Est-on prêt à faire face à une seconde vague ? Je ne vais pas reprendre tous les arguments qui ont déjà été avancés, mais, le cas échéant, la situation serait bien évidemment différente de celle que l'on a pu connaître au début du mois de mars. D'une part, nous disposons de moyens de protection et de tests, lesquels permettent d'identifier et d'isoler les patients infectés ; d'autre part, la population a désormais connaissance des gestes barrières.
Par ailleurs, nous avons beaucoup appris, et il sera plus simple de « remettre le pied à l'étrier ». Les tâtonnements dans la collaboration public-privé et sur le positionnement des médecins libéraux ne seraient plus d'actualité.
Les consignes sont-elles différentes ? Clairement, non. Nous connaissons mieux cette maladie, qui a donné lieu à de nombreuses publications, lesquelles nous permettent de mieux appréhender un certain nombre de sujets, y compris sur des points thérapeutiques de supports ventilatoires. Au début, nous privilégiions l'intubation, la sédation et la ventilation assistée en réanimation, alors qu'aujourd'hui un certain nombre de travaux montrent qu'observer une phase intermédiaire reposant sur l'usage de supports ventilatoires non invasifs aurait été possible sans risque d'aérosolisation. Toujours est-il qu'il n'existe pas de référentiel à ce jour.
De même, il n'existe aucune doctrine écrite relative à l'organisation de notre système de santé dans le cas d'une telle pandémie, comme il en existe une en matière de tueries de masse et d'attentats, ce qui nous a permis d'évoluer dans notre approche. Cela viendra ultérieurement. Les retours d'expérience sont en cours dans les services, mais cela prendra du temps, surtout en cette période estivale. Nous disposerons sans doute des conclusions de ces retours à l'automne, ce qui nous permettra d'être un peu plus performants dans notre organisation dans le cas d'une seconde vague.
D'après ce que j'ai pu entendre autour de cette table, le fait que l'on ait imposé une règle uniforme sur l'ensemble du territoire a été difficile à comprendre et cela a rendu son application par tous difficile. Si, demain, le plan Blanc devait être déclenché dans tous les établissements, ce serait difficilement accepté, contrairement à ce que l'on a observé au moment de la première vague.
Sommes-nous prêts ? Je n'en suis pas sûr. En tous cas, nous sommes mieux armés face à une possible seconde vague.
La question des transferts est complexe. Le SAMU que je dirige s'est doté d'une cellule de coordination des transferts, en lien avec les services départementaux de réanimation, dont le rôle était d'identifier les malades pouvant bénéficier d'un transfert, et ce afin de libérer des places pour de nouveaux patients. Avec les réanimateurs et les anesthésistes, nous avons, d'un commun accord, défini un certain nombre de critères de transférabilité. Les patients qui ont été transférés étaient ceux pour lesquels les risques de complications étaient minimes. C'est la raison pour laquelle on n'a enregistré aucun décès au cours de ces transferts, le taux de mortalité de ces patients restant comparable à celui observé dans les services de réanimation pour les patients non déplacés. Ces transferts, au nombre de 330 au total, ont été effectués par des équipes dont c'est le métier. Chaque jour, des patients qui devaient être transférés ne l'étaient finalement pas, car on estimait que leur état était trop instable et qu'ils ne répondaient plus aux critères requis.
Je ne suis pas certain qu'il existe des indicateurs pouvant attester d'un éventuel préjudice pour ces patients ou d'une hausse du taux de morbidité à la suite de ces transferts. J'espère que le travail d'étude en cours nous éclairera sur ce point.