Intervention de Pierre Ouzoulias

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 22 juillet 2020 à 10h00
Travaux en cours de la mission d'information sur les restitutions des oeuvres d'art — Communication

Photo de Pierre OuzouliasPierre Ouzoulias :

J'aimerais vous remercier, madame la présidente, car il était important de réagir promptement et fermement pour imposer l'avis de la représentation nationale dans un processus où elle a été singulièrement oubliée, malgré ses travaux antérieurs, notamment ceux conduits au sein de la commission de la culture.

Des débats nourris ont été complètement ignorés et on est reparti sur ce dossier des restitutions comme s'il ne s'était rien passé.

Ce dossier au niveau international est complexe. L'Unesco a autrefois émis un certain nombre de réflexions à ce sujet. Elles ont abouti à une convention sur le trafic illicite des biens culturels signée en 1970, même si celle-ci ne couvre toutefois pas la totalité de la problématique. L'Unesco dispose depuis 1978 d'un comité chargé de réfléchir à toutes ces questions.

Pourtant, il n'existe aucun consensus international, ni sur les principes qui doivent gouverner les restitutions, ni sur la vocation universaliste d'un musée. Ces sujets font aujourd'hui l'objet de nombreuses discussions. Il faut dire que plusieurs conceptions existent, même au sein des pays occidentaux. Le droit anglo-saxon en matière de collections muséales diffère du droit français, chaque directeur de musée disposant d'un droit relativement large d'appropriation et de vente de ces collections, ce qui n'est pas le cas en France avec le principe d'inaliénabilité.

Même s'il y a des discussions, nous avons senti hier lors de notre entretien avec le représentant de l'Unesco que les choses étaient loin d'être évidentes. Il existe aujourd'hui une confrontation, dans le cadre du débat autour des restitutions africaines, entre une vision occidentale universaliste des choses et la volonté d'autres pays d'une réappropriation nationaliste d'un certain nombre de chefs-d'oeuvre considérés comme constitutifs du récit national auquel on assiste depuis les indépendances.

Les conservateurs ont longtemps refusé de permettre quoi que ce soit s'agissant de leurs collections. Aujourd'hui, les choses ont évolué, mais il reste énormément à faire en matière d'offre muséale alternative afin de permettre aux collections d'être exposées dans d'autres lieux, à l'étranger, notamment via les outils numériques.

Dans ces domaines, la muséographie française est malheureusement encore extrêmement limitée.

Un autre point essentiel est revenu dans le débat : il s'agit de la faiblesse de la documentation traitant de l'origine des pièces. Les collections anciennes ont été constituées sans qu'on sache réellement par qui elles ont été acquises, dans quelles conditions, et comment elles se sont retrouvées en France. Un travail documentaire énorme reste à entreprendre. Il n'est pas inintéressant, car il y a autant à apprendre sur l'histoire de la constitution muséographique de l'oeuvre que sur l'oeuvre elle-même. Cela fait partie d'une prise de distance par rapport à ceux qui possèdent l'objet et ceux qui le revendiquent.

Les pièces qui sont réclamées aujourd'hui par le Bénin ne sont pas des pièces qui appartenaient en propre à la royauté, mais qui avaient été elles-mêmes acquises à la suite de pillages. À qui restituer les oeuvres, aux voleurs à qui l'armée coloniale les a prises ou à ceux qui avaient été les premiers volés ?

Si on arrivait à remonter le parcours extraordinairement complexe de ces pièces, on pourrait relativiser les prétentions nationales de certains.

J'ajoute que je partage les propositions qui ont été faites à propos des projets législatifs à venir.

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