Nous sommes dans une période post-confinement : les conditions sont-elles réunies pour assumer la situation actuelle ? Nous découvrons les politiques publiques au jour le jour, il y a un manque de pédagogie. La dimension du respect de l'autre dans le port du masque n'a pas été assez promue par les responsables politiques. Or, ce n'est pas du jour au lendemain qu'on a découvert cette question. Si les médias ont assumé un rôle de pédagogie, avec parfois des excès, c'est par absence d'initiatives de pédagogie sociale. Le monde de la culture n'a pas été mobilisé par exemple, pour apporter une ouverture, un horizon. Les tribunes d'intellectuels n'ont pas été transposées dans les décisions publiques.
Pendant le confinement s'est posée la dialectique entre liberté et égalité. En termes de valeurs, il y a eu des valeurs inconditionnelles qui ont été affirmées, dont le respect des plus vulnérables. Il faut montrer que le respect de la vie comme valeur est une richesse pour la société. Il est regrettable que ces sujets ne soient pas davantage abordés dans le débat public. La reconnaissance exprimée à l'égard des professionnels de santé a été exceptionnelle. Mais qu'en est-il des endeuillés ? On n'a pas suffisamment pris en compte et valorisé tous ceux qui ont été affectés. Une cérémonie de deuil aurait pu être organisée. La défense de la démocratie a surtout été présentée sous l'angle de la santé publique mais bien d'autres pans auraient dû être mis en avant. Il y a une dimension éthique fondamentale dans les souffrances qui ont été vécues du fait du confinement et de l'isolement. L'accompagnement des personnes qui ont souffert aurait pu être valorisé.
La métaphore de la guerre a été employée. Ce qui est important c'est la mobilisation et l'esprit d'engagement. C'est un discours, on peut le contester. Si on se mobilise dans un contexte démuni, en l'espèce sans équipements de protection suffisants, cela demande une forme d'humilité de la part des autorités publiques. Lors de la grippe H1N1, le ministère de l'intérieur a eu une position centrale. Aujourd'hui, les enjeux de santé et d'humanité ont été au rendez-vous pendant la crise.
Il est possible de concilier le temps de l'urgence et le temps de l'éthique. Les professionnels avaient besoin d'approfondissements pour s'interroger sur ce qu'ils font et sur ce qu'ils sont. Aujourd'hui, on semble prendre des mesures par défaut, comme sur le port du masque, plutôt qu'avec un volontarisme soutenu et fondé sur un projet. Par exemple, pendant la grippe H1N1, il y a eu des réunions dans des municipalités aux États-Unis pour trancher des questions éthiques, en particulier sur la priorisation des patients.
Les interrogations éthiques doivent permettre d'éclairer les enjeux et de les documenter. L'une des questions était de savoir si on pouvait prendre des décisions en examinant chaque cas individuel face à l'urgence et à la cohorte des patients. Les Samu ont mis en place des dispositifs et on en tirera des enseignements, pour autant qu'on veuille bien le faire.
Je souhaiterais que la commission d'enquête prenne bien en compte le faire que l'éthique doit être incarnée par les professionnels, ce qui suppose qu'ils en aient les moyens. S'il n'y a pas de concertations et que le Conseil national de l'ordre des médecins n'est pas un peu plus présent, on ne progressera pas. J'en appelle à la concertation de l'ensemble des instances éthiques compétentes pour tirer les leçons de la crise sanitaire.