Intervention de Jean Rottner

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 8 juillet 2020 à 18h45
Audition de M. Jean Rottner président de la région grand-est

Jean Rottner, président de la région Grand Est :

S'agissant des transferts, nos capacités de réanimation étaient dépassées. Les médecins, les centres hospitaliers et l'ARS ont organisé cette noria de transferts, justement pour qu'il n'y ait pas de pertes de chance. En quelques minutes, il fallait prendre la décision d'intuber. Ainsi, au service d'accueil des urgences à Mulhouse, il y avait parfois six patients à intuber en attente de trouver un lit. Par conséquent, les patients dont l'état était stable en réanimation devaient être transférés, d'abord à l'échelle régionale, ensuite à l'échelle interrégionale et enfin à l'échelle internationale.

Je le rappelle, un patient atteint du covid a une réanimation longue - de quatre à cinq semaines -, techniquement complexe et spécifique.

Nous avons commencé par des transferts de proximité. Ensuite, nous avons eu le support de l'armée, dans le cadre de l'opération Morphée. Puis a été implanté un hôpital de campagne, qui accueillait les patients déjà stabilisés. Parallèlement, nous avons eu recours au transport par TGV et hélicoptère, pour les lits disponibles en proximité. Si Mulhouse et Colmar ont été très fortement atteints dès le début, l'épidémie n'a sévi à Strasbourg qu'après quatre ou cinq jours d'écart, ce qui a permis à la ville d'anticiper et de s'organiser. Ainsi Strasbourg a-t-il servi d'amortisseur, comme plus tard Nancy, puis Reims. La Moselle a été touchée beaucoup plus fortement, contrairement à la Meurthe-et-Moselle. C'est une réalité qui a été peu évoquée.

Pour ce qui concerne les tests, seuls les gens à l'hôpital ont été testés. Telle était la doctrine. Le nombre de lignes de régulation a été doublé puis triplé, et quatre à cinq médecins répondaient 24 heures sur 24 aux appels. Les laboratoires n'étaient pas équipés pour faire les tests. Au départ, seuls trois laboratoires avaient la capacité de les réaliser. Ensuite, les laboratoires universitaires, puis les centres hospitaliers généraux, puis les laboratoires privés ont reçu l'autorisation de les mettre en oeuvre. Tout cela a été très progressif.

Après la décision de fermer les espaces publics et les écoles, j'appelais encore la population à se rendre dans les commerces de proximité. Je dois le dire, je me suis planté ! En effet, en quelques heures, la vague épidémique est arrivée. Avec trente patients supplémentaires en réanimation et vingt décès en l'espace de vingt-quatre heures, nous avons fait face à une aggravation massive du rythme. Cette accélération a eu lieu la semaine précédant les élections municipales.

Quant à la reprise, elle est en cours. Depuis le 1er juillet, le centre hospitalier de Mulhouse n'est plus en plan blanc. Mais les stigmates sont là : les équipes sont épuisées, et 800 des 6 000 employés ont été malades. La reprise est donc progressive ; elle doit se faire dans le cadre d'une sécurité sanitaire maximale. Ainsi, les blocs opératoires ayant servi de salles de réanimation doivent absolument être désinfectés. Tout cela prend du temps et coûte de l'argent. Aujourd'hui, malgré les aides de l'État, la facture est négative.

Je tiens toutefois à évoquer un point de satisfaction. Des établissements qui n'avaient pas pour habitude de travailler ensemble - je pense aux relations entre le public et le privé ou même entre Colmar et Mulhouse - continuent à dialoguer, ce que j'estime encourageant. On ne referme pas la porte de l'épisode covid, on s'efforce d'en tirer les leçons par des actes et des organisations différentes. Je me prépare à une nouvelle crise, ce qui devrait nous permettre de définir localement une programmation et une organisation de la santé et des soins, fondées sur la confiance entre collègues, entre établissements, et sur une meilleure coopération. Il faudra verser de l'eau et beaucoup d'engrais pour qu'on ne retrouve pas les vieilles habitudes.

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