Le Sénat a abordé ce texte dans un état d'esprit constructif et bienveillant. Nous partageons un objectif commun : apporter une réponse à l'enjeu majeur que représente, pour la sécurité de notre pays, la libération de plus de 150 personnes condamnées pour des faits de terrorisme d'ici à la fin de l'année 2022. Cette proposition de loi vient utilement combler un vide juridique déploré par de nombreux acteurs de terrain. Le Sénat ne pouvait donc qu'accueillir favorablement ce texte, qui répond à un constat formulé par notre commission des lois à l'occasion du bilan de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite « loi SILT ».
Ainsi le Sénat n'a-t-il pas souhaité remettre en cause le texte voté par l'Assemblée nationale. Nous avons, en revanche, entendu l'enrichir et le compléter afin de garantir son caractère opérationnel et sa constitutionnalité.
Sur le volet opérationnel, nous avons voulu nous assurer de l'applicabilité du dispositif. Nous avons jugé utile de réviser légèrement la définition de la dangerosité, en visant l'adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme, et nous avons privilégié, dans un souci d'efficacité, un renouvellement biennal plutôt qu'annuel de la mesure de sûreté. Le Sénat a également renforcé le volet d'accompagnement à la réinsertion, ce qui permettra de mieux prévenir la récidive.
Notre second point d'attention a trait à l'équilibre constitutionnel du texte, pour lequel l'Assemblée nationale avait déjà accompli un travail important. Nous nous sommes efforcés de le consolider en limitant le champ d'application de la mesure de sûreté aux personnes condamnées aux peines les plus lourdes. Nous avons aussi apporté quelques ajustements procéduraux. Ils peuvent apparaître contraignants ; toutefois, nous partageons la volonté commune de sauvegarder l'équilibre entre sécurité et liberté.
Nos assemblées ont travaillé dans un même esprit, ce qui explique qu'il reste peu de points de désaccord. En dépit d'un délai de préavis particulièrement bref pour cette commission mixte paritaire, les échanges avec la rapporteure de l'Assemblée nationale ont été riches et constructifs, et nous sommes en mesure de vous proposer des rédactions communes sur l'essentiel du texte. J'aborde cette réunion avec optimisme, mais trois divergences subsistent : sur la limitation du champ d'application de la mesure aux condamnés à une peine d'emprisonnement d'au moins cinq ans, ou trois ans en récidive, qui renforce selon nous la proportionnalité du dispositif ; sur le renouvellement biennal, que nous préférerions conserver même s'il ne s'agit pas d'un point dirimant à nos yeux ; sur la modification des obligations en cours d'application de la mesure, qui devrait être possible avec davantage de souplesse, sans requérir impérativement la réunion de la juridiction régionale de la rétention de sûreté.
Afin de surmonter ces désaccords, nous accepterions le principe d'un renouvellement annuel dès lors que la commission mixte paritaire maintiendrait l'application de la mesure de sûreté aux seuls condamnés à cinq ans d'emprisonnement ou plus, ou trois ans en récidive. Nous pensons également opportun de maintenir la compétence du président de la juridiction régionale de la rétention de sûreté pour modifier les obligations prononcées, mais nous accepterions que la compétence soit celle de la juridiction collégiale si la personne concernée le demande expressément.
Je pense que ces propositions sont de nature à satisfaire nos deux assemblées. L'Assemblée nationale et le Sénat ont toujours fait preuve de responsabilité dans la lutte contre le terrorisme. Cet état d'esprit doit nous guider afin que nos travaux aboutissent.