On a beaucoup d'espoir dans les CPTS, mais je rappelle - le chiffre nous a été donné par le directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) en début de semaine - qu'il y en a actuellement 20 en France. Certes, il y en a 200 à venir. Pour le moment, c'est une institution en devenir.
À la Fehap, il y avait trois espaces différents. Le premier, mis en place par le ministère, était pour tout le monde et concernait les professionnels de santé ; il a été très sollicité. Le deuxième était spécifiquement pour les directeurs et les responsables de soins ; il a été peu sollicité. Le troisième, l'espace éthique dont vous parlez, était très intéressant. Je n'ai pas de bilan à vous présenter pour le moment, mais il y en aura un. Des professionnels en responsabilité confrontés à des questions éthiques douloureuses pouvaient demander à être entendus en débat avec un éthicien, un philosophe ou autre. Il y a eu des débats très intéressants. Des acteurs devant prendre à des décisions difficiles ont pu vider leur sac.
L'état psychique des professionnels est contrasté. Globalement, ils sont très fiers de ce qu'ils ont fait. Une infirmière me disait encore hier : « On l'a fait, et on a gagné. » Ils gardent la mémoire de leurs collègues qui ont subi la maladie et en sont morts ; il y en a eu dans tous les secteurs, y compris le nôtre. Cela reste très douloureux. Les vacances ont été utiles ; ils repartent motivés. Je pense qu'ils seront prêts en cas de nouvelle crise. Il y a tout de même une amertume, car nos médecins n'ont été ni reconnus dans le cadre du Ségur et ni revalorisés comme dans le public ; pour le moment, nous n'avons rien à leur proposer.
Les problèmes de doctrine s'agissant de l'éviction des professionnels touchés par la maladie se sont posés dès le 20 février. Nous avions des questions. Que fait-on d'un professionnel touché par la maladie ? À l'époque, il n'y avait pas beaucoup de tests. Que fait-on quand on a des suspicions ? Les réponses orales de la DGOS étaient très hésitantes.
S'il était moins difficile de compenser les absents dans le sanitaire, car l'activité de certains services avait été arrêtée - cela restait tout de même difficile -, les insuffisances en termes d'encadrement pour les personnes âgées et les personnes handicapées dans le médico-social avaient déjà été dénoncées avant la crise. Dès lors, quand des professionnels étaient malades ou invoquaient un droit de retrait, avéré ou non, on se trouvait en difficulté. Les doctrines qui nous ont été données en l'absence de connaissance du virus et de tests ont été très variables. Une fois, on nous avait dit que les professionnels asymptomatiques pouvaient continuer à travailler avec des protections. Or il est tout de même difficile d'être efficaces dans une telle situation, protections ou pas. Surtout, cela posait un problème de la responsabilité pour nos employeurs, qui craignaient d'être impliqués au pénal en cas d'infection avec des conséquences graves d'un malade, d'une personne accompagnée ou d'un autre professionnel. Faute de réponse claire, j'avais interrogé la DGOS le 12 mai ; je rappelle que nous n'avions alors pas suffisamment de protections dans le médico-social. Il a fallu attendre le 23 mai pour que le Haut Conseil de la santé publique donne un avis écrit et que nous disposions des directives claires sur l'éviction des professionnels. Cela a été très long. L'hésitation était liée à la mauvaise connaissance de la maladie et de ses implications possibles vis-à-vis des activités et des malades.
Une ordonnance du tribunal judiciaire de Lille du 3 avril 2020 montre les difficultés qu'il a pu y avoir entre le ministère du travail et nous. Suite à une saisine de l'inspection du travail et de la CGT, un établissement de services à domicile s'est trouvé condamné, certes de manière très symbolique, pour ne pas avoir mis en place les mesures de protection de ses salariés alors même qu'il n'en disposait pas, puisque l'État était incapable de les fournir. Nous avons ainsi fait l'objet d'injonctions contradictoires.