Intervention de Emmanuel Kasarhérou

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 22 juillet 2020 à 10h00
Audition de M. Emmanuel Kasarhérou président du musée du quai branly-jacques chirac

Emmanuel Kasarhérou, président du musée du Quai Branly-Jacques Chirac :

J'ai pris mes fonctions il y a deux mois, dans des conditions effectivement très particulières ; j'étais déjà dans la maison, où je m'étais intéressé aux questions de restitution.

Ce sujet des restitutions est l'une des priorités de mon projet, nous sommes interrogés par la presse et souvent en première ligne. Les restitutions doivent être placées, c'est ma conviction, dans la perspective plus large de la circulation d'un patrimoine mondial de l'humanité : chaque nation fait un effort de préservation et d'étude, au service de la préservation et de la circulation de ce patrimoine. Je me considère comme un gardien des collections nationales, et leur caractère national fait qu'il revient à la Nation de se prononcer sur leur destin. Comme conservateur, mon devoir est d'enrichir les connaissances sur ces collections. La question des restitutions a mis au premier plan celle des provenances, un questionnement prégnant dans notre siècle, mais qui ne l'était pas dans le précédent : la façon dont les objets sont passés de main en main n'intéressait guère, c'est désormais une préoccupation importante - nous avons lancé des investigations en profondeur sur nos collections dès janvier 2019 et je dois dire que le rapport Sarr-Savoy a incité à un examen de conscience.

Notre travail sur la restitution nous conduit à mettre en avant deux critères opposables : l'acquisition des objets par la violence et la contrainte. Les premières restitutions que le Président de la République a annoncées répondent à ces critères : les 26 oeuvres restituées au Bénin avaient été pillées en 1892 par les troupes du général français Alfred Dodds.

Notre investigation sur les provenances porte sur les quelque 380 000 pièces figurant à notre inventaire, qui sont issues de tous les continents et dont les plus anciennes remontent au XVIe siècle, les plus récentes étant contemporaines. Ce travail long nécessite un effort particulier du musée : l'information est souvent éparse, les collections étant passées d'établissement en établissement, elles ont souvent subi une érosion, en particulier des dossiers administratifs qui peuvent même manquer, alors qu'ils éclairent les provenances et les circonstances d'acquisition. Nous faisons ce travail dans le cadre de la législation actuelle, qui lie directement nos collections à la Nation. Ce musée jeune - 22 ans - a acquis quelque 80 000 pièces, dont 60 % de dons, témoins de ce que le lien reste très fort avec la Nation et les citoyens.

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