Intervention de Jacques Bigot

Réunion du 21 juillet 2020 à 14h30
Homologation de peines d'emprisonnement prévues en nouvelle-calédonie — Discussion générale

Photo de Jacques BigotJacques Bigot :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, vous ne m’en voudrez pas, je l’espère, si je n’épuise pas mon temps de parole ; en effet, la commission des lois est sur la même longueur d’onde que vous, monsieur le garde des sceaux, et elle est favorable à l’adoption conforme de ce texte.

Ce vote permettra aux juridictions de Nouvelle-Calédonie de prononcer rapidement des peines d’emprisonnement dans des cas où elles ne peuvent pas le faire.

Par exemple, le harcèlement moral et le harcèlement sexuel, prévus au code du travail de Nouvelle-Calédonie et inspirés du droit français général, ne sont toujours pas assortis, et cela depuis plusieurs années, de la peine d’emprisonnement prévue dans le droit français général. On voit donc bien l’intérêt d’homologuer rapidement ces peines, en adoptant ce texte.

Cette proposition de loi, déposée par Philippe Dunoyer, député de Nouméa, ne fait, pour l’essentiel, que reprendre des textes que nous retrouvons dans le droit français général, d’où l’absence de difficultés dans l’examen de ce texte.

Je me permettrai d’ajouter deux conditions à celles que vous avez rappelées, monsieur le garde des sceaux.

D’une part, la loi organique prévoit effectivement que les assemblées de Nouvelle-Calédonie – le Congrès ou assemblées de province – peuvent adopter des délibérations assorties d’infraction, mais exclusivement dans leurs domaines de compétence. La première vérification à faire consiste donc à s’assurer que les peines prévues ressortissent aux domaines de compétence de la Nouvelle-Calédonie.

D’autre part, il existe une jurisprudence sur le principe constitutionnel de légalité des délits et des peines. Nous devons donc vérifier si la description de l’infraction est suffisamment claire pour justifier une peine d’emprisonnement. Si tel n’est pas le cas, l’homologation de celle-ci n’est pas possible. C’est d’ailleurs à ce titre que la commission des lois de l’Assemblée nationale n’a pas homologué une peine initialement prévue, parce que l’infraction correspondante lui avait paru trop peu précise et faisait référence à un arrêté qui n’était pas, lui-même, d’une clarté absolue.

Si vous me le permettez, mes chers collègues, je présenterai tout de même le texte en quelques mots, pour que vous compreniez de quoi il retourne.

L’article 1er, qui constituait initialement l’article unique de la proposition de loi, prévoit l’homologation de peines d’emprisonnement prévues à différents codes.

Il s’agit du code agricole et pastoral de Nouvelle-Calédonie, qui rejoint notre code rural. Sont également visées 4 infractions au code des assurances, correspondant à celles que nous connaissons dans notre propre code des assurances.

Il s’agit encore de 45 peines d’emprisonnement pour des infractions aux règles, identiques aux nôtres, de l’ancien code de la santé publique, toujours applicable en Nouvelle-Calédonie. Sont aussi concernées 4 peines pour les infractions au code du travail ; j’ai abordé les peines de harcèlement moral ou sexuel, mais il y en a d’autres, notamment relatives à la fraude.

Il s’agit par ailleurs d’un texte relatif à l’amélioration de la qualité de l’air ambiant, avec une définition de la pollution plus restrictive que la nôtre. On peut le regretter et trouver dommage de ne pas aller plus loin, mais nous n’avons pas à nous prononcer sur le fond du droit ; c’est la liberté de la Nouvelle-Calédonie. Nous n’avons qu’à homologuer la décision d’assortir ces infractions de peines d’emprisonnement : ce territoire a une parfaite liberté dans la définition des peines d’amende ou complémentaires.

Est également visé un texte relatif aux manifestations sportives, qui prévoit une sanction pénale pour non-souscription, par l’organisateur de la manifestation, d’une assurance. Ce texte présente encore une nuance par rapport à notre droit ; en effet, la Nouvelle-Calédonie va un peu plus loin, en obligeant l’organisateur d’une manifestation sportive à assurer également les participants et les personnes présentes, ce qui n’est pas le cas en France. Néanmoins, cela ne nous empêche pas d’accepter l’homologation.

Enfin, sont prévues des peines pour des infractions à une loi relative à l’efficacité énergétique, lorsque l’on fait obstacle aux fonctions exercées par les agents contrôleurs.

À cet article 1er, qui n’a posé aucune difficulté aux commissions des lois des deux chambres, se sont ajoutés trois articles, qui visent uniquement des délibérations de la province Sud. La Nouvelle-Calédonie compte en effet trois provinces, mais, notre collègue Dunoyer ayant demandé aux différentes assemblées si celles-ci avaient des textes nécessitant une homologation, seule la province Sud, celle de Nouméa, a répondu dans les délais impartis. Cela ne signifie toutefois pas qu’il ne faille pas être attentif aux autres provinces.

Cela clôt le sujet, mais, vous l’avez souligné, monsieur le garde des sceaux, il est important que ces homologations, par le Parlement, ne se fassent pas au détour d’un amendement à un texte de loi – cela s’est déjà produit –, ni au travers d’une proposition de loi d’un député de Nouvelle-Calédonie. Il faudrait effectivement prévoir un rendez-vous quasi annuel pour faire le point et examiner les demandes d’homologation de ces décisions.

Bien évidemment, mes chers collègues, je dis tout cela sous réserve de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie au sein de la République. La question référendaire est plus intéressante sur le fond et suscitera sans doute plus de débats, mais ce n’est pas le sujet d’aujourd’hui.

Je vous propose, au nom de la commission des lois, d’adopter le texte dans sa version issue de l’Assemblée nationale, de sorte que puissent entrer en vigueur les peines pénales prévues en Nouvelle-Calédonie et conformes aux peines applicables dans le droit français général, ce qui répondrait à l’attente de nos collègues de ce territoire.

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