Il n'aura échappé à personne que, cette semaine, se tient à Paris la fête de la démocratie locale. Les maires et les élus municipaux sont, d'ailleurs, nombreux dans les tribunes du Sénat ; ils méritent d'être salués et reconnus.
Disant cela, je ne m'éloigne pas de notre débat, qui tourne autour d'une question : la technologie la plus sophistiquée constituera-t-elle un progrès de proximité ? Le Gouvernement et sa majorité se sont engagés, s'agissant des chaînes nationales, non seulement à rendre la télévision numérique accessible à tous, mais aussi à ne priver aucun de nos concitoyens de ce progrès technologique pour des raisons financières.
L'information de proximité éditée et diffusée par France 3 sera-t-elle accessible sur l'ensemble du territoire ? Bien évidemment, ma réponse est positive ; il ne peut qu'en être ainsi ! Sur cette question, nos perspectives et nos objectifs sont communs. Mais il y a deux façons différentes d'y parvenir.
Je suis défavorable à votre amendement n° 74, madame Morin-Desailly. Cela étant, le Gouvernement a déposé un amendement n° 156, que je vais maintenant vous présenter, qui a le même objet que le vôtre.
La loi de 1986 impose aujourd'hui aux distributeurs de services de reprendre l'ensemble des chaînes publiques diffusées par voie hertzienne terrestre : France 2, France 3, France 4, France 5, RFO, ARTE, ainsi que TV5 et La Chaîne Parlementaire. Je cite, d'ailleurs, avec une certaine gourmandise cette liste, car, pour certains, la révolution technologique que représente la TNT n'a fait que le jeu du secteur privé et n'a pas été un moyen de diffusion d'un grand nombre de chaînes publiques.
La diffusion nouvelle des vingt-quatre décrochages régionaux de France 3 soulève deux questions différentes. Premièrement, doivent-ils être diffusés sur les offres gratuites par satellite et intégrés dans les offres des distributeurs de télévision payante ? Je réponds sans hésitation : oui. Je souhaite que toutes les rédactions locales de France 3 mesurent que cette évolution est pour elles une chance et un défi.
Les vingt-quatre décrochages de France 3 seront ainsi diffusés sur l'offre satellitaire du bouquet que vous avez proposé à l'article 5 du projet de loi. C'est l'objet de l'amendement que le Gouvernement a déposé et qui s'inspire d'une proposition du groupe socialiste. J'espère que nous obtiendrons sur ce point l'unanimité que nous avons constatée hier soir.
Deuxièmement, qui doit payer les coûts techniques de la reprise des chaînes de service public sur les bouquets satellitaires ? Cela représente plusieurs millions d'euros par an pour les trois bouquets satellitaires payants AB SAT, Canal SAT et TPS, pour l'ensemble des câblo-opérateurs ainsi que pour les opérateurs ADSL et les trois opérateurs mobiles. Aujourd'hui, ces distributeurs assument ce coût pour huit chaînes de service public ; il serait quadruplé avec votre amendement.
Dans tous les cas, il serait préférable, avant de voter une telle disposition, de s'assurer qu'elle ne pose pas de problèmes juridiques majeurs.
Au regard de la Constitution, l'intérêt général permet-il de faire supporter par les distributeurs la mise à disposition, auprès des téléspectateurs d'une région, des programmes de service public que France Télévisions n'a pas l'obligation de diffuser par voie hertzienne terrestre dans toutes les régions ? Au regard du cadre communautaire, une telle obligation de reprise est-elle raisonnable et proportionnée, ainsi que l'impose la directive « service universel » ?
Le Gouvernement a donc souhaité reprendre l'amendement n° 49 déposé - ô miracle de la démocratie sénatoriale ! - par le sénateur Serge Lagauche et les membres du groupe socialiste. Cet amendement prévoyait que le bouquet satellite des chaînes en clair de la TNT, qui sera accessible gratuitement pour l'ensemble des Français, permettra à chacun d'accéder aux décrochages de France 3 de sa région. Dans la mesure où il se rapportait au texte proposé pour l'article 100 de la loi du 30 septembre 1986, qui a été supprimé, cet amendement était devenu sans objet.
Or, cette initiative me semble tout à fait légitime et je me réjouis de notre convergence de vue, au-delà de nos différences politiques. La numérisation des signaux ainsi que les progrès permis par les nouvelles normes de compression rendent, en réduisant la capacité nécessaire pour ce faire, cette option réaliste sur les plans tant économique que technique.
Madame Morin-Desailly, le présent amendement répond au vôtre. Il garantit, en effet, la disponibilité auprès de l'ensemble des Français des programmes régionaux de France 3, sans pour autant aboutir à faire peser sur tous les distributeurs de services français cette obligation, ce qui est juridiquement très délicat.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement et de soutenir celui du Gouvernement. J'aimerais que la Haute Assemblée, qui représente l'ensemble des collectivités territoriales, accepte d'aller au-delà des clivages politiques pour voter à l'unanimité l'amendement n° 156, qui porte sur le pluralisme et la démocratie de proximité.