Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, tout d’abord – je le dis loin des polémiques, dans la sérénité de la Haute Assemblée – l’homme que je suis et le ministre que je viens de devenir sont fiers d’apporter un plein et entier soutien à une proposition de loi qui me tient tout particulièrement à cœur : celle qui vise à protéger les victimes de violences conjugales.
Je me réjouis de voir aujourd’hui devant le Sénat l’achèvement des travaux permettant l’adoption d’une importante proposition de loi, qui permettra de lutter plus efficacement contre les violences conjugales.
Vous savez qu’il s’agit là d’un objectif prioritaire fixé par le Président de la République. Il est évidemment intolérable que, de nos jours, des femmes – il y a en a plus de 120 l’année dernière – meurent sous les coups de leur conjoint.
De nombreuses actions ont déjà été menées par le précédent gouvernement, tout spécialement par Nicole Belloubet, qui m’avait précédé et à laquelle je veux ici rendre un hommage particulier. La garde des sceaux avait, dès le 9 mai 2019, adressé aux procureurs généraux une circulaire leur demandant de déployer l’ensemble de l’ensemble de notre arsenal répressif, dans un double objectif : faire preuve d’une plus grande fermeté à l’égard des auteurs de ces violences et mieux protéger les victimes.
Ainsi, le dispositif « téléphone grave danger » a vu le nombre d’appareils distribués multiplié par trois en un peu plus d’un an.
À ce jour, 1 490 terminaux ont été déployés en juridiction et 76 % ont été attribués, ce qui couvre l’ensemble des besoins actuels.
Pour ma part, je veux vous dire ma détermination à mener une lutte sans merci contre le fléau, que j’ai toujours combattu, des violences au sein du couple. C’est particulièrement indigne de notre civilisation et tellement contraire à nos valeurs. Je poursuivrai les travaux engagés par mon ministère dans le cadre du Grenelle des violences conjugales et j’ouvrirai si nécessaire de nouveaux chantiers.
Le texte qui vous est soumis aujourd’hui a fait l’objet d’un accord entre les deux assemblées. Je m’en réjouis vivement et vous remercie, tant ce sujet doit faire l’objet d’une union sacrée dépassant évidemment tous les clivages.
Les parquets et les juridictions sont plus que jamais mobilisés pour traiter sans délai les plaintes et les requêtes dont ils sont saisis. Pendant le confinement, les procureurs ont procédé, près de neuf fois sur dix, au déferrement des personnes mises en cause pour de telles violences. Dans la plupart des cas, une éviction du domicile familial a été prononcée à leur égard. Ce sont là des réponses efficaces.
Il s’agit aussi de décloisonner, de fluidifier la circulation des informations entre les différents services et, au-delà, de promouvoir l’engagement de tout le tissu associatif et des citoyens engagés pour donner aux personnes victimes de violences intrafamiliales les moyens de retrouver leur dignité.
Je connais l’engagement qui est le vôtre dans cette lutte contre les violences commises au sein du couple. Loin d’être des affaires privées, elles impliquent la société tout entière. Vous en êtes les représentants et vous avez d’ores et déjà, par le vote de plusieurs lois, renforcé les moyens de lutte contre ces violences. Je pense notamment à la loi du 28 décembre 2019, qui a renforcé et accéléré la procédure de l’ordonnance de protection, laquelle peut désormais être prise dans un délai contraint. La loi a également introduit l’interdiction pour le conjoint violent de se rendre dans certains lieux où se trouve de façon habituelle la partie demanderesse et a permis la suspension automatique de l’exercice de son autorité parentale. Le déploiement du bracelet anti-rapprochement d’ici au mois de septembre sera aussi l’une de mes priorités.
Cette loi du 28 décembre était toutefois incomplète. La présente proposition va permettre de parachever les évolutions législatives, qui, sur certains points importants, paraissaient encore nécessaires. Je me félicite de ce que ce texte ait pu faire l’objet d’un large consensus entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Mesdames, messieurs, vous avez adopté conformes onze des articles retenus par l’Assemblée nationale, puis vous avez trouvé un accord en commission mixte paritaire sur les dispositions qui restaient en discussion.
Cet accord, intervenu le 9 juillet dernier, résulte évidemment de la qualité de vos travaux et du travail conjoint des rapporteures – avec un « e » final –, Mme Bérangère Couillard à l’Assemblée nationale et vous, madame la sénatrice Marie Mercier. Je veux ici vivement vous remercier. Ce nouveau texte apporte des modifications nombreuses et significatives à notre législation et complète sur des points importants le code civil, le code pénal et le code de procédure pénale en vue de renforcer davantage encore la protection effective des victimes de violences familiales, qu’il s’agisse des parents ou des enfants.
Il prend notamment en compte le phénomène d’emprise, ce mécanisme si complexe qui place la victime sous la domination et la dépendance de son conjoint. Il permet de comprendre le silence des victimes et leur comportement craintif, qui fait croire à tort à une acceptation de leur sort. C’est pourtant cette emprise qui les maintient auprès de leurs bourreaux et peut les entraîner vers la mort.
Sur le plan pénal, tout d’abord, la proposition de loi se concentre sur trois axes majeurs.
Le premier vise à faciliter le signalement des violences conjugales.
À cette fin, la proposition de loi donne la possibilité aux professionnels de santé de porter ces faits à la connaissance du procureur de la République, même s’ils n’ont pas réussi à obtenir l’accord de la victime. Je sais les nombreux débats que cette mesure importante a provoqués. Je suis heureux que ces dispositions, améliorées en première lecture par l’Assemblée nationale puis précisées par la chambre haute, aient fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire.
Le deuxième axe consiste à améliorer les procédures pénales concernant ces infractions. Le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention pourra ordonner, dans le cadre d’un contrôle judiciaire et en motivant bien évidemment sa décision, la suspension du droit de visite et d’hébergement à l’égard des enfants, y compris en l’absence de violence directe à leur encontre.
Le troisième axe entend renforcer la répression de certains agissements.
Le harcèlement au sein du couple, quand il conduit la victime à se suicider ou à tenter de le faire, fait encourir dix ans d’emprisonnement à son auteur.
La lutte contre l’exposition des mineurs à la pornographie, notamment sur des sites internet, fait également l’objet d’un renforcement attendu. Le délit existant sera constitué y compris si l’accès d’un mineur à des messages pornographiques résulte d’une simple déclaration de celui-ci indiquant qu’il est âgé d’au moins 18 ans.
Par ailleurs, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel, s’il constate une violation de ces dispositions par un éditeur de sites internet, pourra enjoindre à ce dernier de se mettre en conformité avec la loi. En cas d’inexécution de cette injonction, il pourra saisir le président du tribunal judiciaire de Paris pour que celui-ci ordonne la fermeture de l’accès à ce service.