Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs généraux, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous dire le plaisir qui est le mien de participer avec vous à ce débat sur l’orientation des finances publiques (DOFP). Le contexte de ce débat est très particulier, comme en témoigne le projet de loi de finances rectificative que vous venez d’adopter et que l’Assemblée nationale adoptera certainement – si je peux me permettre de préjuger le résultat – lors de sa séance de fin d’après-midi.
Je souhaite, dans un premier temps, revenir sur l’utilisation de notre budget pendant la période précédant la crise. Je veux ensuite vous présenter, avec vérité, l’état de la situation actuelle de nos finances publiques. Enfin, puisqu’il est question de trajectoire, j’évoquerai nos perspectives pour 2021, qui seront déterminantes à la fois pour tenir les engagements pris et pour assurer la viabilité de nos finances publiques.
Le Gouvernement et sa majorité n’ont pas à rougir de leur action depuis 2017, qui s’est traduite par une nette amélioration des finances publiques jusqu’à l’an dernier. Depuis le début du quinquennat, notre stratégie est fondée sur la diminution des prélèvements obligatoires, la maîtrise de la dépense et de la dette publiques et une application rigoureuse du principe de sincérité budgétaire, qui s’applique autant à nos prévisions qu’à la budgétisation des dépenses.
Il ne faut pas négliger le rôle joué par cette bonne gestion dans notre capacité à gérer la crise. Les efforts conduits depuis trois ans ont permis de sécuriser nos marges de manœuvre pour faire face à des dépenses imprévues et exceptionnelles qui ont été et qui sont encore nécessaires.
Les réformes que nous avons menées ont grandement participé à cet état de fait, d’abord par la baisse inédite des prélèvements obligatoires, qui va se poursuivre, pour redonner du pouvoir d’achat aux Français et de la compétitivité à nos entreprises. J’ai ainsi à l’esprit la suppression de la taxe d’habitation, qui se poursuivra au rythme annoncé, les réductions de cotisations sociales, l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires, la transformation du CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) en allégement pérenne ou encore la baisse de l’impôt sur les sociétés. Ce sont ces réformes qui ont permis de faire passer le taux de prélèvements obligatoires par rapport au PIB de 45, 1 % en 2017 à 44, 8 % en 2018 et à 43, 8 % en 2019, un taux de prélèvements obligatoires que nous voulons a minima préserver.
La progression des dépenses a été maîtrisée, notamment grâce à des réformes structurelles dans le champ de la politique du logement, de l’emploi et de l’audiovisuel public. Les administrations locales, qui, nous le savons, font face à des responsabilités croissantes, se sont également engagées dans cet effort commun de maîtrise des finances publiques. Ainsi, les collectivités et les organismes locaux présentent depuis quelques années un solde excédentaire. Cela a notamment été permis par la mise en place, en 2018, des contrats de Cahors ainsi que par un ciblage renforcé des dépenses, mais aussi par le maintien des dotations de fonctionnement.
Les finances de la sécurité sociale étaient revenues, avant la crise sanitaire, à une situation proche de l’équilibre, puisque le déficit de l’an dernier avait même été réduit à 1, 9 milliard d’euros, son niveau le plus faible depuis le début des années 2000.
Enfin, la qualité de la gestion publique a été améliorée grâce au travail de sincérisation des prévisions établies en loi de finances initiale. La sincérité s’est accompagnée d’un plus grand respect des autorisations parlementaires, à l’instar des deux derniers budgets rectificatifs. Nous n’avons ainsi pris aucun décret d’avance au cours des deux derniers exercices, une méthode dont nous souhaitons poursuivre la mise en œuvre.
En matière de gestion des finances publiques, des améliorations sont évidemment toujours possibles. La Cour des comptes a récemment souligné, dans son rapport sur l’évolution des finances publiques, la nécessité de mener une nouvelle réflexion sur les modalités de leur pilotage pour l’avenir, dans un contexte bouleversé par la crise sanitaire et par ses conséquences économiques et financières.
Le recours à trois budgets rectificatifs pour 2020, dont vous venez d’adopter le dernier, montre que nous savons être réactifs et mettre nos objectifs de finances publiques temporairement de côté pour parer à l’urgence. La crise sanitaire nous a en effet conduits à agir vite et à prendre des décisions fortes en faisant passer la santé de nos concitoyens au premier rang des priorités. En 2020, ce sont ainsi 8 milliards d’euros de dépenses de santé supplémentaires qui ont été mobilisés pour financer des commandes massives de médicaments, de respirateurs ou de masques, mais aussi pour le versement de primes, le paiement d’heures supplémentaires ou encore le versement d’indemnités journalières.
L’arrêt de l’activité a bouleversé nos entreprises, notamment les plus petites d’entre elles, ainsi que leurs salariés. Nous les avons aidées, et nous devons redoubler d’efforts pour les accompagner, avec, en particulier, le soutien massif à l’emploi, grâce au financement de l’activité partielle, qui représente aujourd’hui un total de 31 milliards d’euros, et le fonds de solidarité, destiné à venir en aide aux entreprises les plus vulnérables et qui a été étendu dans le PLFR 3 pour représenter plus de 8 milliards d’euros.
Par ailleurs, l’État s’est placé en situation d’assureur en dernier ressort de l’économie par la garantie des prêts aux entreprises qui en avaient besoin ; nous avons également mis en place un système de report d’échéances de paiement de prélèvements obligatoires, dont certains feront désormais l’objet d’annulations définies par l’article 18 du PLFR que vous venez d’adopter.
Nous avons aussi travaillé à rembourser de manière anticipée les crédits d’impôt et nous avons abondé le compte « Participations financières de l’État » à hauteur de 20 milliards d’euros pour nous permettre de prendre des participations dans des entreprises stratégiques qui auraient besoin de cette intervention pour être pérennisées.
Il faut aussi souligner que le confinement a exacerbé les disparités qui existaient au sein de notre société. Il était donc de notre devoir d’assurer, en complément des actions déjà menées, un soutien pour les plus fragiles. C’est la raison pour laquelle nous avons prolongé les revenus de remplacement, différé de quelques mois l’entrée en vigueur de la réforme de l’assurance chômage, mais aussi distribué une prime exceptionnelle aux foyers les plus fragiles et les plus précaires, octroyé une aide supplémentaire pour les jeunes ou pour les étudiants et mis en place des dispositifs d’aide sociale, de chèques services pour l’alimentation ou pour l’hygiène, afin d’apporter une aide nécessaire à ceux qui en avaient le plus besoin.
L’ensemble de ces mesures sanitaires, économiques et sociales, ainsi que les garanties apportées par l’État représentent au total 470 milliards d’euros, consacrés à lutter contre la crise et ses conséquences. Il était de notre devoir d’être à la hauteur des enjeux de cette crise sanitaire, et la dégradation de nos finances publiques était évidemment inéluctable. Personne, à mon sens, n’aurait pu procéder autrement.
À ce stade, nos prévisions économiques permettent d’estimer un impact de la crise sur les finances publiques. Ainsi, le solde public pourrait s’établir à moins 11, 4 % du PIB en 2020, contre moins 2, 2 % dans la loi de finances initiale. Le solde structurel serait en revanche stable, à moins 2, 2 %, puisque les effets de la crise revêtent un caractère exceptionnel, que nous devons préserver.
La dette, elle aussi, atteindra un niveau record, à 121 % du PIB, mais, malgré cela, nous continuons à jouir de la confiance de nos créanciers, notre crédibilité sur les marchés venant aussi du sérieux de notre gestion. On mesure à quel point cela est essentiel.
Nos finances publiques sont utilisées massivement comme instrument de lutte face à la crise. Nous menons une action forte, à la fois ciblée et contracyclique, et nous continuerons à le faire dans les prochains mois. Pour les deux ans à venir, la priorité sera la relance.
J’en viens aux perspectives de l’année 2021.
Selon nos dernières prévisions, le PIB national rebondira mécaniquement de 8 % en 2021, avant l’intervention du plan de relance, dont l’objectif sera, évidemment, d’aller au-delà de ce chiffre. Ces prévisions sont encourageantes, mais elles restent très incertaines. La reprise de l’activité demeure dépendante de la situation sanitaire, et la crise a aussi pu entraîner des changements structurels dans les entreprises, dont nous ne mesurons sans doute pas encore toutes les conséquences. Le Haut Conseil des finances publiques a qualifié nos prévisions de prudentes. Nous comptons rester prudents en attendant que ces différentes hypothèses soient régulièrement actualisées.
Afin de conforter la croissance, nous devons porter un plan de relance pour notre tissu économique, dont les mesures seront au cœur du projet de loi de finances pour 2021, qui sera présenté dans les prochaines semaines. Elles trouveront leur place dans une mission spéciale de relance et ne seront pas disséminées dans les chapitres des crédits dits « ordinaires ».
Sur la méthode, encore, ce projet de loi de finances sera accompagné – c’est une première – d’une budgétisation verte, qui nous permettra de mesurer l’impact environnemental de notre action. Cette innovation méthodologique offrira une réelle visibilité des effets de l’action publique en matière d’environnement. C’est la première fois qu’un pays se prête à cet exercice à l’échelle de son budget national.
Les mesures dédiées à la relance seront donc regroupées dans une nouvelle mission du budget de l’État, qui sera temporaire et se trouvera en dehors du périmètre de la norme de dépenses pilotables, pour faciliter la lecture de notre action. Chaque politique publique portera ainsi les crédits du budget général et du plan de relance.
Le budget pour 2021, hors plan de relance, dont les premiers équilibres vous sont présentés dans le document qu’il est convenu d’appeler le « tiré à part », confirme notre sérieux et notre engagement budgétaire. Avec une progression des dépenses pilotables de l’État de 2, 6 %, soit 7, 2 milliards d’euros, le Gouvernement a choisi de construire un budget qui reprend la trajectoire triennale comme point de référence, actualisée des priorités nouvelles nées de la crise et des engagements pris par le Gouvernement et le Président de la République.
Ainsi, à titre d’illustration, les armées, qui ont bénéficié d’un renforcement sans précédent de leurs moyens depuis 2017 avec une augmentation de 5, 2 milliards d’euros en trois ans, verront leur budget doté de 1, 7 milliard d’euros supplémentaires en 2021, notamment en faveur de la défense spatiale. Les moyens de la justice seront augmentés, grâce à une progression de son budget de 6 %.
Notre ambition est aussi de continuer à investir dans les savoirs et les compétences. Notre action doit notamment permettre aux jeunes de construire leur avenir sereinement et de bénéficier d’opportunités professionnelles, tout en participant à la construction de l’avenir de notre pays. C’est la raison pour laquelle le budget de l’éducation nationale progressera de 1, 3 milliard d’euros et le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche de plus de 300 millions d’euros.
Toujours pour financer nos priorités, les crédits alloués à la transition écologique s’élèveront à plus de 26 milliards d’euros, soit une hausse de 550 millions d’euros, auxquels s’ajoutera une enveloppe majeure du plan de relance, puisque nous avons la volonté que celui-ci soit le plus vert possible.
Nous allons financer d’autres priorités, mais avec des montants de crédits sans comparaison. Le budget de la culture, par exemple, bénéficiera d’une hausse de ses crédits au titre du budget général de plus de 150 millions d’euros, le budget dédié à l’égalité entre les femmes et les hommes augmentera de près de 40 % pour répondre aux priorités et aux engagements pris.
Ces orientations doivent servir de cadre à la discussion qui commence aujourd’hui. Je sais votre engagement en faveur de l’intérêt général et des comptes publics et je connais, d’expérience, la qualité de nos échanges. Je suis convaincu qu’ils nous permettront de construire ensemble un budget susceptible de nous remettre sur le chemin de la croissance et de l’emploi.
J’insiste sur le fait que ce budget général sera complété par une mission relative à la relance. Je m’assigne la tâche, pour les semaines qui viennent, de veiller à ce que les crédits qui y seront inscrits soient ponctuels et participent à une augmentation de la dépense conjoncturelle, sans dégradation du solde structurel, de manière que, lorsque nous aurons atteint le niveau de production de richesses qui était le nôtre avant la crise, nous retrouvions des conditions de poids des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques qui ne soient pas dégradées par rapport à la période précédant la crise, mais que nous continuions, au contraire, à bénéficier des efforts faits, en allant plus avant en la matière.