Intervention de Brigitte Bourguignon

Réunion du 22 juillet 2020 à 15h00
Dette sociale et autonomie — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi organique et d'un projet de loi

Brigitte Bourguignon :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, lors de l’examen de ces textes en première lecture, députés et sénateurs se sont entendus pour créer une cinquième branche de la sécurité sociale et permettre à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) d’emprunter de nouveau. Néanmoins, malgré des rapprochements et un souci commun, la commission mixte paritaire n’est pas parvenue à s’accorder sur un texte identique.

Je reviens donc devant vous en nouvelle lecture. Même si je comprends que l’examen des deux projets de loi sera raccourci, je souhaiterais dire quelques mots sur l’ambition pour l’autonomie que porte ce projet de loi.

Cette ambition résulte en partie d’un amendement introduit par les parlementaires, qui visait à créer la cinquième branche de la sécurité sociale. J’ai suivi les débats qui se sont tenus dans cette chambre en première lecture et je comprends votre exigence visant à ce que cette disposition soit non pas seulement un effet d’annonce, mais bien la première pierre d’un grand projet.

Cette création était attendue depuis longtemps. Je pourrais même dire qu’elle était évoquée depuis maintenant trois législatures. Vous reconnaîtrez que c’est là un tournant dans l’histoire de la sécurité sociale.

Comme en 1945, quand il avait été décidé de créer une assurance sociale publique contre le risque de maladie ou d’accident du travail, le choix est aujourd’hui fait d’une nouvelle assurance publique contre ce qui est devenu un nouveau risque, auquel tous les Français peuvent être amenés à faire face.

Les chiffres sont sans appel, et je sais que sur ces travées vous les connaissez. Ils ont été récemment rappelés lors des travaux conduits l’année dernière par le sénateur Bernard Bonne et la sénatrice Michelle Meunier : en 2040, près de 15 % des Français, soit 10, 6 millions de personnes, auront 75 ans ou plus. C’est deux fois plus qu’aujourd’hui !

La création de cette branche permettra, d’abord, de donner toute la visibilité aux parlementaires, dès le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, sur son équilibre financier – je comprends que vous y serez vigilants.

Pour autant, cette création n’est pas un point d’orgue, c’est bien le début du projet.

Une mission vient d’être lancée, et elle rendra son rapport en septembre pour que toutes les conséquences en termes de financement et de gouvernance de la branche puissent être tirées dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, au bénéfice de débats parlementaires éclairés.

Je salue d’ailleurs, à cette occasion, les amendements qui ont permis de clarifier les modalités de consultation permettant d’élaborer ce rapport. Il est en effet essentiel que l’ensemble des acteurs soient associés à la concertation, afin que soit trouvée une solution de consensus pour dégager au moins 1 milliard d’euros dès 2021, comme s’y est engagé le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, en première lecture.

Je ne veux pas être trop longue, mais il me faut rappeler que ce texte est aussi une opération de bonne gestion, qui permet à la sécurité sociale de se refinancer sans s’exposer à un risque de taux ou de liquidité sur les marchés financiers. C’était même là son objectif principal.

Avant de conclure, j’aimerais dire quelques mots sur la règle d’or, point sur lequel la commission mixte paritaire a échoué.

Le Gouvernement a bien entendu la volonté d’encadrer les finances sociales, pour éviter que ne se reproduisent des déficits qui seront, demain, la dette de nos enfants. Néanmoins, pour bien fonctionner, une règle d’or doit être crédible. Et pour assurer cette crédibilité, il faut un horizon d’équilibre. Aujourd’hui, et c’est la position que nous retenons, l’incertitude est trop forte et il est trop tôt.

Le deuxième point d’achoppement, c’est la reprise de la dette hospitalière. Elle a été supprimée lors de l’examen dans cette chambre en première lecture, ce qui réduit de 13 milliards d’euros la marge d’investissement qui a été annoncée dans le cadre du Ségur de la santé.

En réalité, le déficit de l’assurance maladie et celui de nos hôpitaux sont liés – les économies de l’une ne peuvent se transformer en déficits des autres. C’est aussi cela que la reprise de cette dette traduit aujourd’hui.

Enfin, le troisième point qui sera certainement abordé lors de la discussion générale concerne l’isolement de la « dette covid ». Le ministre l’avait dit lors de sa présentation, le traitement de cette dette est une question complexe, et encore largement débattue parmi les économistes, y compris les plus grands spécialistes des finances publiques. Le Premier ministre a indiqué lors de sa déclaration de politique générale vouloir en discuter avec les partenaires sociaux. Rien dans ce texte ne fait obstacle à l’isolement de la « dette covid », mais, en tout état de cause, il s’agit de répondre à l’urgence, ce qui a toujours guidé notre action.

En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaiterais vous faire part de mon état d’esprit, deux semaines après ma nomination en tant que ministre déléguée chargée de l’autonomie.

Comme je le rappelais hier à l’Assemblée nationale, mon ambition, qui est celle du Gouvernement, est simple, mais elle se veut forte : préserver le libre choix et surtout la dignité de nos compatriotes âgés.

Vous en êtes conscients : la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées et le soutien dû à ces dernières nous concernent toutes et tous, soit parce que nous connaissons un proche, un parent, affecté par cette perte d’autonomie, soit parce que, avançant en âge, nous nous posons des questions légitimes liées à cette dernière tranche de vie. Ce qui est en jeu est assurément humain, affectif et moral. Car c’est dans le sort qu’elle réserve, dans la place qu’elle donne, dans la considération qu’elle porte aux plus humbles, aux plus vulnérables, aux plus fragiles, que se mesure la valeur morale et humaine d’une société.

Je suis convaincue que nous sommes en mesure de nous rassembler autour de cette belle ambition pour notre pays. Et je sais par avance que le Sénat, compte tenu de son lien charnel avec les territoires, de son expertise sur le sujet et surtout de l’exigence qui le caractérise, saura contribuer à enrichir ce beau projet par-delà les clivages partisans. Comptez donc sur moi, mesdames, messieurs les sénateurs, pour vous y associer à chaque étape.

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