Intervention de Jean-Yves Leconte

Réunion du 23 juillet 2020 à 10h30
Prorogation du mandat des membres du conseil économique social et environnemental — Adoption d'un projet de loi organique dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

Il ne s’agit pas pour nous de l’avant-garde d’une réforme constitutionnelle. Nous débattrons du texte portant réforme du CESE pour ce qu’il est ; les autres sujets seront abordés à d’autres moments. Adopter un projet de loi organique ne signifie pas en approuver un autre plus tard, encore moins valider sans débat l’ensemble d’une réforme des institutions.

Assemblée des représentants de la société civile organisée, le Conseil économique, social et environnemental est un lieu de débats et d’échanges. Les employeurs, les entreprises, les syndicats, les jeunes, les associations environnementales, les acteurs mutualistes ou encore ceux du logement peuvent y discuter en toute transparence. Dans un pays où les débats sont souvent vifs, parfois violents, et où les affrontements sociaux paralysent parfois longtemps la société, c’est un cadre très précieux, qui favorise le dialogue et permet d’avoir, dans chaque syndicat, dans chaque institution, des personnes aux contacts des autres. Au fond, le Conseil économique, social et environnemental contribue à cimenter l’appartenance à la même communauté de destin, au-delà de nos oppositions d’intérêts sur un certain nombre de sujets, à trouver des solutions pragmatiques et à faire nation. Sa vocation est donc essentielle. Il corrige un peu nos habitudes gauloises de confrontation et permet de trouver des solutions utiles. Cette institution est donc vitale à notre unité.

Cependant, un constat s’impose. Depuis 2017, le nombre d’autosaisines, faute de saisine par le Gouvernement du CESE, est passé de 50 % à 80 %. C’est d’ailleurs assez étonnant, car les deux dernières années n’ont pas été particulièrement paisibles en matière sociale ! Le Gouvernement n’a donc manifestement pas perçu l’utilité de cette institution au cours des dernières années. C’est parfois vrai aussi du Parlement – il faut bien le reconnaître –, mais il est difficile de demander un avis au Conseil économique, social et environnemental quand nous n’avons que quelques semaines pour nous prononcer parce que nous sommes saisis en urgence. Cela étant, le 24 juin dernier, le président du Sénat, M. Gérard Larcher, s’est rendu au CESE pour assister à l’adoption de l’avis qu’il avait demandé sur les réponses à apporter au chômage de longue durée. Il y a donc une tradition d’échanges entre le Sénat et le CESE.

Il y a un autre problème : on peut toujours trouver des structures de concertation plus pointues que le CESE sur des sujets un peu techniques inscrits à son ordre du jour. La réforme doit donc également viser à renforcer sa visibilité et son efficacité.

Un amendement tendant à proroger aussi le mandat des soixante-dix-sept personnalités associées au CESE a été déposé en commission. Il a été rejeté, car ce sujet ne relève pas du domaine législatif ; c’est au Gouvernement qu’il appartient de décider en la matière. Vous pourrez peut-être nous faire part de votre position à propos du mandat de ces personnalités, monsieur le garde des sceaux.

S’il ne s’agit pas de valider aujourd’hui la réforme du CESE, permettons l’ouverture des débats. Il y a tant à dire. Deux sujets seront au centre des discussions.

Le premier est la baisse du nombre de membres du CESE. À mon sens, le chiffre de 40 personnalités qualifiées sur les 203 membres du CESE ne fera pas débat entre nous ; il est consensuel. En revanche, le fait de réduire de 18 le nombre de membres peut poser une difficulté au regard de la nécessité de représenter correctement l’ensemble des corps constitués du pays. C’est aussi le cas de l’idée de permettre au pouvoir réglementaire, dans un souci de flexibilité – du moins, c’est l’argument qui est mis en avant –, de finaliser la répartition entre ces différents corps.

Le second sujet est celui de la participation des citoyens tirés au sort. Le projet de loi organique de réforme, dont nous ne débattons pas aujourd’hui, prévoit non pas que des membres du CESE puissent être tirés au sort, mais que celui-ci s’adjoigne dans certaines conditions des citoyens tirés au sort.

Cette proposition soulève le débat entre démocratie participative et démocratie représentative. Nous sommes tous convaincus ici, je le crois, que la révolution numérique nous oblige à faire évoluer progressivement notre manière de faire de la politique, mais démontre aussi la nécessité de maintenir la démocratie représentative, seule à même d’assurer une réelle démocratie et de garantir le contrôle par des élus de l’ensemble de l’administration d’un État. Il est donc absolument indispensable que la démocratie représentative puisse continuer à vivre.

Les débats sur le tirage au sort auront lieu. Faut-il intégrer des citoyens tirés au sort au sein du CESE, créer une structure parallèle ou ne rien faire du tout ? Nous en discuterons probablement à l’automne. D’ailleurs, procéder par tirage au sort pour recueillir un avis, c’est finalement ce que font tous les instituts de sondages. On ne peut pas remplacer les élections par les sondages. Comment concilier le tirage au sort, si nous décidons de l’intégrer, et le renforcement de la démocratie représentative ? Nous n’avons pas nécessairement tous la même position entre nous, mais nous pourrons débattre, y compris des choix que le Gouvernement a faits en la matière.

En réalité, ces débats sont profondément liés à la réforme non pas des institutions, mais de notre manière de faire de la politique après la révolution numérique. Ils ne sont pas notre sujet aujourd’hui, mais l’adoption du présent projet de loi organique nous permettra de les avoir demain. Comment la société française peut-elle retrouver la voie de la compréhension entre les différents intérêts qui la traversent ? Comment un intérêt général peut-il se dégager au-delà des intérêts particuliers qui se confrontent ?

Qu’il s’agisse de questions sociales ou environnementales, le CESE est aujourd’hui absolument indispensable pour notre pays. Nous devons donc favoriser le débat qui en permettra la réforme. C’est pourquoi la commission des lois vous propose d’adopter le présent projet de loi organique.

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