Intervention de Frédéric Valletoux

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 3 septembre 2020 à 9h30
Table ronde avec des fédérations hospitalières et médico-sociales

Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France (FHF) :

Monsieur Karoutchi, la certitude que nous avons aujourd'hui, c'est que tout serait en ordre en cas de retour d'une crise aussi forte que celle du printemps dernier. Le système tiendra. Il a déjà tenu. Certes, le prix a été élevé. S'il y a eu des erreurs, il vous appartiendra de les mettre en exergue. Mais le système a tenu.

Néanmoins, soyons réalistes, il y aura toujours des difficultés. Cela ira sans doute mieux sur les approvisionnements. Mais prenons la question des effectifs : les hôpitaux ont tenu parce que les hospitaliers se sont dépensés et mobilisés comme jamais, au prix d'un effort humain important. Il faut un an pour former une aide-soignante, trois ans pour former une infirmière, dix ans à quinze ans pour former un médecin, et il y a 30 % de postes vacants à l'hôpital. La réalité des effectifs n'a pas changé. La réalité de l'effort à fournir en cas d'épidémie d'une telle intensité ne changera pas non plus. La capacité humaine à faire face tiendra une fois de plus, grâce à un effort immense des professionnels de santé devant l'afflux.

Il est possible de mettre des respirateurs dans des salles hospitalières si on en achète. Il faut entre huit et dix professionnels autour d'un lit de réanimation pour un patient. On ne forme pas des infirmiers spécialisés en quelques semaines. On peut demander en urgence à des dermatologues ou à des médecins divers et variés de se plonger dans la vie d'un service de réanimation et de donner un coup de main. Cela a été le cas. Dans les services, les gens qui étaient autour de lits de réanimation n'étaient pas tous des infirmiers spécialisés, des réanimateurs. Tout le monde, moi le premier, connaît des médecins d'autres spécialités qui sont venus donner un coup de main et qui étaient sous les ordres d'infirmiers spécialisés. Cela n'a pas changé, et ne changera pas. Le système de santé est un paquebot, et les paquebots font des manoeuvres un peu lentes : entre le moment où on décide d'opérer un virage et son exécution, il se passe du temps. En l'espèce, cela se compte en nombre d'années.

À mon avis, il y a une prise de conscience ; elle s'est exprimée lors du Ségur. On a effectivement été trop loin dans les demandes d'économies et de rationalisation du système de santé. Aujourd'hui, cela ne peut plus passer. Il faut recoudre ce qui a été détricoté. Cela va prendre des années, à condition d'être à la hauteur des vrais enjeux.

Nous avons obtenu des réponses à peu près satisfaisantes sur les rémunérations. Le Gouvernement a mobilisé 7 milliards d'euros à 8 milliards d'euros. Il faut saluer cet effort, qui est sans précédent. Cela sera-t-il suffisant pour rendre les carrières hospitalières plus attractives et donner envie aux jeunes de s'engager dans ces métiers pénibles et pas toujours bien rémunérés ? C'est une vraie question, et elle n'est pas tranchée.

Dans notre système de santé, les écarts de rémunération entre public et privé sont abyssaux. Il faut regarder cette réalité en face. Comment demander à un hôpital public de tenir ses missions avec de tels écarts ? Il est compliqué de garder des médecins dans certaines spécialités. À cinquante ans, cinquante-cinq ans ou soixante ans, on peut n'avoir plus forcément envie de subir certaines contraintes de vie, comme celles qui sont liées aux gardes.

En France, la santé est sans doute l'un des sujets qui a le plus fait l'objet de littérature administrative, parlementaire ou savante, mais qui a le moins fait l'objet de véritables réformes. On a laissé prospérer des situations qui ne peuvent plus durer. Le temps des vraies réformes est venu. Le Ségur est un début de réponse, mais un début seulement.

Je suis malheureusement un peu plus nuancé sur la réponse à apporter à Roger Karoutchi. J'aimerais pouvoir être enthousiaste et dire qu'il n'y a pas de problème. Nous sommes évidemment prêts à faire face, mais à prix qui restera élevé et douloureux.

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