La notion d'universalisme ou de patrimoine mondial est souvent suspectée d'être avant tout occidentale, mais elle mérite d'être défendue. Les musées, qui peuvent faire l'objet de la même suspicion, apportent une distance par rapport à sa propre culture et ils participent, à mon sens, de cette notion de patrimoine mondial.
Comme vous le savez, il a été créé à Abou Dhabi un musée dont la vocation est d'être universel. Si j'étais assez critique au début, je considère finalement que la création d'un musée de ce type, au Moyen-Orient, est un formidable enjeu à défendre. Nous voulons d'ailleurs renforcer nos collaborations avec Abou Dhabi, mais aussi avec le Sénégal, où un extraordinaire musée a été construit et offert par les Chinois.
Quoi qu'il en soit, je crois qu'il faut défendre l'idée de patrimoine mondial contre la tentation de réduire les cultures aux nations. Il ne faut pas être dupe des effets de catalogue : les Yorubas, par exemple, sont présents dans six pays. La presse ou les réseaux sociaux ne facilitent pas l'explicitation de ce genre de distinctions, mais je ne désespère pas qu'avec le temps on arrive à les faire valoir.
L'Unesco a donné une conférence il y a deux semaines et adopté une résolution pour faire avancer les discussions sur les restitutions. Je pense toutefois que l'Unesco est avant tout un lieu de discussion, et non de travail scientifique. Il faut d'ailleurs prendre garde aux effets de la reconnaissance d'un patrimoine par une organisation internationale : si les Bouddhas de Bâmiyân ont été dynamités, c'est aussi parce qu'ils avaient été classés au patrimoine mondial de l'Unesco.
Le musée du quai Branly a été le premier musée national à rouvrir à Paris le 9 juin dernier, car notre architecture nous permet de créer des flux sans croisement. Jusqu'aux dernières semaines, la fréquentation était d'environ 30 % de notre fréquentation habituelle, mais cette dernière semaine, nous avons constaté une forme de reprise.
Les pertes sont de l'ordre de 2 millions d'euros. Elles sont beaucoup moins graves que dans d'autres établissements, du fait notamment de la structure budgétaire de notre musée, dans laquelle les entrées pèsent assez peu par rapport aux autres ressources, et de l'origine de nos visiteurs, qui sont à 80 % des nationaux.