Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 23 juillet 2020 à 14h30
Débat sur l'orientation des finances publiques

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le débat sur l’orientation des finances publiques intervient cette année dans un contexte particulier. En raison de la crise sanitaire, le rapport préparatoire prévu par l’article 48 de la LOLF, dans lequel le Gouvernement doit normalement présenter les perspectives de l’économie pour les années à venir et préciser sa stratégie de finances publiques, est amputé de sa perspective pluriannuelle. En outre, le débat intervient quelques jours à peine après l’examen du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020, qui a déjà été l’occasion de débattre de ces perspectives et du scénario qui sera retenu pour l’année en cours. Aussi, je concentrerai mon propos sur les premiers éléments d’information concernant l’exercice 2021 contenus dans le rapport préparatoire au DOFP, qui en constituent la seule véritable nouveauté.

Pour 2021, vous le savez, c’est dans la presse, notamment dans Le Figaro – vous pouvez d’ailleurs vous abonner à un journal grâce au crédit d’impôt de 30 % sans limitation voté par le Sénat §–, le Gouvernement table sur une croissance de 8 %. À la fin de l’exercice, l’activité resterait ainsi inférieure de 3, 9 % au niveau atteint en 2019, soit une perte comparable à celle que le consensus des économistes, la Banque de France et l’OCDE anticipent. Le scénario pour 2021 apparaît donc raisonnable.

Je souhaite néanmoins appeler votre attention sur un point de vigilance qui concerne l’effet de la crise sur le PIB potentiel. En effet, le Gouvernement continue de faire l’hypothèse que la crise n’aura aucun effet sur le PIB potentiel et que la perte d’activité sera intégralement rattrapée. Or il s’agit malheureusement d’une hypothèse optimiste, compte tenu de l’ampleur des défaillances d’entreprises et de la hausse du chômage anticipées, d’une part, et de l’expérience des récessions précédentes, d’autre part.

La plupart des organisations internationales et des instituts de conjoncture ont ainsi retenu une hypothèse plus prudente que le Gouvernement. À titre d’illustration, la Banque de France table sur une perte définitive de PIB potentiel de l’ordre de 1, 5 point, mais considère que la croissance potentielle ne serait en revanche pas affectée, tandis que la Commission européenne a d’ores et déjà revu à la baisse sa prévision de croissance potentielle.

Il serait souhaitable à l’avenir de retenir un scénario plus prudent, selon lequel la crise aurait un effet sur le PIB potentiel, sans nécessairement grever la croissance potentielle. Cela permettrait, notamment, de porter une appréciation plus prudente sur la situation structurelle des comptes publics.

Sur le plan budgétaire, le Gouvernement anticipe un recul du déficit public à 5, 5 % du PIB en 2021, après le chiffre catastrophique de 11, 5 % en 2020. Cette amélioration s’expliquerait par le rebond de la croissance, mais aussi par la mise en extinction des mesures de soutien ayant pesé sur le solde de 2020. Le ratio d’endettement diminuerait légèrement pour atteindre 117, 5 % du PIB, après 120, 9 % en 2020, du fait de l’effet dénominateur lié au rebond de l’activité. Si le Gouvernement ne nous donne pas d’indication sur le niveau du déficit structurel, il s’agit, là encore, d’un point de vigilance.

Comme je l’ai rappelé maintes fois dans le cadre du débat sur le PLFR 3, les mesures de soutien et de relance de l’économie doivent être immédiates, temporaires et réversibles, afin de ne pas peser sur la situation structurelle des comptes publics. Or j’observe depuis quelques semaines que plusieurs mesures pérennes de baisses d’impôts ou de hausses de dépenses ont été annoncées par le Gouvernement. J’ai notamment à l’esprit les 2, 3 milliards d’euros de CSG affectés à la dépendance, les 8, 1 milliards d’euros consacrés au Ségur de la santé ou encore la baisse, non financée à ce stade, de 10 milliards d’euros des impôts de production. Si ces mesures étaient toutes appliquées, cela ferait déjà près de 1 point de PIB de déficit structurel en plus. Dès lors qu’il ne s’agit pas de mesures temporaires, se posera inévitablement la question de leur financement, comme en témoigne d’ailleurs la cacophonie gouvernementale quant à l’éventuel report de la suppression complète de la taxe d’habitation.

Si le rapport préalable au DOFP intervient sans doute un peu trop tôt pour que le Gouvernement puisse clarifier ses intentions en la matière, il est impératif que le projet de loi de finances pour 2021 comporte un volet pluriannuel permettant de donner de la visibilité à la stratégie de moyen terme du Gouvernement en matière de finances publiques. Cela pourrait d’ailleurs s’accompagner d’une actualisation de la loi de programmation des finances publiques, aujourd’hui totalement obsolète.

Pour ma part, je considère que cette stratégie doit s’articuler autour de deux piliers.

Premièrement, la poursuite du soutien au tissu productif en 2021, dès lors que celui-ci ne devrait pas se traduire par une hausse de la charge de la dette à court terme et permettrait de préserver le potentiel de l’économie française. Il serait contre-productif de chercher à augmenter les impôts ou à diminuer certaines dépenses tant que le rattrapage du terrain perdu pendant le confinement n’est pas achevé.

Deuxièmement, un effort continu de redressement des comptes publics à moyen terme, fondé sur la maîtrise de la dépense publique, afin de retrouver des marges de manœuvre en vue des futures crises et de nous prémunir contre le risque de remontée des taux d’intérêt.

Concernant le budget pour 2021, le « tiré à part » qui nous a été transmis ce matin, à six heures vingt-cinq – le ministre m’a indiqué qu’il avait signé le bon à tirer quelques heures avant, dans la nuit –, contient des informations lacunaires. On n’y trouve aucun élément sur les schémas d’emplois des ministères – à moins que nous ayons manqué une annexe… – et quasiment aucune information sur les évolutions des budgets des différentes missions ou sur la hausse des dépenses pilotables. Vous donnez, certes, quelques éléments sur la mission « Écologie », mais cette hausse de 550 millions d’euros, que vous expliquez par l’augmentation des crédits consacrés à la biodiversité, inclut-elle également la rebudgétisation du Fonds de prévention des risques naturels majeurs, qui compte pour 205 millions d’euros ?

Aure question : qu’en est-il des difficultés à réformer l’État ? Tous les objectifs affichés en début de quinquennat, en termes de transformation de l’action publique, ont-ils été abandonnés ? Ce serait à mon sens dommageable.

Enfin, et surtout, ce document ne dit rien non plus des crédits budgétaires de la future mission consacrée au plan de relance, dont nous avons beaucoup parlé ces derniers jours. Cette nouvelle mission n’est pas définie, seuls ses quatre axes sont précisés. Pouvez-vous nous en dire davantage sur la répartition des différentes enveloppes ? Nous restons sur notre faim !

Je pense, comme bon nombre de nos collègues, que le plan de relance est une nécessité dont la mise en œuvre n’a que trop tardé. Nous attendrons donc, à la fin du mois d’août, la présentation du projet de loi de finances pour 2021. Nous passerons ce court temps de vacances dans l’impatience de prendre connaissance de vos intentions !

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