Intervention de Pascale Mathieu

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 2 septembre 2020 à 14h30
Table ronde avec des ordres des professions de santé

Pascale Mathieu, présidente du Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes :

Sur la question éthique, Mme Derrendinger a fort bien résumé la situation. Les kinésithérapeutes eux aussi ont souffert de ne pouvoir suivre certains patients. Concernant les Ehpad, j'ai saisi le Défenseur des droits au plus fort de la crise, et je rencontrerai ses représentants la semaine prochaine, pour les alerter sur cette atteinte au droit fondamental à être soigné.

D'autres patients, immunodéprimés, souffrant par exemple de sclérose en plaque, ont interrompu leurs traitements par peur. Ils étaient très angoissés et, au déconfinement, malgré la reprise d'une vie normale, certains n'ont pas repris les soins. Nombre de kinésithérapeutes s'interrogent : ils ont recontacté en vain les personnes. Ils ne savent que faire et expriment une véritable préoccupation éthique et morale.

Permettez-moi d'évoquer mon propre exemple au sujet des tests. La Direction générale de la santé a demandé aux professionnels de se faire tester si possible avant de reprendre leur activité. Rentrée de vacances samedi, j'ai cherché hier en vain un laboratoire pouvant me recevoir pour un test, je n'ai pu obtenir de rendez-vous avant... début octobre ! De retour dans ma province, j'aurai peut-être plus de facilité à faire le test. Il y a certes un drive spécialisé pour les professionnels dans le XVIIe arrondissement, mais il est réservé, logiquement, à ceux qui exercent à Paris.

J'ai été surprise de constater que les sapeurs-pompiers pouvaient apporter leur concours pour les tests... tandis que nous ne sommes pas dans la liste des professions concernées. Nous faisons pourtant des prélèvements, par exemple pour l'analyse des crachats dans la recherche des bronchites. Au cas présent, à notre offre de services, on a répondu qu'il serait fait appel à nous « si besoin »... J'espère que ce point pourra se débloquer, car plus nombreux sont les intervenants susceptibles de pratiquer des tests, plus élevé le nombre de personnes pouvant être testées.

Les problèmes touchant les équipements ont été fort mal vécus par les kinés.

J'ai été sollicitée par APF France handicap, autrement dit l'Association des paralysés de France, car beaucoup de ces patients ont arrêté leurs soins et rencontrent en conséquence de grosses difficultés physiques. Je les ai appelés, dans le cadre de l'émission Le Magazine de la santé, à retourner chez leurs kinés, affirmant que les professionnels pouvaient assurer les soins, avec des équipements et en appliquant les gestes barrières. J'ai reçu des torrents d'insultes, émanant de confrères qui m'accusaient de les envoyer à la mort, protestant qu'ils n'avaient même pas de masques. Les kinés ont fort mal vécu la période, ils avaient le sentiment d'abandonner leurs patients.

J'ai été également saisie par des associations de patients, par exemple ceux qui souffrent de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). J'ai expliqué que nous ne pouvions assurer les soins faute de masques FFP2. Cependant, grâce à certains réseaux, certains CHU - comme à Bordeaux -, nous avons reçu des masques et avons pu mettre en place des systèmes de garde pour les patients atteints de mucoviscidose et pour ceux qui avaient besoin de kinésithérapie respiratoire.

Sur les zoonoses, nous avons une formation de base, limitée, peut-être insuffisante. Il faudra sans doute revoir cela.

Les dotations de l'État pour l'achat d'équipements protecteurs prendront fin prochainement. J'ai demandé que nous bénéficiions au moins de prix planchers : nous avions l'habitude d'acheter des masques et d'en porter l'hiver, mais les prix ont flambé, c'est une charge devenue insupportable.

Les kinés m'ont alertée sur les directives contradictoires adressées par les caisses primaires d'assurance maladie. Certaines caisses estiment que le praticien qui serait un cas contact doit rester chez lui pendant quinze jours. Or, s'il soigne des patients atteints de covid, il est par définition cas contact ! J'ai donc écrit au directeur général de l'assurance maladie et au ministre pour les alerter et leur demander de mettre fin aux disparités.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion