Je dois d'abord dire mon émotion et ma fierté de me trouver devant votre commission pour la troisième fois.
L'EFS est un établissement public qui a le monopole de la collecte, de la préparation, de la qualification et de la distribution de produits sanguins labiles et, avec le laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB), il participe à la collecte de plasma dit matière première destiné à fabriquer des médicaments dérivés du plasma. Nous sommes aussi un service public dans les territoires, puisque nous allons à la rencontre des donneurs, dont le nombre est d'environ 1,7 million chaque année. Nous collectons 3 millions de produits sanguins labiles par an grâce au déploiement de 40 000 collectes mobiles et sur 120 sites fixes. Nous disposons aussi de 160 sites d'immunohématologie et de délivrance au service des hôpitaux. Le chiffre d'affaires de l'EFS atteint environ un milliard d'euros et le nombre de collaborateurs approche dix mille.
Nous fêtons cette année les vingt ans de l'EFS. Je rappelle que l'établissement a été créé à la suite du scandale du sang contaminé. Les huit années que je viens de passer à la présidence de l'EFS ont été denses, exigeantes, enthousiasmantes, mais aussi difficiles. Nous n'avons pas été épargnés par les chocs externes : attentats terroristes de 2015-2016, crises arbovirales outre-mer et dans le sud de la France, cycle cyclonique majeur aux Antilles en 2017, épidémie du covid-19, etc.
L'EFS a aussi su, durant cette période, faire face à des défis internes. Par exemple, le plasma sécurisé par solvant-détergent a été requalifié comme médicament à la suite d'une jurisprudence européenne, si bien qu'il est sorti du monopole des produits sanguins labiles. Nous avons aussi subi des variations fortes sur le plasma dit matière première demandé par le LFB pour construire la filière de médicaments dérivés du plasma. Dernier exemple, notre modèle économique qui était déjà fragile a été fortement déséquilibré par le changement de régime de TVA que nous avons connu en 2019.
Je suis très fier de vous dire que, malgré ces chocs, l'EFS a été et est au rendez-vous de ses missions, en particulier garantir en permanence pour l'ensemble de nos concitoyens l'autosuffisance en produits sanguins labiles. Jamais, sur le territoire de la République, les équipes soignantes n'ont manqué de sang, alors même que la question des pénuries devient de plus en plus prégnante dans notre système de santé. Cette autosuffisance est le premier élément de la sécurité transfusionnelle. Nous avons aussi amélioré cette dernière en généralisant la technique d'atténuation des pathogènes dans les plaquettes sanguines, ce qui permet de faire disparaître le risque bactérien.
Nous avons mené la modernisation du service public, notamment en ce qui concerne nos plateaux de qualification biologique des dons - ils étaient quatorze en 2012, ils sont maintenant quatre sur le territoire métropolitain. Nous avons renforcé le lien entre l'immunohématologie et la délivrance des produits sanguins aux équipes cliniques.
Vous le voyez, les chantiers de transformation et d'innovation ont été nombreux. Je voudrais aussi citer l'optimisation de la collecte dans une relation exigeante, mais constructive, avec les associations de donneurs de sang. Un autre dossier important a été la possibilité pour les infirmières de procéder aux entretiens préalables aux dons qui ne pouvaient auparavant être réalisés que par des médecins.
Nous avons aussi mené diverses transformations informatiques. Ainsi, nous avons réussi à créer une base nationale unique des donneurs de sang et nous avons fortement digitalisé notre communication.
Au total, l'EFS est maintenant plus intégré, puisqu'il comporte treize établissements régionaux - il y en avait dix-sept à mon arrivée -, dix en métropole, trois en outre-mer, et leurs organigrammes ont été harmonisés. L'ensemble de nos équipes a été fortement mobilisé sur l'ensemble des objectifs et chantiers que je viens de citer. Je suis fier de ce bilan.
Pourquoi suis-je candidat à un troisième mandat ? Tout d'abord, j'aime ce métier et je me sens bien à la tête de cet établissement. Ensuite, il nous reste des chantiers à mener et ils doivent être revus à l'aune de la crise épidémique que nous connaissons.
Le premier chantier est de participer au renforcement de la souveraineté sanitaire, question dont l'acuité s'est renforcée ces derniers mois.
Nous devons d'abord garantir l'autosuffisance en produits sanguins labiles ; ce n'est nullement un acquis et nous devons nous mobiliser en permanence pour atteindre cet objectif. Les conditions de cette continuité pendant les crises majeures, qu'elles soient climatiques, épidémiques ou liées à des événements comme des attentats, montrent qu'il s'agit d'un défi important.
Nous devons ensuite participer au renforcement de la filière française du plasma destiné au fractionnement. Aujourd'hui, la prise en charge des patients par des médicaments dérivés du plasma est encore dépendante d'un approvisionnement étranger : 80 % du plasma utilisé pour fabriquer des médicaments est collecté aux États-Unis dans des conditions éthiques différentes de celles que nous appliquons en France. Nous devons donc absolument améliorer la collecte en France de ce plasma. Un effort a déjà été fourni, puisque nous sommes passés de 660 000 litres collectés en 2013 à 900 000 litres aujourd'hui. C'est cependant insuffisant, car la croissance de la demande est très importante : en dix ans, la consommation française d'immunoglobuline est passée de 5 à 9 tonnes. Il faut savoir que le marché mondial croît chaque année entre 8 % et 12 %, ce qui montre d'ailleurs que les réflexions sur la diminution de la dépendance dans l'approvisionnement pourraient aussi être menées au niveau européen.
Le deuxième chantier est de continuer la modernisation de la collecte. C'est un service public de proximité ; il n'y a pas d'EFS sans collecte ! Nous avons déjà engagé plusieurs axes de modernisation, notamment la capacité pour des infirmières de mener l'entretien préalable au don - 20 % des entretiens sont aujourd'hui réalisés ainsi. En outre, nous allons déployer dès 2020 la téléassistance médicale durant la collecte qui permet de se passer de la présence physique du médecin. Ces deux innovations permettent de pallier le déficit en capacités médicales. Nous devons aussi améliorer le renouvellement des donneurs. Chaque année, environ 10 % des donneurs quittent notre fichier soit par limite d'âge, 70 ans, soit en raison de problèmes de santé. Nous devons donc fidéliser et rajeunir notre public.
Le troisième chantier est de réinterroger nos relations avec les associations et avec les bénévoles - sans les bénévoles, nous ne pourrions pas faire de collecte. Il faut que nous fassions perdurer cet engagement citoyen, y compris lorsque nous sommes amenés à supprimer certains lieux de collecte.
Le quatrième chantier concerne le modèle économique - il doit être rééquilibré. L'effort d'efficience de l'EFS a été important. Or l'efficience est à mon sens au coeur de l'éthique, puisque nous faisons appel à un don précieux - le sang est une partie du corps humain. Un plan de modernisation est en cours, mais le modèle économique actuel qui repose sur le fait que l'EFS doit dégager entre 40 et 50 millions d'euros par an pour investir n'est viable que si nous percevons des recettes nouvelles. Depuis cinq ans, le niveau de cession des produits sanguins labiles n'a pas été revalorisé. Se pose aussi la question du prix du plasma pour fractionnement que l'EFS vend aujourd'hui à un niveau très en deçà du cours mondial.
Le cinquième chantier concerne les valeurs de l'EFS qui doit être un service public moderne. Nos concitoyens exigent de plus en plus de transparence en termes de gouvernance, de procédures ou d'allocation des moyens et nous devons absolument faire des progrès en matière de démocratie sanitaire. Pour répondre à cette exigence, nous avons créé il y a trois ans des comités nationaux d'échanges qui réunissent notamment les associations de donneurs, celles de patients et les cliniciens.
Nous devons défendre le modèle et les valeurs de l'EFS, sur lesquels il existe un très large consensus, y compris au sein de la représentation nationale. Il nous faut aussi promouvoir dans d'autres pays ce modèle qui repose sur l'unicité de l'opérateur et sur certaines valeurs. C'est pourquoi nous développons des actions de coopération internationale avec des pays très différents comme le Liban, le Chili, le Brésil ou la Chine. Ces aspects sont très importants au moment où les directives européennes sur ces sujets pourraient être révisées.