Je dirai tout d’abord un mot de la genèse de cette proposition de loi. Elle comporte certes quelques progrès, mais n’oublions pas qu’il s’agit d’un texte de consolation. Alors que se tenait le Grenelle, notre collègue député LR Aurélien Pradié a présenté une proposition de loi extrêmement ambitieuse, qui, dans une vision transpartisane assez originale, et en tout cas peu fréquente, a permis d’améliorer considérablement le mécanisme de l’ordonnance de protection.
La République En Marche en était fort chagrinée et a donc déposé la présente proposition de loi, dont une partie a dû être supprimée en cours d’examen. Au final, quelques dispositions supplémentaires permettent d’améliorer encore le sujet, et certains amendements du groupe socialiste, qui avaient été rejetés lors du précédent texte, ont finalement été acceptés lors de ce nouvel examen. L’essentiel est d’avancer.
Comme notre collègue Dominique Vérien l’a signalé, l’un des vrais progrès de ce texte, c’est l’introduction de la notion d’emprise dans nos codes. Cette évolution est délicate à faire accepter, mais fondamentale.
Les dispositions relatives à l’exposition des mineurs à la pornographie en ligne, introduites sur l’initiative de Marie Mercier, sont également très importantes.
Ce texte fut aussi l’occasion de remédier à une situation ubuesque : après l’introduction du délai de six jours pour délivrer l’ordonnance de protection, un décret de votre prédécesseure, monsieur le garde des sceaux, a fixé des modalités de convocation et de signification qui rendaient la procédure totalement impossible pour la demanderesse – ne soyons pas hypocrites, il s’agit en effet de femmes.
Les associations s’en sont émues, nous aussi, et le décret a finalement été modifié. La situation est désormais acceptable, sans être parfaite non plus. Le délai n’est plus imposé à peine de caducité de la requête et, lorsqu’il n’y a pas d’avocat, la procédure est lancée sur l’initiative du juge.
Les associations jouent en effet un rôle capital de vigie dans ce combat. Nous essayons de le relayer, de l’accompagner, mais c’est à elles que je pense à ce moment, et je veux les saluer.
Mon groupe votera le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, même s’il n’est pas idéal. Il introduit des dispositions sur le secret médical qui ont pu interpeller, et sur lesquelles les médecins spécialistes de ces questions sont partagés. Nous l’étions également, et nous verrons à l’usage si nous avons eu raison de les inclure. À l’inverse, d’autres sujets n’ont pas été retenus, comme la question du conjoint violent dans le domicile conjugal ou l’information systématique du parquet lors de la délivrance de l’ordonnance de protection.
Toutefois, chaque pas étant important, nous allons voter en faveur de ce texte, non pas parce que nous devrions par principe être tous d’accord sur ce sujet important – je m’inscris en faux contre un tel raisonnement –, mais parce que les progrès sont réels, même s’ils ne sont pas suffisants.
Madame la ministre, vous avez indiqué il y a quelques jours vouloir faire passer le nombre de féminicides de 170 à 10, ajoutant joliment que vous pourriez ainsi mourir tranquille. Je salue cette ambition : sur ce point, le groupe socialiste et l’ensemble du Sénat seront à vos côtés.