J'aimerais attirer l'attention sur l'avenir de l'octroi de mer. De très nombreuses études existent. Outre l'étude de la CNEPEOM, celle de l'Inspection générale des finances est attendue avant juin pour préparer la loi de finances. L'Europe y travaille aussi avec le cabinet Economisti Associati.
Ce dispositif représente 1,3 milliard d'euros. Il a fait partie de la revue des aides économiques et fiscales. La ministre a décidé d'ouvrir une réflexion sur l'avenir de l'octroi de mer et j'y souscris. J'ai été confronté à ce problème lorsque j'étais ministre. Nous avons eu les pires difficultés pour convaincre l'Europe à l'époque. Le cabinet Legrand en 2012 a dû inventer une méthodologie particulière pour justifier le différentiel. J'entends la distinction entre l'octroi de mer européen et l'octroi de mer proprement français mais j'attire néanmoins l'attention sur la fragilité de cette distinction.
L'IGF intervient pour remplacer l'absence de modèles, de simulations et d'études empiriques afin de pouvoir convaincre demain la Commission. Il nous est reproché de tout taxer, même lorsqu'il n'existe pas d'équivalent dans la production locale. Finalement, cette mesure est devenue un droit de quai. Elle ne constitue plus une taxe pour protéger la production, fournir des ressources aux collectivités ou ménager le pouvoir d'achat des ménages. Les régions doivent démontrer l'efficience du dispositif, prouver que le différentiel a permis le développement des filières endogènes. Or nous avons du mal à le faire aujourd'hui. Je vous invite à relire le rapport de l'Autorité de la concurrence (ADLC) de juillet 2019. La partie relative à l'octroi de mer appuie les propos des représentants de la région : l'octroi de mer n'est pas le seul facteur d'enchérissement. Le rapport évoque aussi les marges et d'autres facteurs, en décomposant les prix de revient, les marges et les prix à la vente et au détail. L'Autorité formule des propositions que la délégation aurait quelque intérêt à examiner.
La région doit engager des études pour prouver que l'octroi de mer a servi à son développement interne, que les surcoûts ne sont pas surcompensés, car les détracteurs essaient de démontrer que nous utilisons l'octroi de mer indûment et que le différentiel, tel qu'il est pratiqué, n'est pas forcément fondé.
La lisibilité soulève également une vraie difficulté. Il existe aujourd'hui 22 taux, me semble-t-il, ce qui ne va pas dans le sens de la simplification. En outre, il est très difficile de trouver le bon taux avec les professionnels. Pour l'identifier, il faudrait réaliser des études empiriques et économétriques. Or, nous fonctionnons aujourd'hui au radar et l'Europe s'en plaint. L'ADLC indique bien que certains produits ne devraient pas subir l'octroi de mer.
Enfin se pose la question du périmètre. Lorsque j'étais ministre, nous avions obtenu l'augmentation du seuil. Faut-il le maintenir ou revenir à 300 000 euros aujourd'hui ? La direction du Trésor déclarait la dernière fois que le dispositif avait été pensé comme un impôt de rendement. Mais le rendement n'est pas au rendez-vous aujourd'hui et , de mémoire, seules 174 entreprises sur 40 000 le payaient en Guadeloupe, autant en Martinique et un peu moins encore en Guyane. En outre, il existait une asymétrie : certaines entreprises qui n'étaient pas assujetties à l'octroi de mer pouvaient bénéficier d'exonérations pour leurs intrants. Il faudrait vérifier si ce point est aujourd'hui corrigé. La plupart des observateurs estiment qu'on devrait revenir au seuil initial. Quelle est votre position ? On aurait besoin d'une simulation sur la perte que cette décision engendrerait pour la région afin de ne pas avancer à l'aveuglette.
Quant aux produits éligibles, l'octroi de mer porte aujourd'hui sur les marchandises, les biens et les livraisons. Les services ne sont pas couverts alors qu'ils représentent 85 % de la richesse produite. J'avais envisagé de les taxer, mais les présidents de région y étaient opposés et j'avais finalement reculé. Cette mesure présente des inconvénients. Néanmoins, de nombreuses entreprises en outre-mer ne participent pas à l'effort commun. Il me semblerait courageux d'y réfléchir. Il faudrait apprécier l'impact sur les prix, l'inflation. Faut-il, dans une économie de consommation comme la nôtre, où la production se réduit à la portion congrue, ne faire porter l'impôt que sur la production matérielle ? Peut-être faut-il préparer des réponses à ces questions qui se poseront nécessairement.