Intervention de Ronan Le Gleut

Réunion du 30 juin 2020 à 14h30
Fonds d'urgence pour les français de l'étranger victimes de catastrophes naturelles ou d'événements politiques majeurs — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Ronan Le GleutRonan Le Gleut :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « des personnes en détresse, des enfants d’âge scolaire et des personnes ayant perdu tous leurs biens durant les événements des derniers jours à Abidjan » : c’est dans ces termes que le Quai d’Orsay décrivait les Français évacués de Côte d’Ivoire lors des dramatiques événements politiques de 2004.

Un coup d’État, un tremblement de terre, un tsunami, la prise de pouvoir par un groupe djihadiste, une pandémie sont des tragédies qui peuvent frapper les Français établis à l’étranger. Or aucun fonds d’urgence n’existe spécifiquement pour eux. C’est d’autant plus grave que l’on assiste à une lente, mais constante paupérisation du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Nous savons aujourd’hui que nos consulats, partout dans le monde, n’ont plus les moyens de faire face.

La pandémie de covid-19 n’a fait que mettre en exergue à l’échelle mondiale une situation déjà connue depuis longtemps à l’échelon local, à savoir que nos compatriotes à l’étranger peuvent se retrouver du jour au lendemain dans un état de grand danger. C’est un révélateur. Le Gouvernement a réagi, mais en l’absence d’un fonds d’urgence pour les Français de l’étranger, il aura fallu aller chercher l’arbitrage de Bercy, ce qui nous a fait perdre un temps précieux.

Cette proposition de loi, si elle était adoptée, pérenniserait ce qui a été mis en œuvre cette année, afin que dorénavant, lors d’une catastrophe naturelle ou sanitaire, ou lors d’un coup d’État, la réaction de la France soit immédiate pour venir en aide en urgence à nos compatriotes.

Pourquoi un tel fonds ?

Quand un Français s’établit à l’étranger, il n’a souvent aucune garantie, aucun filet de sécurité. En cas de catastrophe, le retour en France se fait dans la précipitation, avec une valise, sans emploi, sans logement, et fréquemment avec des enfants. Une aide ponctuelle permet de rester sur place ou de retourner dans le pays après une évacuation temporaire vers la France, ce qui est la plupart du temps le souhait de nos compatriotes établis à l’étranger.

Je me souviens avec émotion des images, en novembre 2004, des 359 premiers Français évacués d’Abidjan, fuyant les violences en Côte d’Ivoire, arrivés à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle avec une valise et des tongs au pied. Puis d’autres vols ont suivi pour évacuer plusieurs milliers de nos compatriotes, de manière temporaire ou définitive.

Cette crise ivoirienne avait été précédée de nombreuses autres sur le continent africain. Ce sont notamment les guerres civiles des années 1990 en Afrique centrale, où les Français vivaient nombreux, qui avaient motivé les sénateurs des Français de l’étranger de l’époque pour tenter de créer un fonds de garantie.

Les tremblements de terre frappent aussi nos compatriotes à l’étranger. Je pense, par exemple, aux séismes survenus en 1999 à Izmit en Turquie, en 1988 en Arménie, ou encore, plus récemment, en 2016 en Équateur. Enfin, nous avons tous gardé en mémoire le tsunami de décembre 2004. Tous ces exemples issus du passé sont riches d’enseignements.

À l’avenir, il faudra également rester très vigilant pour les Français vivant dans les pays du G5 Sahel – Mali, Niger, Burkina Faso, Mauritanie et Tchad –, et qui sont confrontés au terrorisme islamiste. Le risque potentiel est immense pour nos communautés françaises, et un tel fonds d’urgence permettrait d’y faire face.

La situation internationale ne prête pas à l’optimisme, car les conflits et les tensions se multiplient. Le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, parle de « chaos ».

Enfin, le dérèglement climatique et ses conséquences en termes de catastrophes naturelles font courir des risques nouveaux et de plus en plus nombreux.

La baisse continue des moyens du Quai d’Orsay pèse sur les capacités d’action des consulats et des ambassades. Lorsqu’il était ministre des affaires étrangères, Alain Juppé disait déjà que le budget du ministère était à l’os. Avec les baisses intervenues depuis lors, on doit être à la moelle !

Les consulats, par manque de moyens, doivent faire appel aux réseaux associatifs pour venir en aide à des familles en difficulté, car l’État ne le fait plus. J’ai été président d’une association de Français de l’étranger pendant dix ans et j’ai été sollicité plusieurs fois pour cela. Et pourtant c’était à Berlin… Imaginez un instant la situation dans des pays qui subissent des crises dramatiques, comme le Venezuela ! Je me souviens d’un consul général m’expliquant qu’il avait dû héberger chez lui un Français, car le consulat ne pouvait lui payer une nuit d’hôtel.

La crise de la covid-19 a été un révélateur de ce manque de moyens. Il a fallu intégrer un volet spécial pour les Français de l’étranger au plan global d’action visant à faire face à la crise sanitaire, mais on a perdu un temps précieux. Si le fonds d’urgence avait existé, les moyens auraient pu être mobilisés plus rapidement.

Finalement, l’adoption de cette proposition de loi nous permettrait de ne plus connaître de tels retards à l’allumage à l’avenir.

Cela dit, l’idée d’un tel fonds n’est pas nouvelle. Elle remonte au moins à la commission Bettencourt, au milieu des années 1970, comme me le rappelait le président de l’Union des Français de l’étranger.

Nos anciens collègues Paulette Brisepierre, Jacques Habert, Charles de Cuttoli, Paul d’Ornano ou Xavier de Villepin, dans les années 1990, ont également fait des travaux sur cette question. Jacky Deromedi et moi-même avons la chance d’avoir des collaborateurs qui ont travaillé pour certains de ces sénateurs et qui connaissent l’historique de ce projet, sur lequel ils ont déjà planché à l’époque.

Comme me l’a rappelé Richard Yung, le groupe socialiste du Sénat avait lui aussi déposé une proposition de loi, sur l’initiative de notre ancienne collègue Monique Cerisier-ben Guiga. Joëlle Garriaud-Maylam en 2008 et encore à la fin du mois de mars cette année, ainsi qu’Olivier Cadic le 24 mars dernier, ont eux aussi déposé des propositions de loi.

Notre ancien collègue Christian Cointat me rappelait également le rôle crucial qu’ont joué le Conseil supérieur des Français de l’étranger (CSFE) et Jean Ricoux, rapporteur de la commission des lois et réassureur, dans les années 1990.

Lors des élections sénatoriales de 2017, grâce à Régine Prato, désormais présidente de la commission de la sécurité et de la protection des personnes et des biens de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE), …

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