Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’objectif de cet avenant est extrêmement simple : clarifier les modalités d’élimination des doubles impositions.
Vous vous souvenez que nous avions examiné au mois de décembre 2018 le projet de loi autorisant l’approbation de la nouvelle convention fiscale qui devait lier la France et le Luxembourg. La commission des finances avait alors estimé que cette convention constituait une avancée significative pour nos deux pays et qu’elle permettait de moderniser les relations entre nos deux administrations fiscales.
Ce texte tenait compte des priorités de la France et des dernières normes édictées par l’OCDE en matière d’échange d’informations et de mesures relatives à la prévention de l’érosion de la base d’imposition et au transfert des bénéfices.
La convention de 2018 avait trois objectifs : éviter les doubles impositions et les doubles exonérations, accroître la sécurité juridique des opérateurs des deux pays et renforcer les moyens de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.
Je tiens d’emblée à vous signaler que le présent avenant ne modifie pas cet équilibre et ne revient pas sur des acquis réclamés de longue date au Luxembourg.
J’entends les inquiétudes que peut susciter la modification d’accords avec un pays tel que le Luxembourg. Toutefois, le présent avenant n’est qu’une simple clarification des modalités d’élimination des doubles impositions. Ce n’est pas par avenant que nous allons régler les sujets sur lesquels nous pouvons avoir des discussions avec le Luxembourg en matière de transparence, d’optimisation ou d’évasion fiscales.
L’avenant clarifie les règles d’imposition des revenus d’emploi des travailleurs frontaliers et des revenus issus de biens immobiliers situés au Luxembourg. Il est donc avant tout une modification technique.
Le Luxembourg, pays de 626 000 habitants, compte, parmi sa population salariée, plus de 46 % de travailleurs non résidents. Parmi eux, plus de la moitié résident en France.
Au premier trimestre de cette année, il y avait plus de 107 000 travailleurs frontaliers français. Ce sont ces derniers qui ont alerté les autorités sur les conséquences de la modification des règles relatives à l’élimination des doubles impositions, à l’article 22 de la convention de 2018.
Tel qu’il est rédigé, cet article laisse entendre que, selon la situation, les revenus d’emploi des travailleurs frontaliers peuvent être imposés deux fois. Selon la convention, ils ne sont pourtant imposables que dans l’État où est exercée l’activité.
Or la France a choisi de recourir, pour une partie des revenus ciblés par la convention, à la méthode de l’imputation. Cela revient, pour l’administration fiscale et dans certaines situations, à imputer sur le montant de l’impôt théoriquement dû en France un crédit d’impôt dont le montant est égal à l’impôt effectivement acquitté au Luxembourg.
L’article 22 laisse ainsi ouverte la possibilité pour la France d’imposer le différentiel entre l’impôt acquitté par les travailleurs frontaliers sur leurs revenus d’emploi au Luxembourg et l’impôt qu’ils auraient payé en France sur ces mêmes revenus en appliquant les dispositions du code général des impôts.
Ce n’est donc pas à proprement parler un risque de double imposition, mais un risque d’une imposition en deux temps.
Cette inquiétude s’est trouvée renforcée par l’adoption en 2017 au Luxembourg d’une réforme de l’impôt sur le revenu favorable, par rapport au système français, aux personnes dont le revenu est inférieur à 36 000 euros par part. Le risque d’un différentiel d’impôt entre la France et le Luxembourg était donc d’autant plus élevé.
Par ailleurs, le Luxembourg réfléchit à une nouvelle réforme de l’impôt sur le revenu qui soit plus favorable aux célibataires, ce qui aurait encore plus renforcé le risque d’une double imposition.
Dans le système antérieur, celui de la convention de 1958, la France avait choisi la méthode de l’exemption : si les revenus d’emploi étaient imposables au Luxembourg, alors ils étaient totalement exonérés d’impôt en France.
Toutefois, l’administration fiscale pouvait en tenir compte pour calculer le taux effectif d’impôt sur l’ensemble des revenus du ménage. C’est le principe dit de l’imposition partagée, et c’est celui qui était également retenu pour les revenus issus de biens immobiliers situés au Luxembourg.
La méthode retenue pour les revenus immobiliers dans la convention de 2018 a suscité les mêmes réticences que celle qui concerne les revenus d’emploi des travailleurs frontaliers. Comme pour ces derniers, les revenus immobiliers ne sont pourtant imposables que dans l’État où se situent les biens.
Dans ce cadre, que fait le présent avenant, signé à peine plus d’un an après l’adoption de la nouvelle convention fiscale entre la France et le Luxembourg ? Il revient au système antérieur pour les revenus des travailleurs frontaliers et pour les revenus immobiliers et, surtout, il clarifie l’ensemble des règles relatives à l’élimination des doubles impositions.
Concrètement, les revenus d’emploi des travailleurs frontaliers seront exonérés d’impôt en France s’ils ont bien été soumis à l’impôt au Luxembourg. Les revenus issus des biens immobiliers situés au Luxembourg seront exonérés d’impôt en France, mais l’administration fiscale les prendra en compte pour déterminer le taux effectif d’imposition de l’ensemble des revenus immobiliers du ménage.
L’avenant entend ainsi lever toute ambiguïté et s’assurer que les revenus d’emploi et certains revenus immobiliers ne soient pas imposés deux fois. Je me répète, ces nouvelles méthodes de calcul ne créent pas d’avantage particulier : elles reprennent des dispositions que la France a déjà conclues dans le cadre de conventions fiscales signées avec d’autres pays et qui étaient en vigueur avant l’adoption de la nouvelle convention.
Cet avenant, dont la date d’entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2020, a déjà été ratifié par la partie luxembourgeoise. Il permet donc de revenir aux règles prévalant avant la convention de 2018, et ce avant même que les nouvelles modalités n’aient été appliquées. L’incidence sur les recettes fiscales françaises est par conséquent nulle et les acquis de la convention de 2018, qui visaient notamment à éliminer tout risque de double exonération, sont maintenus.
Enfin, pour revenir sur un sujet qui a été abordé en commission par Jean-François Husson, je précise que, en vertu des règles figurant dans la convention, la détermination des règles d’imposition ne se fait pas au choix du contribuable. Elle dépend du type de revenus et du lieu d’émission et de perception de ces revenus. Par ailleurs, le principe de l’imposition partagée permet de tenir compte du niveau des revenus dont l’imposition revient au Luxembourg, pour calculer le taux effectif de l’impôt dû en France.
Quant aux compensations, dont je sais que c’est un enjeu majeur pour les territoires frontaliers, elles ne peuvent pas se régler dans le cadre de ces avenants et conventions.
Ainsi, sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d’adopter le projet de loi autorisant la ratification de cet avenant.