Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 23 juillet 2020 à 14h30
Loi de finances rectificative pour 2020 — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire sur un projet de loi

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier :

Monsieur le président, monsieur le ministre – j’ai l’impression que nous nous voyons souvent en ce moment, tout comme un certain nombre de collègues, que je salue et qui étaient présents ici ce week-end –, nous voici réunis cet après-midi pour la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) relative au troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020 (PLFR 3).

Le Sénat vient d’examiner au pas de course ce troisième collectif budgétaire : le texte qui nous a été transmis, passé de 19 à 73 articles à l’Assemblée nationale, a été examiné en commission des finances le mercredi 15 juillet et en séance du jeudi 16 au dimanche 19 juillet dans la nuit. Nous avons cependant fait un travail long, sérieux et, même si nous avons parfois été un peu rapides, nous avons eu des débats les plus approfondis possible tout au long de ces trois jours.

J’avais dit au début de l’examen de ce troisième PLFR qu’il n’était pas une surprise, compte tenu de la dégradation de nos comptes avec un recul du PIB de 11 %, ce qui nécessitait une amplification des mesures de soutien. En clair, la crise est là, et le rôle du Parlement, en cette fin juillet, est d’être au rendez-vous pour sauver notre économie.

Indéniablement, nous avions un principal point de désaccord, monsieur le ministre. Malgré la réussite de cette CMP, il demeure : c’est non pas ce que vous présentiez dans ce PLFR qui nous gênait, mais ce qui ne s’y trouvait pas, à savoir les mesures de relance. Je considère que le plan de soutien du Gouvernement dans ce PLFR aurait dû être amplifié sans attendre la mise en œuvre d’un plan de relance à la rentrée – à l’automne, nous a-t-on dit ; puis, finalement, à la fin de l’année dans le projet de loi de finances… –, et ce afin de conforter la reprise. Je pensais, et je pense toujours, que les ménages et les entreprises ont besoin dès à présent de visibilité pour prendre leurs décisions en matière d’investissement et de consommation.

Pour autant, au-delà de ce sujet – nous avons pris date sur la relance – et dans le même esprit que celui qui nous a guidés lors du vote des PLFR 1 et 2, le Sénat a, en conscience et responsabilité, voté, dès la première lecture, les mesures de soutien du Gouvernement et le renforcement des dispositifs qui ont démontré leur utilité : prêts garantis par l’État, fonds de solidarité, mais aussi compensation des pertes des collectivités territoriales. Certes, nous souhaitions des améliorations de tel ou tel dispositif, mais, sur le fond, nous étions d’accord. Laurent Saint-Martin et moi-même avons ainsi travaillé dans un esprit constructif et nous avons permis l’élaboration d’un texte adopté en commission mixte paritaire mardi dernier.

Ce texte est évidemment un compromis. Comme dans tout compromis, nous pouvons regretter l’absence de telle ou telle mesure ou bien que l’on ne soit pas parvenu à aller plus loin sur tel ou tel sujet. Mais il me revient maintenant de vous présenter les nombreux points d’accord auxquels nous sommes parvenus et ayant permis de maintenir dans le texte final de nombreux et importants apports du Sénat.

Des solutions ont été trouvées pour deux des principales réserves du Sénat sur le texte du Gouvernement.

Premièrement, le texte de la CMP améliore la compensation des pertes de recettes des collectivités territoriales grâce aux apports du Sénat.

Tout d’abord, s’agissant des départements, est conservée la clause « de retour à meilleure fortune » – on peut la qualifier ainsi – aux termes de laquelle les départements ne seront tenus de rembourser les avances perçues qu’à compter de l’année suivant le retour d’un produit des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) au moins équivalent à celui de l’année 2019. Demander aux départements de procéder à de tels remboursements sans avoir retrouvé un niveau de DMTO suffisant était évidemment une aberration. Nous sommes donc parvenus à une solution satisfaisante concernant les ressources des départements.

Ensuite, il est désormais établi que l’enveloppe de 1 milliard d’euros attribuée au titre de la DSIL (dotation de soutien à l’investissement local) pourra également servir, notamment dans les territoires ruraux, à financer des projets en principe couverts par la DETR (dotation d’équipement des territoires ruraux). C’était une demande forte du Sénat.

Par ailleurs, une compensation, certes imparfaite – Roger Karoutchi nous en parlera sans doute –, a été prévue pour les pertes de recettes d’Île-de-France Mobilités et, conformément au souhait de Christine Lavarde, des EPT de la métropole du Grand Paris.

Concernant Île-de-France Mobilités, la commission mixte paritaire, je m’en réjouis, a retenu la modification introduite par le Sénat des critères de calcul de la compensation octroyée, en prévoyant de tenir compte des hausses de taux intervenues entre 2017 et 2019 pour le financement du passe Navigo unique. Cela devrait permettre d’augmenter significativement la compensation d’Île-de-France Mobilités. Il est toutefois fort regrettable que l’accord n’ait pas permis de renforcer davantage l’acompte versé en 2020 par l’État, au risque que les transports publics parisiens se voient privés des investissements pourtant indispensables.

Personne ne peut dire dans cette assemblée que les Franciliens voyagent dans de bonnes conditions et que le matériel ne doit pas être renouvelé. Si l’absence de compensation ou l’insuffisance de compensation par l’État devait entraîner l’arrêt des commandes, cela aurait bien sûr des conséquences pour les Franciliens, qui continueraient de voyager dans de mauvaises conditions, mais également pour l’emploi, car les commandes de matériels sont source d’emplois, y compris dans nos régions.

Deuxièmement, afin de renforcer le soutien aux entreprises les plus fragilisées – c’était important pour le Sénat –, le dispositif de remises de dettes partielles prévu à l’article 18 a été étendu à l’ensemble des entreprises de moins de 250 salariés qui auraient perdu plus de 50 % de leur chiffre d’affaires. Je rappelle que, avant son examen au Sénat, cette possibilité était réservée aux entreprises de moins de 50 salariés. Cette avancée significative, sur proposition du Sénat, permet de couvrir toutes les entreprises, quel que soit leur secteur d’activité.

La CMP a également conservé, bien évidemment, les importantes hausses de crédits votées par le Sénat, sur l’initiative du Gouvernement. Je pense aux crédits supplémentaires pour le renouvellement du parc automobile de la police et de la gendarmerie nationales, à hauteur de 60 millions d’euros – sujet cher à notre rapporteur spécial Philippe Dominati. Je pense également à l’augmentation des moyens des Crous, pour 50 millions d’euros, notamment pour financer la diminution du prix du ticket restaurant des étudiants boursiers. Je pense enfin à l’amélioration des modalités de l’apprentissage ou encore des moyens de l’Afitf (Agence de financement des infrastructures de transport de France) ou de l’investissement industriel. Tous ces dispositifs votés par le Sénat ont été retenus en CMP.

Concernant la prime à l’embauche, nous nous félicitons que des crédits aient été prévus à cet effet. Le Sénat avait voté l’enveloppe que j’avais proposée, qui était un peu plus importante. Le texte de la CMP reprend les montants du Gouvernement, qui ne sont pas si éloignés. Certes, le dispositif qui doit être institué par voie réglementaire pourrait différer de celui que nous avions imaginé au Sénat, mais j’espère, monsieur le ministre, que nos échanges n’auront pas été vains et que vous explorerez certaines des pistes évoquées ensemble. J’estime essentiel de soutenir plus spécifiquement les PME dans leurs recrutements dès lors qu’il s’agit de jeunes qui entrent sur le marché de l’emploi.

Le texte de la CMP contient d’autres dispositifs introduits sur l’initiative du Sénat.

À l’article 1er, les occupants du domaine public des établissements publics de santé ont été inclus dans l’annulation partielle des redevances domaniales, avec compensation par l’État.

À l’article 2 A, le crédit d’impôt pour un premier abonnement à un journal a été amélioré avec la suppression du plafond, contre un taux ramené à 30 %.

À l’article 2 ter, les dispositions de la proposition de loi de notre collègue sénatrice Dominique Vérien ont été reprises, telles qu’elles ont été votées par l’Assemblée nationale et le Sénat, sur l’élargissement du champ d’application du label de la Fondation du patrimoine, notamment pour couvrir les centres-bourgs.

À l’article 4, le délai dont disposeront les travailleurs indépendants pour demander le déblocage exceptionnel de l’épargne retraite a été étendu au 31 décembre 2020.

À l’article 4 nonies, l’exonération temporaire de 100 000 euros de droits de mutation à titre gratuit applicable aux donations a été étendue.

Je pense également à la hausse de l’enveloppe du plan France très haut débit, sujet essentiel, le confinement ayant fait apparaître des besoins pour le télétravail et le téléenseignement.

La programmation pluriannuelle de l’énergie a également été prise en compte. Le crédit d’impôt pour l’investissement en Corse a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2023.

Enfin, l’aide exceptionnelle aux entreprises pour le recrutement d’apprentis a été étendue, en retenant en particulier qu’elle s’applique également pour les recrutements en master, comme l’avait souhaité le Sénat. La conférence des présidents d’université avait appelé notre attention sur cette disposition.

Pour conclure, j’aimerais dire que je suis satisfait – même si on n’est jamais totalement satisfait en ce bas monde – du travail réalisé avec mon homologue de l’Assemblée nationale et de l’écoute dont il a fait preuve lors de l’élaboration d’un texte commun. Encore une fois, ce texte est le fruit d’un compromis, que d’aucuns pourront juger très insuffisant sur certains aspects.

Je resterai, comme le président Larcher, qui l’a écrit au Premier ministre – j’ai reçu la copie de son courrier ce matin –, très attentif à la situation d’Île-de-France Mobilités. Le Gouvernement s’est engagé à trouver une solution cet automne ; j’espère même que, d’ici à cet automne, des rencontres permettront d’affiner les chiffres. En tout cas, soyez assuré, monsieur le ministre, de la vigilance du Sénat sur cette question.

En outre, comme nous aurons l’occasion d’en reparler dans le cadre du débat sur l’orientation des finances publiques, j’attends désormais votre plan de relance, indispensable pour notre économie. Espérons qu’il n’arrivera pas trop tard !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion