Votre interlocuteur était Santé publique France ou les ARS ?
Dr Carine Wolf-Thal. - Ce n'étaient pas les ARS ; c'était la cellule de crise masques, mais cela concernait les opérationnels, c'est-à-dire les dépositaires et les grossistes répartiteurs, pour la partie logistique. En tant qu'ordre, nous n'étions pas du tout dans les discussions relatives aux dotations. On recevait simplement du DGS-Urgent le nombre de masques à donner aux médecins : dix-huit, douze, six...
Concernant les relations avec les ARS, je ferai la même réponse que les autres intervenants : cela variait d'une région à une autre en fonction de la situation sanitaire dans la région - les relations étaient différentes dans le Grand Est et en Normandie, par exemple, où j'exerce. Cela dépendait aussi des interlocuteurs : c'étaient souvent les unions régionales de professionnels de santé (URPS), qui sont les interlocuteurs privilégiés des ARS. Localement, il y a bien évidemment eu des contacts et des organisations.
Sur la télémédecine, même si les pharmaciens sont moins directement concernés, je profite de cette tribune pour dire que nous appelons depuis très longtemps de nos voeux la e-prescription. La téléconsultation donne lieu à une prescription. Or vous savez qu'il existe énormément de fraudes et de fausses ordonnances liées aux ordonnances dématérialisées. Rien n'est plus difficile au comptoir que de déterminer, à partir d'un smartphone, si une ordonnance est bonne ou fausse, si elle a déjà été délivrée dans une autre pharmacie ou pas. Tenter d'authentifier autant que faire se peut la validité de la prescription a constitué une véritable difficulté pour nous. La solution, c'est la e-prescription, qui est en travaux depuis bien longtemps. La France est très en retard sur ce sujet.
Sans ranimer le débat sur la liberté de prescription, je précise, en tant que pharmacien au comptoir, qu'il importe, quand il y a une prescription hors autorisation de mise sur le marché (AMM), que ce soit indiqué sur la prescription. Souvent, ce n'est pas le cas. Je pense qu'il faut que le médecin l'indique sur l'ordonnance, l'explique au patient et que le pharmacien puisse éclairer le patient en lui indiquant que ce produit est hors AMM et n'est pas remboursé. La liberté de prescription hors AMM doit se faire dans un cadre réglementaire. D'ailleurs, l'ordre des médecins et l'ordre des pharmaciens vont conjointement publier dans les jours qui viennent un guide sur la prescription et la délivrance hors AMM : que faut-il faire ? Quelles sont les responsabilités engagées ?
Dr Jean-Marcel Mourgues. - Sur la liberté de prescription, les règles et la loi indiquent qu'il faut prescrire selon les règles d'autorisation de mise sur le marché. Dans le cas contraire, le prescripteur est obligé de donner toute l'information en précisant les raisons pour lesquelles il passe hors AMM.
Faut-il rappeler les dommages sériels considérables des prescriptions de médicaments hors AMM ? Les victimes et associations de victimes auraient du mal à entendre que l'on puisse prescrire sans ces contraintes, car elles-mêmes ou les membres de leur famille l'ont parfois payé de leur vie.
Les relations avec les agences régionales de santé ont très largement varié d'une région à l'autre : certaines - l'Île-de-France, la Nouvelle Aquitaine ou d'autres - ont su nouer des relations particulièrement bienveillantes et de qualité avec les professionnels et les ordres, non seulement les conseils départementaux, mais aussi en relais les conseils régionaux, en ce qui nous concerne.
En ce qui concerne la télémédecine, on peut dire que rien ne sera comme avant, mais il faut séparer l'ivraie du bon grain. Que faudra-t-il retenir de la télémédecine ? C'est tout le chantier. Il faudra veiller à ce que l'essor de la télémédecine ne se fasse pas sans perte de qualité des soins et veiller aussi - on a pu le voir notamment avec les téléconsultations covid - au problème de la fracture sociale, numérique et territoriale. La télémédecine ne peut pas résoudre cela : des barrages à l'accès aux soins existent selon les catégories sociales, les tranches d'âge, les territoires, les dessertes numériques. Il faut veiller à l'équité dans l'accès aux soins pour tous.