Intervention de Yaël Braun-Pivet

Commission mixte paritaire — Réunion du 22 juillet 2020 à 17h20
Commission mixte paritaire sur le projet de loi organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire

Yaël Braun-Pivet, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale :

Les regards croisés de l'Assemblée nationale et du Sénat confortent l'exercice par le Parlement de ses missions constitutionnelles. Le président Philippe Bas et moi sommes membres de la Délégation parlementaire au renseignement, dont les travaux nous conduisent à partager une analyse commune du danger que représentent les condamnés pour faits de terrorisme qui sortiront de prison au cours des prochains mois, sans aucun accompagnement à ce stade. Ce danger est actuel ; il est parfaitement documenté par les acteurs de la lutte antiterroriste. Ce constat est partagé par mes collègues députés Raphaël Gauvain et Éric Ciotti, chargés du contrôle de l'application de la loi « SILT », ou encore Éric Diard, qui a travaillé sur la radicalisation.

Il appartient au législateur d'agir dans le but de mieux protéger les Français face au risque terroriste, donc de créer un dispositif applicable aux personnes qui sortent de prison. Bien sûr, comme l'a justement rappelé la rapporteure du Sénat, ce dispositif doit être parfaitement respectueux des libertés fondamentales et des règles constitutionnelles pour être immédiatement opérationnel : nous avons constamment veillé à cet équilibre.

Ainsi, le président de l'Assemblée nationale a sollicité l'avis du Conseil d'État pour aider le Parlement à identifier les contraintes constitutionnelles et conventionnelles. Cet éclairage a été précieux. Nous avons tenu compte de toutes les recommandations formulées afin de garantir la nécessité, l'adéquation et la proportionnalité des mesures envisagées. L'analyse du Conseil d'État, le travail de nos assemblées ainsi que les remontées des acteurs de la lutte antiterroriste - parquet national antiterroriste, direction générale de la sécurité intérieure, coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme - nous permettent d'atteindre cet objectif.

Certes, quelques points de divergence subsistent. Cependant, je suis favorable à la plupart des amendements adoptés par le Sénat. Je souscris aux obligations ayant pour but la réinsertion, en intégrant notamment l'action des services d'insertion et de probation. Le Sénat a souhaité préciser la notion de dangerosité afin de sécuriser le dispositif en reprenant la qualification retenue dans la loi pour les mesures de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) et validée par le Conseil constitutionnel : le juge judiciaire pourra plus facilement la caractériser. Enfin, les réquisitions du parquet ne sauraient se fonder exclusivement sur les faits ayant donné lieu à condamnation, même si les éléments présentés au juge ne doivent pas forcément tous présenter un caractère actuel.

Nous considérons que la dimension révisable du dispositif est inhérente à toute mesure de sûreté. Nous avons privilégié un renouvellement annuel : celui-ci a déjà été validé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008 sur la loi relative à la rétention de sûreté. Au contraire, aucune certitude n'existe sur la constitutionnalité d'un renouvellement biennal.

En ce qui concerne le champ d'application de la mesure, l'Assemblée nationale a débattu de cet enjeu en première lecture. Certains amendements visaient à étendre les mesures de sûreté à tous les détenus radicalisés, quelle que soit l'infraction justifiant leur incarcération. Il nous a finalement semblé que le périmètre devait être restreint aux seules personnes condamnées pour un acte de terrorisme, mais que cette définition suffisait à assurer la proportionnalité du dispositif. Nous préférons en rester à cette analyse.

Quant à la compétence dont pourrait disposer le président de la juridiction régionale de la rétention de sûreté, mieux vaut s'en tenir à la collégialité qui est une des garanties du respect des droits et libertés. Permettre au juge d'application des peines compétent en matière de terrorisme d'ajuster les modalités des différentes obligations, comme l'a décidé le Sénat, nous apparaît en revanche tout à fait opportun.

Je ne doute pas que la commission mixte paritaire parviendra à résoudre ces quelques difficultés. Nous partageons un même objectif, ce qui est bien l'essentiel.

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