Intervention de André Gattolin

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 22 juillet 2020 à 10h00
Travaux en cours de la mission d'information sur les restitutions des oeuvres d'art — Communication

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Pierre Ouzoulias a évoqué le fait que ces restitutions partaient d'une volonté de certains pays et de certains gouvernements de construire un récit national. N'est-ce pas ce que nous avons nous-même fait d'autre au cours des siècles passés ?

Je suis historien de formation. Quand j'ai commencé à étudier l'histoire, à la fin des années 1970, l'historiographie sur la révolution française était tenue par quelques historiens d'une tendance très à gauche, qui tâchaient de nous expliquer que c'était une révolution populaire et non une révolution bourgeoise. Il a fallu attendre les travaux de François Furet pour avoir une lecture plus équilibrée de la Révolution française et de son rôle dans la construction de la Nation.

On nous reproche quoi qu'il en soit notre passé colonial et on nous le reprochera encore longtemps.

Quant à l'universalisme, il s'agit d'un terme ambigu, polysémique. L'universel c'est ce qui s'adresse à tous, ce n'est pas ce qui s'impose dans un lieu à tous. Le terme d'universalisme me parait piégé : on en fait une sorte de substitut d'une pensée coloniale occidentale qui s'imposerait à tous, ce qui conduit certains États comme la Chine, dans le cadre de sa présence internationale, à raconter que toutes les valeurs fondamentales de l'État de droit viennent de la culture occidentale et constituent une forme de colonisation des esprits avec laquelle ils ne sont pas d'accord - y compris lorsque ces règles ont été posées de manière multilatérale et que la Chine y a souscrit dans le cadre de traités internationaux.

Je persiste à croire que beaucoup de cas peuvent se résoudre par des reproductions et des fac-similés. Les autorités mongoles, considérant que nous avions une dette envers elles après que le roi Louis XII avait volé la solde en or de l'empire mongol, souhaitaient récupérer les lettres du roi Louis XII à l'héritier de Gengis Khan ! Ils y ont renoncé au profit de fac-similés après avoir réalisé que les dépenses de sécurisation et d'assurance pour le transport étaient considérables et n'étaient pas abordables pour leurs institutions muséales.

Au Bénin, les chercheurs reconnaissent que si certaines oeuvres béninoises ont bien été volées par les colons français, leur pays ne pourrait pas aujourd'hui les accueillir. La France devrait donc, en plus de restituer, payer la construction du musée et prendre en charge ses coûts de fonctionnement et d'entretien.

La copie existe depuis des siècles. Durant la Renaissance, on faisait des copies des travaux des grands sculpteurs grecs ou romains qui sont ensuite devenues de véritables oeuvres sans que cela ne pose de problème. Notre sens de l'authenticité me fait parfois un peu peur. La flèche de Notre-Dame de Paris sera une reproduction à l'identique, et non plus l'originale !

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