Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 2 juillet dernier, la commission mixte paritaire est parvenue à un texte commun sur la proposition de loi permettant d’offrir des chèques-vacances aux personnels des secteurs sanitaire et médico-social en reconnaissance de leur action durant l’épidémie de covid-19.
Cet accord, qui est le fruit d’échanges constructifs avec notre collègue député Christophe Blanchet, auteur et rapporteur du texte pour l’Assemblée nationale, devrait nous conduire à adopter définitivement cette proposition de loi, qui vise à organiser les manifestations de générosité des Français en direction des personnels soignants mobilisés au plus fort de la crise sanitaire.
Je tiens cependant à rappeler, s’agissant de la forme, que ce texte a été inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée par le précédent gouvernement, qui a décidé d’engager la procédure accélérée pour son examen, alors que le Parlement travaille encore dans des conditions dégradées, et qu’il nous est demandé d’adopter en urgence, dans la même période, des textes aussi importants qu’un troisième projet de loi de finances rectificative.
Au-delà de la forme, cette proposition de loi, qui répond certes à une intention généreuse, ne correspond pas – nous en sommes tous conscients – aux attentes et aux revendications des personnels soignants ; le Ségur de la santé a d’ailleurs parallèlement été négocié à cette fin.
Par ailleurs, il me semble que les moyens par lesquels nos concitoyens peuvent se montrer solidaires, notamment en donnant du temps ou de l’argent, sont suffisamment nombreux dans notre pays, et qu’il n’est pas urgent de légiférer à ce sujet.
Au demeurant, si les personnels soignants méritent très certainement notre reconnaissance, ils ne sont évidemment pas les seuls à avoir pris des risques en travaillant pendant la période de crise sanitaire. À l’inverse, certains de nos concitoyens auraient aimé pouvoir continuer à travailler, mais se sont trouvés privés de cette possibilité.
Enfin, je rappelle que nous avions été saisis d’un texte inabouti, dont tous les paramètres devaient être précisés ultérieurement, par voie réglementaire. On nous demandait donc de voter un principe, certes intéressant, sans avoir la moindre information sur les modalités de mise en œuvre envisagées.
Cependant, soucieuse de ne pas rejeter purement et simplement un texte favorable aux personnels soignants, la commission des affaires sociales, suivie par le Sénat, a réécrit ledit texte afin de le rendre plus opérationnel.
Le dispositif de don de jours de repos imaginé par les députés, qui revenait dans bien des cas à demander aux employeurs, notamment publics, d’être généreux à la place de leurs salariés ou de leurs agents, a ainsi été remplacé par un mécanisme de don concret d’une partie de la rémunération du salarié correspondant à une ou plusieurs journées de travail.
Le texte de la commission mixte paritaire qu’il vous est aujourd’hui proposé de voter est un compromis entre ces deux positions.
Il conserve les apports du Sénat tout en rétablissant la possibilité, chère à l’Assemblée nationale, mais qui nous était apparue complexe, de monétiser des jours de repos. Cette possibilité demeure soumise – et cela me semble essentiel – à l’accord de l’employeur.
Cette précision permettra de ne pas mettre en difficulté les employeurs, notamment publics, qui n’auraient pas les moyens de financer la générosité souhaitée par leurs salariés ou leurs agents.
En outre, le texte de la commission mixte paritaire permet à toute personne physique ou morale d’abonder directement ce fonds par un don financier, ce que prévoyaient aussi bien le texte du Sénat que celui de l’Assemblée nationale.
C’est là, en définitive, la manière la plus simple de contribuer à ce fonds, si bien qu’il s’agit peut-être de la disposition la plus prometteuse de la proposition de loi.
Le texte adopté en commission mixte paritaire reprend par ailleurs l’essentiel des apports du Sénat visant à encadrer le dispositif.
Pourront ainsi bénéficier des chèques-vacances les personnels des établissements et services sanitaires, médico-sociaux et d’aide à domicile ayant travaillé pendant la période du 12 mars au 10 mai 2020, qui correspond à la période de confinement de la population, et dont la rémunération est inférieure à trois fois le SMIC.
Le principe, introduit par le Sénat, de la fixation d’une date limite pour faire un don dans le cadre de ce dispositif est également maintenu.
Compte tenu de l’urgence dans laquelle le Gouvernement nous demandait de nous prononcer, nous avions fixé cette date au 31 août. La commission mixte paritaire a finalement retenu la date du 31 octobre prochain.
De même, la date butoir pour la distribution des chèques-vacances, introduite par le Sénat, est conservée. Ainsi, les sommes versées à l’Agence nationale pour les chèques-vacances (ANCV) qui n’auraient pas été distribuées sous forme de chèques-vacances au 31 décembre 2020 seront reversées au Trésor public.
Nous avons par ailleurs accepté certaines modifications du texte adopté par le Sénat. Afin de mettre en œuvre ce mécanisme de don le plus vite possible, le texte renvoie la détermination de ses modalités d’application à un décret simple au lieu d’un décret en Conseil d’État. Les modalités de répartition des chèques-vacances entre établissements seront également déterminées par décret, étant précisé qu’elles devront tenir compte des effectifs des établissements et services concernés.
Malgré notre travail de précision, on peut s’interroger sur la portée réelle du dispositif dont nous débattons. Je veux, pour ma part, lui accorder une valeur expérimentale.
C’est pourquoi la commission mixte paritaire a souhaité que le Gouvernement rende des comptes, avant le 31 mars 2021, sur les sommes qui auront été récoltées et sur la manière dont elles auront été réparties. Si ces sommes sont substantielles, tant mieux. Si elles devaient être dérisoires, il me semble que nous devrions collectivement en tirer les conséquences et, à l’avenir, y réfléchir à deux fois avant de légiférer, sous le coup, peut-être, de l’émotion.
Mme Pénicaud, à laquelle je souhaite rendre hommage, avait donné son accord en s’engageant sur ce texte et sur ce calendrier, en séance, le 16 juin dernier
Il me semble utile pour notre pays que nous puissions poursuivre ce travail dans le droit fil de l’état d’esprit de solidarité qui a originellement inspiré les auteurs de ce texte.