Intervention de Christophe-André Frassa

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 22 juillet 2020 à 8h45
Déplacement du groupe d'études sur les terres australes et antarctiques françaises — Examen du rapport d'information sur les îles éparses

Photo de Christophe-André FrassaChristophe-André Frassa, président du groupe d'études Arctique, Antarctique et Terres australes :

C'est en effet en tant que président du groupe d'études sur l'Arctique, l'Antarctique et les Terres australes françaises que je m'adresse à vous aujourd'hui. Nous avons eu l'occasion, il y a environ un an, de recevoir Mme Évelyne Decorps, préfète des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). À l'issue de son audition, elle a convié une délégation du groupe d'études à participer à la tournée annuelle de souveraineté dans les îles Éparses. Nos collègues Viviane Artigalas, Martine Berthet, Vivette Lopez et Jérôme Bignon ont participé à ce déplacement, qui a eu lieu du 29 septembre au 3 octobre dernier.

À l'issue de ce déplacement, ils ont souhaité présenter un rapport récapitulant les enjeux de ces territoires. Le groupe d'études sur les TAAF étant rattaché à la commission des lois, il me revient de vous le présenter aujourd'hui.

Les îles Éparses, situées dans le canal du Mozambique, constituent une surface terrestre cumulée de seulement 43 kilomètres carrés, mais leurs eaux territoriales représentent un total de 640 400 kilomètres carrés, soit environ 6 % de la zone économique exclusive (ZEE) française. N'ayant jamais été habitées, elles constituent une surface de grande importance pour la recherche scientifique. C'est dans un but de protection d'un patrimoine naturel parmi les plus diversifiés et complexes au monde que la France y maintient une présence continue depuis près d'un demi-siècle.

En dépit de paysages paradisiaques, la vie sur ces îles est difficile. Chaque île doit pouvoir subvenir aux besoins des détachements qui y maintiennent une présence permanente dans une totale autonomie sur plusieurs semaines en nourriture, eau potable et énergie. Une évacuation médicale par avion est possible sous certaines conditions et dans certains délais. La principale difficulté à affronter est naturellement l'isolement lié à la vie sur ces îles. Pour autant, il reste relativement court - six semaines - et les militaires qui composent le détachement peuvent avoir une communication transmise chaque jour. Les militaires sont sensibilisés à la nécessaire protection de la souveraineté du territoire, qu'il s'agisse de la défense d'un territoire français ou de la préservation d'un environnement quasiment vierge.

En ce qui concerne la protection de la biodiversité, les îles Éparses disposent toutes d'un statut de protection tandis que les îles Glorieuses sont classées « parc naturel marin » depuis février 2012. Des mesures de lutte contre les espèces exotiques envahissantes sont mises en place.

Les îles Éparses sont également au coeur des enjeux actuels de souveraineté dans l'océan Indien. Troisième océan avec 78 millions de kilomètres carrés, au croisement des grandes routes maritimes mondiales, cet océan possède une importance stratégique exceptionnelle.

Quatre enjeux principaux ont été relevés par nos collègues : les réserves halieutiques, qui sont abondantes dans la région ; les ressources supposées en hydrocarbures, sur lesquelles subsistent encore de nombreuses incertitudes ; l'accès aux ressources minérales, notamment aux métaux rares ; et la biodiversité marine de la zone - la Convention relative à la protection du patrimoine mondial culturel et naturel identifie en effet cette zone comme l'une des régions d'aire primaire constituant l'avenir du patrimoine mondial marin.

Depuis près de cinq décennies, les îles Éparses font l'objet d'une double contestation territoriale, celle de Madagascar pour Juan de Nova, Europa, Bassas de India et les Glorieuses, et celle de Maurice pour Tromelin. La France a conclu un accord de cogestion avec Maurice sur Tromelin, qui n'a toutefois pas été ratifié par le Parlement. Le conflit avec Madagascar n'a, quant à lui, pas encore trouvé de solution. En 2016, le Président de la République avait mis en place une commission commune destinée à bâtir, conjointement avec Madagascar, une solution pour faire face aux enjeux de sécurité, de défense de la biodiversité et de lutte contre la pêche illicite. Celle-ci poursuit les négociations à l'heure actuelle.

Restées longtemps dans l'ombre des collectivités de l'océan Indien, les îles Éparses représentent pourtant un atout considérable pour la France. Les enjeux liés à ces petits territoires sont en effet multiples et ont trait au maritime, à la place stratégique de la France, et à l'écologie. Une meilleure connaissance de ces îles s'impose donc afin de mieux les protéger et de favoriser le développement de la recherche, qui dispose avec ces territoires d'un espace unique au monde. Il convient enfin de réaffirmer la souveraineté de la France sur ces îles qui représentent, malgré leur surface modeste, une zone économique exclusive conséquente qui aiguise les appétits des puissances étrangères.

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