Nos renforts sont constitués bien évidemment de personnels médicaux et de santé. Des professionnels de ville sont venus - médecins, quelques dentistes, des infirmiers, kinés, sages-femmes, etc. - avec une formation complète. Nous avons aussi eu recours à des étudiants en médecine ou d'instituts de formation en soins infirmiers (IFSI). Avant la crise, j'avais justement discuté avec mon directeur de département de la possibilité de constituer une sorte de réserve opérationnelle pour faire face aux épidémies de grippe. Ce n'était pas la bonne épidémie, mais nous avions commencé à réfléchir à ce sujet... Nous allons continuer à le faire pour former toutes ces personnes. Il a fallu du compagnonnage, et bien évidemment, nous n'avons pas transformé des étudiants en médecine ni des élèves infirmiers en ARM. Nous leur avons fait faire des tâches tout à fait spécifiques. Un encadrant pouvait en avoir quatre sous sa responsabilité, ce qui permettait de démultiplier les actions. Bien sûr, on ne peut pas créer des ARM en claquant des doigts, je partage la vision du colonel. En revanche, nous sommes capables de monter en charge en divisant les tâches pour répondre aux besoins. L'important serait de pouvoir maintenir cette réserve opérationnelle pour faire face à des situations de tension, qui reviennent très régulièrement. Si nous pouvions maintenir cette réserve opérationnelle en la faisant participer un peu à nos activités tout au long de l'année, cela nous permettrait de monter en charge encore plus vite que cette fois-ci.
Je n'ai pas grand-chose à dire sur les cliniques. Elles ont participé et sont montées en charge. En raison de pratiques qui n'étaient pas quotidiennes, nous avons essayé de mettre les patients aux bons endroits : nous n'allions pas prendre de risques ni pour les équipes médicales ni pour les patients. Mais ils ont été présents.
Sur la médecine de ville, je parlerai de mon département, la Seine-et-Marne, le plus pauvre de France en couverture sanitaire libérale, et pourtant le plus grand département d'Île-de-France, étendu sur 52 % de sa superficie. Nous avons travaillé avec les médecins libéraux et ils ont beaucoup donné, mais ce travail n'était pas simple. Dans le contexte actuel, les médecins libéraux se réorganisent, avec des dispositifs d'appui à la coordination et des organisations comme les Unions régionales des professionnels de santé (URPS). Cela a été difficile pour eux comme pour nous de nouer des interactions. Nous avons mis un peu de temps à trouver des interlocuteurs. Espérons que leur structuration nous aidera dans les prochains mois pour avancer collectivement.
Nous n'avons pas de chiffres sur les arrêts cardiaques, à voir dans les mois et années à venir... Nous avons le sentiment que les patients qui se sont présentés aux urgences après le confinement, qui avaient des maladies chroniques, étaient dans un état plus grave qu'avant la crise, car certains ajustements de traitement ont été faits moins facilement. Mais on parle de ressenti, et je suis très prudent.
L'activité a repris au même niveau qu'avant la crise : nous avons le même niveau de passage et les mêmes profils. Nous avons désormais des outils prédictifs assez intéressants qui ont été développés dans la région. Quelques indicateurs de tendance comme le taux de dyspnée - des difficultés respiratoires -nous aident à prévoir une augmentation des hospitalisations et leur durée ; nous pouvons ainsi anticiper et avoir un peu de prédictibilité sur notre organisation.
Pour le tri, nous avons fait notre métier de SAMU. Nous avons utilisé les plateaux techniques, et mis les patients les plus graves dans des unités de grosse réanimation spécialisées, et les patients intermédiaires allaient dans des lits de réanimation avec un plateau technique moins important. Nous essayions bien évidemment d'avoir cette lucidité pour ne pas laisser échapper des problèmes d'infarctus ou de vessie qui continuent à arriver. Tout cela n'a pas été facile, mais nous avons réussi à le faire dans des conditions pas trop mauvaises.
La prise en charge a évolué durant la crise : les traitements ont évolué, de même que le recours à des techniques invasives comme l'intubation. Actuellement, on sait que nous avons intérêt à retenir un peu, au bénéfice des patients. Comparer certaines périodes durant la crise est un jeu un peu dangereux, car il faut regarder en détail, en fonction des connaissances connues à tel ou tel moment.
Sur les préfets, je laisserai mon collègue répondre. Dans mon département, nous avions un point quotidien avec le préfet et l'ARS, et les choses étaient suivies. La mise en place de renforts de l'éducation nationale, des territoires, des protections maternelles et infantiles (PMI) a été organisée en lien avec l'ARS et la préfecture. Cela a mis un certain temps, mais nous a rendu de vrais services. On peut sûrement améliorer le dispositif.