Intervention de Pascale Mathieu

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 2 septembre 2020 à 14h30
Table ronde avec des ordres des professions de santé

Pascale Mathieu, présidente du Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes :

Sur la reprise des soins, je souhaite insister sur la perte de chance, qui est une évidence pour moi, même si je n'ai pas de chiffres à avancer.

Dans les établissements de santé, y compris dans les services de soins de suite et de réadaptation (SSR), très souvent, il n'y a pas de kinésithérapeutes et on confie des patients à d'autres professionnels en imaginant que c'est de la rééducation. On recrute par exemple des éducateurs sportifs, diplômés de la fac de sport. Certains ont une licence de sport, c'est-à-dire une formation de trois ans, et parfois font trente heures dédiées à la médecine ; ce qui s'appelle sport-santé. Certes, ils ont un rôle à jouer dans le système de santé, mais je crains que, sous couvert de sport-santé, ces établissements, au lieu de prendre les choses en main, c'est-à-dire de recruter les kinésithérapeutes et de les payer convenablement, mettent des succédanés qui ne sont ni des rééducateurs ni des professionnels de santé. Pour moi, c'est un véritable scandale sanitaire.

La perte de chance ne se mesure pas. Les neuromyopathies consécutives à la réanimation impliquent des lésions musculaires ou des lésions articulaires, qui appellent une rééducation très spécifique et particulière. Si ces patients ont par exemple une capacité de récupération à 80 %, mais ne récupèrent que de 60 %, qui va le dire et qui va le savoir ? C'est cela, la réelle perte de chance. Il faut donc que le système change.

À un moment, j'ai arrêté le recrutement d'un ostéopathe en réanimation en région parisienne- j'ai tous les mails -, alors que de nombreux kinésithérapeutes étaient inscrits et dans la réserve sanitaire et sur la plateforme #Renforts-Covid. Comme cela s'est ébruité sur les réseaux sociaux via Twitter, Nicolas Péju, le directeur général adjoint de l'ARS Île-de-France, m'a indiqué que l'AP-HP ne savait pas que des kinésithérapeutes étaient inscrits sur cette plateforme. Personne n'y a pensé ! On est face à des dysfonctionnements de cet ordre.

La télémédecine a également été pour nous un véritable scandale. Dès le début du confinement, j'ai écrit au ministre pour lui demander le télésoin, qui était absolument fondamental pour nous et qui permettait de maintenir des soins de rééducation à distance tout en préservant la santé de nos concitoyens et des kinésithérapeutes. Des textes ont été publiés pour les orthophonistes, pour les ergothérapeutes, pour les psychomotriciens, mais jamais pour nous !

Il a fallu encore une fois que j'interpelle Nicolas Revel via Twitter pour dire que les kinésithérapeutes étaient les paillassons. Pourquoi ? Qu'est-ce qui bloquait ? Pour les kinésithérapeutes, on proposait un acte dégradé, c'est-à-dire inférieur au tarif habituel, alors que, ni pour les sages-femmes, ni pour les infirmiers, ni pour les médecins, le montant de l'acte n'avait été abaissé. C'était pour la traçabilité, m'a-t-on indiqué. J'ai répondu qu'il suffisait d'augmenter l'AMK de 1,1 point. À la suite de mon intervention très vigoureuse, tout s'est débloqué en deux jours, mais les textes ne sont parus que le 16 avril, alors que nous avions formulé cette demande dès le début du confinement, que j'avais écrit partout, à Bruno Le Maire, à Cédric O, à Olivier Véran, en ayant l'impression de ne pas être entendue.

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