Intervention de Jean Rottner

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 8 juillet 2020 à 18h45
Audition de M. Jean Rottner président de la région grand-est

Jean Rottner, président de la région Grand Est :

Pour ce qui est du matériel, oui, il y a indéniablement eu du bricolage, mais de manière exceptionnelle. Le système D a existé. Le monde entrepreneurial a soutenu certains hôpitaux. Nous avons tous, sur ce plan, une très grande marge de progrès.

Aujourd'hui, je pense que la situation, en termes de masques, de tests, de réactifs, est stabilisée. Grâce à nos entrepreneurs, nous avons mis des masques en production. Nous avons même désormais un surplus de masques... Nous avons aussi créé, à cette occasion, la première société d'économie mixte locale médicale, avec la Banque des territoires et le Crédit Mutuel. Nous nous sommes dit que nous allions utiliser nos propres réseaux, à l'image de ce qui a existé pour les masques, pour commander des tests sérologiques PCR, des masques PCR et des écouvillons, qui nous manquaient. Finalement, nous n'avons pas eu à utiliser les fonds que nous avions prévu d'engager. L'outil existe toujours et est prêt à être réactivé en cas de problème. Nous avons su faire preuve d'imagination pour inventer un outil assez agile et très rapide.

Bien sûr, il manque certainement des lits de réanimation au quotidien en France. Il s'agit là d'un choix de société, qui aura des incidences sur les dépenses d'assurance maladie et sur le budget de la santé. Nous sommes face à un nouveau pacte social en France. La santé en fait largement partie. Aujourd'hui, acceptons-nous l'existence d'un déficit chronique et des d'établissements qui ne sont pas à l'équilibre ? C'est une décision qu'il faudra discuter, qui dépasse peut-être le seul Ségur de la santé et qui doit être acceptée par la population en général. Cela ne veut pas dire qu'il faut surconsommer du soin, au contraire. Un nouveau pacte social, c'est à la fois plus d'exigence et plus de justice. Aujourd'hui, le tiers payant permet à n'importe quel Français de ne pas connaître le coût de ses médicaments. Certains citoyens qui en ont la capacité pourraient peut-être participer en partie à cette prise en charge.

Le choix de créer des lits de réanimation supplémentaires doit être fait collectivement. Nous devrions peut-être aussi le faire en tant que représentants de la Nation.

La différence avec l'Allemagne ne tient pas seulement au nombre de lits de réanimation. Elle réside aussi dans une stratégie différente, et peut-être dans un lien plus fort et mieux organisé autour du patient entre la médecine libérale et la médecine hospitalière, doublé de lits de soins intensifs et de réanimation - les lits de soins intensifs sont moins équipés, mais convertibles assez rapidement en lits de réanimation. Contrairement à nous, les Allemands ont très rapidement mis au point un test PCR et ont testé massivement. Ils n'ont pas non plus subi le même rouleau compresseur viral que nous avons connu, en région puis dans tout le pays.

Aujourd'hui, la formation aux risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques existe très souvent dans le cursus des médecins et du personnel soignant. En l'espèce, nous avons été dépassés à la fois par l'ampleur du risque viral, par une impréparation de nos équipes à travailler ensemble et par la difficulté de mobiliser les moyens matériels.

Faut-il des stocks ? Ceux-ci coûtent cher... Si l'on fait ce choix, qui les entretient ? Où les localise-t-on ? Il existait quelques stocks de masques en France, mais on a vu combien il était difficile de les utiliser.

Comment une organisation régionale, permettant de réagir très rapidement, peut-elle éventuellement se mettre en place ? Cela pose à nouveau la question du chef de file, du patron. L'armée peut entretenir, en région, un centre d'intervention en hôpital militaire. Le Sénat vient d'ailleurs de publier un excellent rapport sur le service de santé des armées. On voit bien que ses moyens ont largement diminué et qu'il faut les soutenir. Il a fait la preuve de son efficacité et de son savoir-faire sur le terrain opérationnel qui est celui de la métropole. Heureusement qu'il était là...

Pour ce qui concerne la formation, avec la crise sanitaire, bon nombre d'étudiants infirmiers et aides-soignants ont bénéficié d'une fabuleuse master class... Notre région fait partie de celles qui les ont gratifiés financièrement, ce qui était normal.

Mais oui, il faut aujourd'hui changer de paradigme et peut-être s'engager clairement dans un transfert de compétences médicales vers le personnel infirmier, au-delà des pratiques avancées. En période de crise, les infirmiers doivent potentiellement être beaucoup plus présents. Or, aujourd'hui, une infirmière en pratique avancée gagne 50 euros de plus par mois : cela n'encourage pas vraiment les vocations.

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