Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, le débat que nous tenons aujourd’hui, en application de l’article 48 de la LOLF, a pour objet de préparer l’examen du projet de loi de finances ; il s’appuie sur les informations délivrées par le Gouvernement à cet effet.
Il ne porte toutefois pas sur le seul budget de l’État, mais, ainsi que M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales vient de le signaler, sur l’ensemble de nos finances publiques, y compris les finances sociales et locales. De ce point de vue, ce débat prépare aussi l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, dans un contexte où l’on peut regretter, en effet, que la loi de financement de la sécurité sociale pour cette année n’ait fait l’objet d’aucune révision, alors même que les finances sociales sont très durement affectées par la crise.
Le débat sur l’orientation des finances publiques est le seul moment, très elliptique, d’un débat consolidé sur nos finances publiques, alors que l’on voit très clairement, en prenant les seuls exemples du chômage partiel, des exonérations de charges ou du Ségur de la santé, que les problématiques sont partagées. Il en va de même pour les relations financières de l’État avec les collectivités territoriales.
Cette année est particulière, en ce qu’elle marque plutôt une désorientation qu’une orientation de nos finances publiques – pardonnez-moi ce mot d’esprit…
Le Gouvernement, en septembre dernier, donc par temps calme, avait préféré reporter l’actualisation de la loi de programmation 2018-2022, pourtant déjà largement obsolète, au motif des incertitudes liées au contexte macroéconomique et à la réforme des retraites. Le voilà désormais rattrapé par des incertitudes plus grandes encore, qui rendent fragile, sinon illusoire, tout exercice de programmation.
De fait, à l’instar du programme de stabilité présenté à la Commission européenne en avril dernier, le rapport qui nous est soumis se borne, pour l’essentiel, à estimer la récession pour 2020 – à 11, 5 % du PIB – et ses conséquences sur nos finances publiques – un déficit de 11, 4 % et une dette de 121 % du PIB. Je me souviens de l’époque où nous regardions le seuil des 100 % avec effroi…
Nous avons déjà largement mentionné ces chiffres, ainsi que les mesures prises pour remédier à la crise économique et financière, dans nos débats sur le PLFR 3. J’insisterai donc davantage sur les éléments de débat spécifiques à la préparation du budget pour 2021, figurant à la toute fin du rapport du Gouvernement et dans le « tiré à part » sur les missions budgétaires, lequel comme notre rapporteur général l’a souligné, nous a été communiqué seulement ce matin même – les conditions de travail du Parlement sont assez malmenées, et chacun devrait en prendre la mesure pour changer ce qui doit l’être.
Tout d’abord, le Gouvernement nous annonce « un rebond économique fort en 2021 », soit une croissance de 8 %, « hors effet du plan de relance à venir ». Le déficit serait ramené à 5, 5 % du PIB. Nous ne pouvons qu’espérer un tel rebond, mais, comme le Gouvernement lui-même l’indique dans son rapport, « un haut niveau d’incertitudes ainsi qu’un environnement international peu favorable » incitent à rester prudent. Bref, les prévisions ne valent que pour ceux qui les présentent… Je pense en particulier aux risques sanitaires, toujours présents, et aux tensions commerciales et internationales. Par ailleurs, malgré ce rebond, le PIB demeurerait en 2021 inférieur d’environ 4 % à son niveau de 2019.
Le Gouvernement compte s’appuyer en 2021 sur le plan de relance européen pour financer une grande partie des mesures qu’il présentera cet automne.
L’accord trouvé en début de semaine au Conseil européen doit, bien sûr, être salué, même s’il est moins ambitieux qu’envisagé, puisque les subventions sont ramenées de 500 milliards à 390 milliards d’euros. Sans compter qu’il s’est fait au prix de coupes dans certaines politiques de l’Union européenne, comme la recherche et la défense, et de l’augmentation des rabais de certains de nos partenaires, une mesure à laquelle le Sénat s’était opposé dans sa résolution européenne du 22 juin dernier, adoptée sur le rapport de Jean-François Rapin.
La France obtiendrait 40 milliards d’euros, dont une part importante serait versée en 2021 et 2022. Il importera que les procédures d’évaluation par la Commission européenne et d’approbation par les États membres soient suffisamment souples et efficaces pour que ces moyens supplémentaires, qu’il faudra rembourser plus tard selon des modalités restant particulièrement floues, soient décaissés rapidement.
Nous ne disposons, à ce stade, que d’indications vagues sur ce que pourrait contenir le plan de 100 milliards d’euros sur deux ans annoncé par le Gouvernement. Certes, une communication aura lieu en conseil des ministres le 24 août prochain, et un comité de suivi est d’ores et déjà annoncé, mais les dispositions concrètes figureront dans le projet de loi de finances, présenté à la fin de septembre.
Pour le moment, la plus importante des mesures annoncées est une baisse des impôts de production à hauteur de 10 milliards d’euros en 2021 : elle interroge quant aux priorités du Gouvernement au sujet d’une relance verte.
Au-delà de la communication prévue, nous serons vigilants sur la réalité des moyens mobilisés pour la transformation de notre économie, mais aussi pour le soutien aux ménages, qui seront durement touchés par la crise et les licenciements.
Enfin, je ne puis pas conclure sans souligner le changement de cap à 180 degrés du Gouvernement en matière d’effectifs publics. Alors qu’une baisse de 50 000 emplois au sein de l’État et de ses opérateurs était annoncée dans la loi de programmation des finances publiques, sur la période 2018-2019 le résultat s’établit plus modestement à 7 148 équivalents temps plein de moins ; et, désormais, le Gouvernement annonce, sans en donner le nombre, des créations d’emploi en 2021, affectées, sauf exceptions justifiées, dans les services départementaux de l’État.
Ce matin, Bruno Le Maire a évoqué une « maîtrise de l’évolution de l’emploi public », avec des augmentations d’emplois dans la police, la justice et la santé, mais aussi des réductions d’effectifs dans les secteurs où cela est possible – il a cité le ministère des finances.
La crise sanitaire et économique que nous vivons aura le mérite de faire découvrir au Gouvernement l’importance de nos services publics de proximité et de la solidarité nationale… Encore faudra-t-il, plutôt que d’annoncer de nouvelles baisses d’impôts, s’interroger sur les moyens de financer ces services publics, notamment en faisant contribuer ceux qui en ont les moyens. Nous en reparlerons à l’automne !