilisation du fonds social européen a été compensée par une surconsommation du FEDER. Globalement, nous prévoyons de réajuster tout cela cette année et nous n'avons pas d'inquiétude majeure en matière de dégagement d'office. Nous comptons sur la capacité des maîtres d'ouvrage publics, essentiellement les communes et les EPCI, à conduire à terme des projets sur lesquels nous avons pris de grands engagements, notamment concernant l'eau et les déchets, avec des montants relativement importants qu'il faudra consommer avant le terme de la programmation.
Sur le FEADER, la consommation est très satisfaisante. Nous n'avons pas non plus connu de dégagement d'office. Nous souffrons néanmoins d'un retard à l'allumage dû à la mise en place tardive des outils qui a affecté toutes les régions françaises. Les derniers outils n'ont été livrés que début 2019, notamment sur les aides surfaciques. Nous avons quand même mené une grande opération, la construction d'un barrage pour près de 30 millions d'euros qui s'achèvera en 2020. L'industrie sucrière va également entrer en pleine puissance de consommation.
D'ici la fin de la programmation, nous devrions atteindre une consommation satisfaisante sur le FEADER, au bémol près de l'utilisation du programme Leader. Sur ce programme qui soutient de petits projets en milieu rural, nous sommes confrontés à une inadéquation du niveau d'exigence pour leur éligibilité. Un agriculteur dans une zone reculée de l'archipel est soumis aux mêmes exigences en matière de présentation de projet et de justification de la dépense qu'un grand opérateur. Cette situation se traduit par un désintérêt pour ce programme qui se révèle extrêmement complexe. Nous avons aussi été très fortement pénalisés en début de programmation sur l'aide à la replantation de la canne à sucre. Jusqu'à présent, étaient agréées des opérations collectives concernant un nombre important de porteurs de projets, regroupés derrière un seul opérateur. Au niveau national, la décision a été prise de présenter un projet par opérateur. Ainsi, chaque planteur de canne correspondait à un projet. Nous avons été confrontés à une démultiplication du nombre de projets à instruire pour des montants qui n'excédaient pas parfois 3 000 euros. Nous avons résolu cette difficulté en reportant cette mesure sur des aides régionales.
S'agissant du FEAMP, il faut noter que la pêche est particulière dans les deux régions françaises d'Amérique que sont la Martinique et la Guadeloupe. Il s'agit en effet d'une pêche traditionnelle, avec des opérateurs confrontés à la difficulté de justifier leur production et leurs ventes. À La Réunion et en Guyane, les crédits du FEAMP sont utilisés de façon maximaliste, que ce soit sur le plan de compensation des surcoûts ou le FEAMP lui-même. En Guadeloupe, en revanche, nous peinons à consommer ces fonds. Le besoin existe, mais les marins-pêcheurs ne sont pas en mesure, malgré l'assistance technique que nous avons déployée au niveau du Comité régional des pêches, de monter des dossiers et de justifier du surcoût qui pourrait leur permettre de percevoir des montants relativement intéressants.
Vous évoquiez dans le questionnaire l'idée d'un Poséi pêche. Aujourd'hui, le plan de compensation des surcoûts de la pêche reste l'instrument qui permettrait d'accompagner de manière très efficiente les marins-pêcheurs, mais ses modalités de mise en oeuvre nous pénalisent. Nous avons commencé la programmation avec une dérogation de la direction des pêches nous permettant d'attester des dépenses suivant un système déclaratif. Nous revenons désormais à une comptabilité selon les règles et de plus en plus de marins-pêcheurs n'accèdent pas à ces fonds européens. Nous avons quand même pris la décision d'axer les dépenses sur des infrastructures, notamment à travers un plan régional de modernisation des équipements de pêche. Les investissements réalisés sur les ports de pêche nous offrent la possibilité, si tout va bien, de consommer l'enveloppe avant le terme. Nous devrons cependant faire le constat que le plan de compensation des surcoûts n'est pas suffisamment actionné du fait de la structure des bénéficiaires.
Quant au programme de coopération régionale Interreg, nous nous trouvons actuellement dans la 3ème programmation. Ce programme se révèle compliqué à mettre en oeuvre, même si nous avons beaucoup progressé. Dans notre bassin de coopération, nos partenaires sont des pays tiers et les instruments financiers ne se conjuguent pas aisément. Interreg est financé par le FEDER. Pays tiers, nos partenaires peuvent actionner le FED, le Fonds européen de développement, mais se retrouvent confrontés à une difficulté de mise en oeuvre. Si nous pouvons décider de l'utilisation des fonds, la comitologie sur le FED est relativement compliquée. La Commission a permis qu'une enveloppe soit dédiée à la coopération FED-FEDER, mais les résultats restent relativement faibles à ce stade. Nous nous trouvons dans une zone où les relations ne sont pas évidentes, car nous n'avons pas un historique de coopération avec ces pays.
Les deux premiers programmes avaient beaucoup misé sur le rapprochement et la construction de communautés de vues et d'action entre les acteurs de la coopération. Certains projets ont bien fonctionné, notamment en matière de transport maritime. Quelques expériences se révèlent même assez compétitives, y compris au niveau international. Sur la traçabilité des échanges aéroportuaires, une entité européenne a pu bénéficier de fonds. Nous menons également des actions intéressantes pour l'harmonisation du transport aérien. Il existe une problématique importante dans ce domaine, avec un chapelet d'îles disséminées dans la Caraïbe et des systèmes d'interconnexion qui n'existent pas pour les très petites compagnies. Nous avons pu financer des projets spécifiques permettant à des compagnies de se regrouper et de proposer des solutions de ticketing, ce qui favorise les déplacements dans la zone. Enfin, nous pouvons citer la coopération autour de la problématique de la lutte contre les sargasses qui affecte la quasi-totalité des pays de la Caraïbe. Ces programmes nous permettent de construire ensemble. Nous nous heurtons cependant à des difficultés linguistiques et culturelles. Cette coopération se construit assez lentement, mais elle commence à porter ses fruits et là encore, nous n'avons pas connu de dégagement d'office pour l'instant. Nous sommes plutôt optimistes pour la fin de la programmation.
Globalement, nous tenons le rythme en termes de mise en oeuvre des fonds européens. L'exercice est difficile ; il exige un suivi permanent. Nous devons aussi aider les porteurs de projets à entrer dans la programmation. La complexité de mise en oeuvre de ces fonds constitue une vraie problématique pour les porteurs de projets, qui sont soumis aux mêmes exigences, quelle que soit leur taille. Au niveau public, nous observons une difficulté à assurer la maîtrise d'ouvrage. La région Guadeloupe a pris des maîtrises d'ouvrage sur de grandes problématiques comme l'eau ou les déchets, car les collectivités qui en ont la compétence n'étaient pas en mesure de le faire. Nous pouvons encore le faire, mais jusqu'à un certain point. Il faut tenir compte des capacités locales.