Je n'ai pas rencontré d'autres institutions que le conseil régional d'Île-de-France et le conseil scientifique. J'ai eu des échanges directs avec Jean-François Delfraissy. J'ai adressé des documents à la direction générale de la santé et j'ai eu quelques échanges avec les services de la mairie de Paris. Cela montre que la concertation est possible. Nous la poursuivons, notamment avec les associations.
Le retour d'expérience est très intéressant, nous continuons à y travailler et il faudra en tirer des enseignements. Certains services ont été très affectés pendant la crise, en raison de décisions prises qui ont remis en cause des valeurs éthiques fondamentales. Pour d'autre, la cohésion a été maintenue en s'accrochant à ces valeurs ou en s'interrogeant collectivement sur des questions éthiques. La crise a tout autant aggravé les fragilités que permis de renforcer la cohésion des équipes professionnelles.
La question de l'accueil des plus vulnérables est fondamentale. Les gymnases ou les campements étaient mal équipés pour protéger les personnes. Des structures d'accueil ont dû être fermées par manque d'équipements de protection. Les maraudes et les Samu sociaux n'ont pas déserté, il faut leur rendre hommage. Ils attendent de la reconnaissance, plus que des indemnisations.
L'image de la personne hébergée en institution a beaucoup évolué avec la crise : on s'est aperçu que ce sont des personnes qui ont encore des relations sociales.
Je suis un admirateur d'André Comte-Sponville. Bernard-Henri Lévy s'est aussi exprimé sur la crise. Leurs positions pourraient être analysées, notamment sur la critique du biopouvoir. Ce sont des questions que beaucoup de personnes se posent : comment en débat-on socialement, au-delà des tribunes ? Il faut en discuter, maintenant que la sidération est passée. Le confinement a déjà été un moment de réflexion. C'est la première pandémie que l'on a vécue de chez soi, en direct, avec l'écran de télévision pour seul horizon. On peut aussi s'interroger sur la transparence de l'information, sur la manipulation de l'information, notamment de l'information scientifique.
Je pense que ce qui est en jeu, ce sont les valeurs de la République. La pandémie est une circonstance inattendue qui fait émerger des questions politiques et éthiques qu'on ne doit pas évacuer. Nous avons vécu une période extraordinaire, marquée par la dureté abyssale de ceux qui ont vécu des souffrances irréparables, de ceux qui sont dorénavant en fragilité économique et sociale. On doit témoigner des solidarités. De mon expérience, jamais la demande d'éthique, de sens et de politique n'a été aussi forte. Je vous remercie de nous avoir associés à vos travaux et de vos nombreuses questions qui nourrissent notre réflexion. Nous sommes inquiets de repères qui s'effondrent, qui font que la question du sens de la vie en société est peut-être de plus en plus contestée.