Intervention de Éric Dupond-Moretti

Réunion du 21 juillet 2020 à 14h30
Homologation de peines d'emprisonnement prévues en nouvelle-calédonie — Discussion générale

Éric Dupond-Moretti :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que vous examinez aujourd’hui a pour objet l’homologation des peines d’emprisonnement prévues en Nouvelle-Calédonie.

Sur le fondement de la Constitution, ce territoire dispose, comme la Polynésie française d’ailleurs, d’une autonomie lui permettant de créer des infractions pénales et d’assortir celles-ci de peines. En application des dispositions des articles 87 et 157 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, le Congrès et les assemblées de province de Nouvelle-Calédonie peuvent ainsi assortir de peines d’emprisonnement les infractions qu’ils créent, dans les matières relevant de leurs compétences.

Si cette autonomie est entière pour ce qui concerne, notamment, les peines d’amendes, les peines d’emprisonnement nécessitent quant à elles l’homologation préalable du Parlement. À défaut d’une telle homologation, ces peines ne peuvent être prononcées par les juridictions pénales. Les délais d’homologation sont parfois longs, faute d’un vecteur législatif ; cette proposition de loi permettra donc de rattraper le retard pris, depuis plusieurs années, en la matière.

L’homologation des peines d’emprisonnement est soumise à deux conditions.

En premier lieu, les peines instituées par la collectivité doivent respecter « la classification des délits » ; cela signifie que seules les peines d’emprisonnement prévues en matière délictuelle par la législation nationale peuvent être retenues. Cela implique que ces peines doivent respecter l’échelle des peines d’emprisonnement prévue par l’article 131-4 du code pénal, donc être de deux mois, de six mois, d’un an, de deux ans, de trois ans, de cinq ans, de sept ans ou de dix ans.

En second lieu, la collectivité ne peut prévoir une peine plus sévère que celle qui est prévue en métropole pour une infraction de même nature. En pratique, les peines prévues par les délibérations ou lois de pays sont, le plus souvent, identiques à celles qui sont prévues par les lois nationales, même si elles peuvent leur être inférieures.

La présente proposition de loi tient compte des deux exigences que je viens d’évoquer ; d’une part, elle respecte la classification des délits et, d’autre part, les peines n’excèdent pas le maximum prévu, pour les infractions de même nature, par les lois de la République.

Sur le fond, il s’agit de textes qui relèvent de la compétence des territoires et qui concernent, notamment, le droit social, le droit environnemental, le droit de l’urbanisme, le droit des assurances ou encore le droit du sport. Il est ainsi proposé d’homologuer des peines d’emprisonnement en répression de délits prévus à l’ancien code de la santé publique, applicable en Nouvelle-Calédonie ; 47 infractions sont concernées, telles que la fabrication ou la vente de médicaments falsifiés, à usage humain.

Ce texte concerne également les infractions au code agricole et pastoral de Nouvelle-Calédonie, notamment le délit d’exercice illégal de la médecine vétérinaire. Les délits prévus au code des assurances applicable en Nouvelle-Calédonie – je pense par exemple à la direction d’une société d’assurance malgré une interdiction ou une incapacité – sont également concernés.

Il s’agit par ailleurs d’infractions au code de l’urbanisme de la Nouvelle-Calédonie, comme l’exécution de travaux non autorisés par un permis de construire, ou au code de l’environnement de la province Sud, comme le délit d’obstacle aux fonctions d’un fonctionnaire ou agent habilité à exercer des missions de contrôle administratif dans le domaine de l’environnement.

Enfin, sont concernés les délits prévus par la délibération relative à l’amélioration de la qualité de l’air ambiant ; il s’agit du délit d’émission, par une entreprise, de substances polluantes constitutives d’une pollution atmosphérique, en violation d’une mise en demeure.

L’homologation des peines d’emprisonnement est nécessaire pour assurer, en Nouvelle-Calédonie, une répression équivalente à celle qui existe en métropole.

Prévoir que le juge pénal peut prononcer des peines d’emprisonnement dans ces matières ne signifie pas que ces peines seront systématiquement infligées en répression des infractions commises.

Néanmoins, l’homologation des peines d’emprisonnement permettra d’offrir au juge pénal de Nouvelle-Calédonie un panel plus étoffé et diversifié de peines, comme c’est le cas sur le reste du territoire national. En effet, dès lors qu’une peine d’emprisonnement est encourue, le juge peut prononcer non seulement celle-ci, mais également des peines autres que l’incarcération, comme le travail d’intérêt général, la peine de jours-amendes ou encore le stage de citoyenneté.

Enfin, d’une manière générale, le Gouvernement est favorable, au nom du principe d’égalité, à l’homologation des peines d’emprisonnement, qui permet que des agissements identiques ou similaires soient réprimés par des sanctions de même nature, sur toute l’étendue du territoire de la République.

Cette proposition de loi, qui permettra d’homologuer 82 peines, est, je le sais, très attendue sur ce territoire. Je suis d’ailleurs favorable au fait qu’une proposition de loi de ce type soit examinée annuellement par le Parlement.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet un avis favorable sur la présente proposition de loi.

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