Intervention de Katia Julienne

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 3 septembre 2020 à 14h00
Audition de Mme Katia Julienne directrice générale de l'offre de soins au ministère des solidarités et de la santé

Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins au ministère des solidarités et de la santé :

Je voudrais tout d'abord saluer l'engagement des soignants et, plus largement, celui de l'ensemble des personnels qui ont concouru au bon fonctionnement du système de santé. Il me semble important de souligner devant vous leurs efforts et leur engagement - aujourd'hui encore - dans la gestion de cette crise.

Je voudrais également souligner l'importance des relations que nous avons pu nouer durant la crise avec les fédérations hospitalières, que vous avez auditionnées ce matin, avec les conférences hospitalières et avec les sociétés savantes, sans oublier France Assos Santé. Ces contacts permanents tout au long de la gestion de l'épidémie ont joué un grand rôle dans les décisions que nous avons prises.

La Direction générale de l'offre de soins (DGOS) a mis au service de la Direction générale de la santé (DGS), qui pilote la gestion de la crise sanitaire, non seulement sa capacité à activer l'offre de soins, mais aussi une partie de ses agents dans les cellules - cellule « logistique », cellule « opération »... - mises en place par la DGS, ce qui a permis d'introduire plus d'agilité à l'échelle nationale. Nous avons ensuite retrouvé cette agilité dans les agences régionales de santé (ARS) et dans les établissements de santé. Nous avons profondément fait évoluer nos organisations internes - nous n'y étions pas habitués - pour faire face aux contraintes et aux difficultés liées à la gestion de l'épidémie.

Il en a été de même à l'échelon interministériel : un certain nombre d'évolutions ont pu être mises en place rapidement. Je pense notamment à la garde des enfants des soignants, ce qui a été extrêmement important pour garantir la continuité des soins, ou à la prise en charge des transports, notamment les taxis, pour ramener les soignants à leur domicile. Ces deux exemples témoignent de la très forte coopération interministérielle durant l'ensemble de la crise.

Nous avons suivi deux lignes directrices. Tout d'abord, nous avons constamment veillé à lever les freins et à faciliter l'adaptation du système de santé pour aider les acteurs de terrain, à travers les déprogrammations ou en permettant aux ARS d'octroyer des autorisations exceptionnelles dans des délais très réduits, ce qui a facilité l'extension d'autres activités, notamment de réanimation. Je pense aussi à l'appui sanitaire aux établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes (Ehpad), levier extrêmement important, pour faciliter la prise en charge sanitaire des résidents.

Nous avons ensuite pris des mesures sur les plans administratif, juridique et financier pour faciliter notre engagement massif en termes de réaffectation et de renforts des professionnels de santé entre établissements. Ce fut aussi le cas pour la garde des enfants ou le recours aux taxis que j'évoquais à l'instant.

De même, il était essentiel d'assurer aux établissements de santé publics et privés le maintien de leur financement, qu'il s'agisse d'aides en trésorerie, de délégations financières ou de garanties de financement pour leur éviter toute préoccupation financière et leur permettre de se concentrer sur la gestion des patients covid. Tous ces exemples témoignent de ce que doit être la posture d'une administration centrale : elle n'est pas en première ligne, mais elle vient en appui des acteurs de terrain.

Après cette période de gestion de l'épidémie, nous avons eu à coeur d'organiser des réunions, dans des délais extrêmement courts, pour capitaliser ensemble sur les enseignements à tirer de cette crise. Nous avons ainsi rencontré, fin juin, le Conseil national de l'urgence hospitalière (CNUH), un certain nombre de sociétés savantes, les réanimateurs, les représentants de la médecine physique et de réadaptation (MPR)... Ces réunions nous ont permis, par exemple, de mieux comprendre combien les télésoins réalisés par les kinés avaient permis d'assurer la continuité de la prise en charge de patients dans les services de soins de suite et de réadaptation (SSR), notamment non-covid, durant la période de confinement. Les enseignements que nous pourrons tirer de la gestion de cette crise nous permettront à la fois de nous préparer à un éventuel rebond ou à une reprise de l'épidémie et de mettre en oeuvre des évolutions plus pérennes de notre système de santé.

Nous continuons d'échanger, depuis juillet, avec les deux conseils nationaux professionnels (CNP) de réanimateurs. Nous avons retravaillé avec eux certaines des instructions envoyées dès la fin du mois de juillet aux ARS pour qu'elles se tiennent prêtes en cas de reprise de l'épidémie. Nous travaillons également sur des évolutions plus structurelles des services de réanimation, qu'il s'agisse des professionnels - je pense notamment aux infirmiers - ou de la question du capacitaire. Ce dernier point est important : nous devons choisir avec eux les bons critères de détermination des capacités de réanimation, non seulement au plan national, mais aussi - et surtout - au plan régional. Ces capacités peuvent en effet être très différentes selon les territoires. Nous ne réglerons pas cette question dans les deux mois qui viennent, mais il faut impérativement la traiter. Nous devons travailler à la fois sur le court et le moyen terme.

Les décisions du Ségur constituent un autre élément important. Certaines étaient très attendues par l'ensemble du système de santé - je pense à l'investissement hospitalier, aux rémunérations, aux primes, aux parcours de carrière de l'ensemble des professionnels, personnels médicaux et non médicaux... Ces décisions, que nous mettons en oeuvre dès maintenant, portent sur plusieurs milliards d'euros.

D'autres sujets sont également très importants. Nous avons maintenu la prise en charge à 100 % des téléconsultations. L'épidémie a permis d'accroître très notablement le nombre d'actes de télémédecine, de télésoins, avec des professionnels assez différents. Je pense que la télémédecine a trouvé sa place. Nous devons la conforter de manière pérenne.

Je pense également à l'ancrage sanitaire autour des Ehpad : pendant la gestion de l'épidémie, nous avons demandé aux ARS de mettre en place un maillage sanitaire autour des Ehpad, notamment à travers des astreintes, pour qu'aucun établissement n'ignore qui appeler pour un appui sanitaire, qu'il s'agisse de soins palliatifs ou d'une aide plus générale aux professionnels. Nous avons demandé aux équipes mobiles de gériatrie de sortir de plus en plus de l'hôpital pour aller vers les Ehpad et les aider. Nous avons levé les restrictions qui pouvaient limiter les interventions de l'hospitalisation à domicile (HAD), laquelle a réalisé un travail remarquable auprès des résidents de ces établissements.

Il en va de même du déploiement du service d'accès aux soins qui nous permettra de parfaire l'organisation de la régulation médicale avec les généralistes et les urgentistes. Nous avons demandé aux ARS qui ont monté des projets de sites pilotes de les déployer et de nous faire un retour d'ici au 30 septembre.

Voilà quelques exemples d'évolutions structurelles, dont certaines peuvent être mises en place très rapidement et d'autres en quelques mois, que nous devons enclencher dès maintenant pour améliorer notre système de santé de manière pérenne et nous préparer au mieux à ce qui pourrait advenir.

J'évoquais les autorisations exceptionnelles de soins critiques - il en a d'ailleurs été question lors de votre audition de ce matin. Nous les avons mises en place dans le cadre de l'état d'urgence, pour une durée limitée. Nous nous interrogeons aujourd'hui pour savoir s'il ne serait pas intéressant - à titre personnel, j'y souscris - de confier cette responsabilité aux ARS plutôt qu'à l'administration centrale pour leur permettre de décider directement de l'octroi de ces autorisations dans un délai plus court, ce qui leur permettrait de mieux s'adapter à la situation de leur région.

Durant cette crise, il était important pour nous d'avoir des échanges permanents avec les acteurs de terrain afin d'identifier le plus tôt possible les difficultés qui étaient de notre ressort et de modifier, dans les délais les plus courts possible, les textes qui constituaient des freins administratifs ou d'agir sur les leviers financiers à notre disposition pour faciliter l'action locale de ces acteurs. C'est cet état d'esprit qui nous a animés.

Il me semble essentiel de préserver cette écoute entre nous et cette capacité de réactivité, ce qui nous conduit à définir des cadres généraux et à laisser les ARS et les acteurs de terrain en déterminer les modalités concrètes d'application. Lorsque nous avons demandé aux ARS de reprendre les soins, y compris hors covid, le 7 ou le 8 mai dernier, nous avons souligné qu'elles devaient le faire en fonction de la situation propre à leur territoire. La situation n'était alors pas la même dans le Grand Est et en Occitanie, par exemple. Il appartenait au plan local de déterminer, en fonction de ses contraintes et de ses capacités, comment conduire la reprise d'activité et non à l'administration centrale de donner des guidelines ou de publier des textes très prédictifs.

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