Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre pays se trouve très certainement à un moment décisif de son histoire.
Alors que l’urgence climatique n’a jamais paru plus pressante, notre économie est au plus mal. Le temps nous est compté pour pousser à fond la transition écologique, mais il nous est aussi compté pour engager notre pays sur la voie du désendettement.
Tel est le double défi qui nous attend. Je dis double, car il serait bien irresponsable de vouloir traiter l’un puis l’autre de ces deux aspects : sans prospérité économique, pas de transition écologique ambitieuse ; sans priorité écologique, pas de résilience économique et financière. Je le dis au nom de mon groupe : dette publique, dette écologique, même combat ! Il n’y a pas d’alternative.
Tel est l’esprit dans lequel nous abordons ce débat d’orientation des finances publiques. Il faudra bâtir la stratégie pour les années à venir, afin de répondre à cet impératif majeur : réduire cette double dette que nous avons laissé enfler durant tant d’années à cause de notre insouciance.
Alors que le Parlement s’apprête à adopter définitivement le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020, nous avons d’ores et déjà engagé des sommes colossales pour préserver notre tissu économique. Pareilles mesures s’imposent à nous, dès lors qu’elles ne contredisent pas l’impératif écologique. Nous aurons besoin de toutes nos entreprises pour entamer la relance, de même que pour accélérer la transition écologique. Il s’agit de préserver autant que possible notre tissu économique en attendant les jours meilleurs.
La décision prise par le Gouvernement de ne pas augmenter les impôts va dans le bon sens. Nous aurons besoin de capitaux pour innover et inventer les modèles économiques de demain. Nous devons donc continuer à encourager les investissements, que ce soit dans le domaine public ou dans le secteur privé.
Mais cet arbitrage fiscal, pour rationnel et stratégique qu’il paraisse, nous oblige. Il nous oblige à réduire de manière draconienne la dépense publique, aujourd’hui supérieure à 60 % de notre PIB et largement au-dessus de la moyenne de la zone euro, sans quoi le rétablissement de l’équilibre budgétaire et a fortiori la réduction de notre dette publique, sont inenvisageables à moyen terme. Voilà donc le véritable défi sur le plan budgétaire pour les années qui viennent.
Bien sûr, nous ne relèverons pas un tel défi en nous contentant d’une approche comptable. Il faudra investir dans une relance qui combine intelligemment écologie et économie, en misant sur une croissance verte.
Mais une dette publique au-delà de 120 % de notre PIB n’est pas seulement une réalité comptable. C’est d’abord une réalité qui pèse sur notre souveraineté nationale et compromet notre liberté collective. C’est un fardeau que nous laissons à nos enfants et à nos petits-enfants, alors que nous leur laissons déjà une dette écologique.
Il nous appartiendra donc, dans les prochaines années, de leur montrer que nous n’avons pas renoncé à corriger le tir. C’est pourquoi, monsieur le ministre, notre groupe souhaite connaître les grandes orientations que le Gouvernement compte donner à la politique économique, afin de maîtriser la dette publique. Certes, la relance ne fait que commencer, mais il n’est pas envisageable de laisser l’argent public couler à flots, en espérant que la croissance ainsi relancée ne finisse par renflouer les caisses.
Il faut prévoir une trajectoire des finances publiques qui soit à la fois raisonnable en termes de discipline budgétaire et ambitieuse en termes de relance économique. Tel doit être l’objectif du Gouvernement, et le Parlement devra le soutenir dans cette démarche de responsabilité. Il s’agit de ramener au plus vite notre pays sur un chemin qui l’expose moins à la volatilité des marchés financiers. Voilà le défi qui nous attend, mes chers collègues.
Vous n’êtes pas sans savoir que le débat qui nous occupe aujourd’hui devait initialement se tenir il y a une semaine. Si je fais abstraction des considérations pratiques, je me réjouis que l’ordre du jour ait été ainsi chamboulé. Et pour cause, un événement majeur est survenu dans l’intervalle qui change radicalement les termes de notre débat. Je pense évidemment à l’accord obtenu par le Conseil européen après des négociations marathon. L’étape qui a été collectivement franchie par les Vingt-Sept constitue un moment historique. Nous savons tous le rôle déterminant que la France a joué dans l’obtention de cet accord – le crédit en revient assez largement au Président de la République.
La donne a donc changé. Notre pays, qui devrait obtenir près de 40 milliards d’euros de cet accord, a de quoi s’en satisfaire. Cela lui conférera des marges de manœuvre budgétaires adaptées à la gravité de la situation. Mais c’est surtout le projet européen qui y trouvera un nouveau souffle. Cet accord est le gage d’une intégration renforcée entre nos pays, déjà liés par des relations intenses et étroites. C’est un immense pari que nous faisons ensemble. Je suis persuadée que l’économie de l’Union, malgré toutes ses disparités, repartira de plus belle.
Je me permets toutefois d’apporter une touche de réalisme à ce tableau. Je crois qu’il serait dangereux de considérer que l’endettement, parce qu’il a changé d’échelle, a aussi changé de nature. La dette contractée par l’Union européenne devra être remboursée – chacun le sait. Le plan de relance européen est une immense opportunité pour la France, mais, comme toute opportunité, il comporte des risques. Le succès du plan de relance ne tiendra qu’à la possibilité d’une croissance retrouvée dans notre pays et chez nos partenaires.
Plus que jamais, les destins de nos nations sont liés par un engagement commun.