On parle de triage, de priorisation et de hiérarchisation des choix. Il y a des personnes qui étaient hospitalisées et n'ont pas voulu de la réanimation, compte tenu des conséquences qu'elle aurait pour eux. C'est un point à prendre en considération. Il n'y avait pas le temps de la négociation, il fallait prendre des décisions dans l'urgence, parfois sans voir la personne. Il était très difficile d'être en relation avec les familles, qui ne pouvaient souvent pas venir et qui risquaient d'être contaminées en venant.
Il convient donc de « décharger » l'a priori critique concernant des décisions médicales, qui sont en général des décisions collégiales, mais dans un contexte dégradé. Nous l'avons constaté, les cellules dédiées à la codécision éthique n'ont pas été fonctionnelles, dans la mesure où la plupart des services de réanimation possèdent une véritable culture éthique.
Permettez-moi de prendre l'exemple de l'Institut Gustave Roussy, qui possède un comité d'éthique tout à fait extraordinaire et pluridisciplinaire. L'ARS y avait réquisitionné les lits de réanimation. Sans doute certains patients n'ont-ils pas eu la chance d'accéder à une réanimation, alors que certains lits sont restés vides.
Face à la pression politique et à l'inquiétude, lorsqu'on vous dit, à titre de précaution, de fermer certains services pour redistribuer les moyens en faveur des patients atteints du Covid, vous le faites. Sinon, on vous reproche de ne pas l'avoir fait. L'éthique a posteriori, c'est facile ! La décision responsable a priori est beaucoup plus complexe.
Quant aux comités de protection des personnes, qui ne sont pas des comités d'éthique, mais des comités d'instruction de dossiers scientifiques comportant un aspect éthique, ils ont plutôt bien fonctionné. Confrontés nuit et jour à des sollicitations, ils ont pris des décisions auxquelles je rends hommage, même si elles ont parfois été un peu rapides. Quoi qu'il en soit, leur instruction n'a pas été dysfonctionnante.
Je le rappelle, certaines autorités ont développé des essais d'une manière discutable. L'étude rendue par l'INSERM conclut, au travers d'une méta-analyse extrêmement détaillée, à l'inefficacité des molécules utilisées à l'époque.