Intervention de Jean-Marie Vanlerenberghe

Réunion du 22 juillet 2020 à 15h00
Dette sociale et autonomie — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi organique et d'un projet de loi

Photo de Jean-Marie VanlerenbergheJean-Marie Vanlerenberghe :

Je suis heureux de vous saluer, madame la ministre, car, étant tous deux élus du même département, nous avons quelques accointances. Pour autant, je ne partage pas l’ensemble de vos propos, ce dont je vais m’expliquer.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il nous faut donc débattre à la suite de l’échec de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte commun aux deux assemblées. Croyez bien que nous regrettons cet échec, lequel n’est pourtant pas la marque d’un désaccord global, puisqu’il y avait des convergences entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

Pour ce qui concerne le volet relatif à l’autonomie, dont vous êtes chargée, les deux assemblées ont approuvé la création à venir d’une « cinquième branche » de la sécurité sociale. Néanmoins, le Sénat souhaite qu’il y ait un véritable contenu derrière ce nom, en termes tant financiers que d’organisation. Nous attendons donc avec impatience les conclusions du rapport que le Gouvernement doit remettre au Parlement avant le 15 septembre.

Nous notons également avec satisfaction que l’Assemblée nationale a retenu, en nouvelle lecture, les améliorations apportées par le Sénat afin de mieux encadrer le contenu du rapport et les consultations préalables à sa rédaction.

Pour ce qui concerne la dette sociale, je rappelle que le Sénat a approuvé l’essentiel du dispositif.

Nous avons ainsi approuvé, d’une part, le transfert à la Cades des dettes passées et à venir, jusqu’en 2023, de la sécurité sociale, dans la limite d’un montant de 123 milliards d’euros. Cela fait d’ailleurs plusieurs années – M. Jean-Noël Cardoux en est un témoin privilégié – que nous plaidons pour ce transfert, en soulignant qu’il n’est pas sain de laisser porter un déficit important par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) sous forme de découvert ; elle n’est en effet pas autorisée à emprunter autrement.

Nous avons approuvé, d’autre part, le report de la date limite d’extinction de la dette sociale au 31 décembre 2033, au lieu de 2024 comme cela était envisagé jusqu’à présent.

Néanmoins, notre commission a dû constater qu’à côté de ces points d’accord, l’Assemblée nationale avait rétabli en nouvelle lecture sa version sur les deux points majeurs de divergence qui ont conduit à l’échec en commission mixte paritaire.

Ainsi, à l’article 1er du projet de loi ordinaire, l’Assemblée nationale a réintroduit la prise en charge par la Cades d’une fraction de la dette des hôpitaux représentant un montant de 13 milliards d’euros.

Or le Sénat s’était fermement, et presque unanimement, opposé à ce dispositif pour des raisons de fond que je rappelle brièvement : les hôpitaux ne sont pas la propriété de l’assurance maladie – on peut le regretter, mais c’est un autre sujet –, qui n’assure pas davantage la gestion de ces établissements. En outre, l’essentiel de la dette hospitalière provient d’investissements immobiliers lancés, notamment dans le cadre des plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012, sur l’initiative de l’État.

Une telle situation créerait enfin, à nos yeux, un précédent dangereux qui pourrait être utilisé à l’avenir pour transférer n’importe quoi à la Cades, ce qui n’a pas échappé, semble-t-il, au Gouvernement, à en croire certains articles de presse. Il pourrait d’ailleurs être utile que le Conseil constitutionnel précise si un tel transfert de dette d’une personne autre que la sécurité sociale est bien compatible avec le principe constitutionnel d’équilibre financier de la sécurité sociale.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des affaires sociales et le Sénat dans son ensemble ont considéré qu’il appartenait à l’État d’assumer lui-même le coût de sa promesse, de l’automne dernier, de reprise d’un tiers de la dette des hôpitaux, que nous ne contestons pas, et non à la sécurité sociale par l’intermédiaire de la Cades.

Par ailleurs, au sein du projet de loi organique, l’Assemblée nationale a supprimé l’article 1er bis, que nous avions introduit afin d’encadrer les lois de financement de la sécurité sociale par une « règle d’or » à compter du projet de loi de financement de la sécurité sociale de 2025. Vous avez dit que c’était « prématuré ». Non ! Si une règle d’or glissant sur cinq ans devait être prématurée en 2025, ce serait à désespérer de la capacité de notre pays à se redresser dans les cinq ans qui viennent… Au contraire, nous donnions au Gouvernement la possibilité de réguler les dépenses de la sécurité sociale avec un atout maître, le retour à l’équilibre entre 2025 et 2029.

Sans en détailler de nouveau le mécanisme, je vous rappelle qu’il s’agissait de poser le principe d’un équilibre des comptes sociaux. Nous trouvons très regrettable que, en refusant ce principe, dont nous étions prêts à débattre des modalités pratiques, l’Assemblée nationale ait suivi le Gouvernement.

On peut en effet se demander si l’extinction de la dette sociale demeure réellement un objectif pour l’Assemblée nationale. Je ne mets pas en cause le Gouvernement. Il semble en effet paradoxal que le Premier ministre ait réaffirmé devant le Sénat, la semaine dernière, son souhait que les partenaires sociaux se saisissent, avec l’État, « des questions liées à l’équilibre de l’ensemble des régimes de protection sociale ». Si ce n’est pas une règle d’or, qu’est-ce donc ?

Dans ces conditions, la commission des affaires sociales n’a pu que constater le caractère irréconciliable des divergences qui subsistent entre les deux assemblées et proposera donc au Sénat d’adopter une motion tendant à opposer la question préalable aux deux projets de loi dont nous débattons.

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