Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 8 novembre 2010 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2011 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je consacrerai mon propos à la branche accidents du travail-maladies professionnelles, qui gère les risques professionnels auxquels sont confrontés les salariés et les entreprises de l’industrie, du commerce et des services.

Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit pour 2011 un retour à l’équilibre de la branche après deux années de déficit, grâce notamment à une augmentation du taux de cotisation patronale de 0, 1 point, qui devrait rapporter 450 millions d’euros.

Si l’on en croit vos prévisions, monsieur le ministre, les charges nettes progresseraient de 1, 8 % en 2011, à un rythme voisin de celui de 2010, et la croissance des recettes de la branche ralentirait, puisque celles-ci ne progresseraient que de 3, 1 %, mais resterait néanmoins plus dynamique que la hausse des charges, ce qui permettrait à la branche de réduire son déficit de plus de 130 millions d’euros. En conséquence, le solde s’établirait à moins 355 millions d’euros.

La progression des dépenses de prestations resterait dans l’ensemble en 2011 proche de celle de 2010, y compris les dotations nettes des reprises, qui croîtraient de 2, 8 %. Les autres charges seraient stables ou en léger recul, comme les transferts, qui enregistreraient une baisse de 0, 8 % par rapport à 2010.

En 2011, les cotisations seraient stimulées par une hausse de la masse salariale de 2, 9 % – c’est une prévision que nous ne sommes pas les seuls à trouver bien optimiste – et par une progression des exonérations générales moins rapide que celle de l’assiette. Au total, l’agrégat composé des cotisations et des compensations d’exonérations par dotation budgétaire et affectation de recettes fiscales, représentant 97 % des recettes, connaîtrait une augmentation de 3, 2 % en 2011.

Finalement, ce n’est que l’année prochaine, voire dans deux ans, que se vérifiera ou non la justesse de toutes ces hypothèses économiques et de ces prévisions. Au vu des résultats des années précédentes, on peut tout de même avoir d’ores et déjà des doutes…

Et je ne parle même pas de l’incidence de la prise en compte de la pénibilité du travail, mise à la charge de la branche par la loi portant réforme des retraites ! Nous avons déjà eu largement l’occasion de dire ce que nous en pensions. M. le rapporteur estime que « l’ambiguïté de certains des critères retenus pour bénéficier d’un départ anticipé lié à la pénibilité rend difficile l’évaluation exacte de l’impact financier qu’auront sur la branche les mesures votées ». Pour l’instant, vous parlez de 200 millions d’euros par an ; c’est une affaire à suivre…

Aujourd’hui, la branche AT-MP représente moins de 5 % du budget de la sécurité sociale et son influence sur l’équilibre général est faible. Il n’en reste pas moins qu’elle recouvre des problématiques importantes et participe pleinement de la politique de santé et de sécurité au travail, qui est devenue une préoccupation essentielle des salariés et un enjeu majeur de santé publique.

Des progrès indéniables ont, d’ailleurs, été accomplis en matière de santé et de sécurité au travail au cours des dix dernières années, mais la situation reste contrastée : si l’on en croit certaines comparaisons internationales, la France est la lanterne rouge en Europe au regard de la plupart des indices de santé au travail. Notre système de réparation est sans doute relativement abouti par rapport à ceux de nos voisins, mais nous avons encore beaucoup de retard en matière de prévention.

Depuis quelques années, les statistiques publiées par la direction des risques professionnels de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, font apparaître un recul tendanciel des accidents du travail et une forte hausse des maladies professionnelles.

Ainsi, en 2009, le nombre d’accidents du travail a diminué de 7, 5 %, ce qui a conduit à une baisse de l’indice de fréquence, lequel a atteint le niveau inédit de trente-six accidents avec arrêt pour 1 000 salariés.

Je suis néanmoins un peu moins enthousiaste que vous, monsieur le rapporteur. En effet, il faut relativiser cette diminution, qui est davantage le reflet de la baisse de l’activité économique et de ses répercussions sur l’emploi que le fruit des efforts de prévention. La cause de cette évolution ne saurait se réduire à la crise financière de ces deux dernières années : à mon avis, la fermeture ou la perte de vitesse de secteurs d’activité réputés dangereux, comme les mines ou la sidérurgie, expliquent pour beaucoup l’amélioration des résultats en matière d’accidentologie. Il reste donc des progrès à accomplir dans la lutte contre le fléau des accidents du travail, d’autant que la réduction de la gravité de ces accidents n’est pas allée de pair, tant s’en faut, avec celle de leur fréquence.

S’agissant des maladies professionnelles, le nombre de déclarations a encore augmenté de plus de 8 % entre 2008 et 2009. Cette hausse s’explique en partie, certes, par une meilleure reconnaissance des pathologies liées au travail, mais aussi et surtout par l’apparition de nouvelles pathologies, liées notamment à l’usage de produits chimiques et au développement des troubles musculo-squelettiques.

Ainsi, les affections articulaires représentent plus des trois quarts des maladies professionnelles reconnues en 2009, et ce pourcentage croît d’année en année.

Quant aux affections et cancers dus à l’amiante, ils représentent 10, 7 % du total des maladies professionnelles. Cela explique l’importance des sommes consacrées à la prise en charge des victimes de l’amiante dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale : ces sommes pèsent d’ailleurs de plus en plus lourdement sur l’équilibre de la branche.

L’article 52 de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale porte, pour l’année 2011, à 880 millions d’euros la contribution de la branche accidents du travail-maladies professionnelles au Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA – ce chiffre restant stable par rapport à 2010 –, et à 340 millions d’euros celle qu’elle apporte au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA, soit une augmentation de 25 millions d’euros.

Lors de notre débat du 2 novembre dernier, j’ai déjà eu l’occasion de faire part de mes inquiétudes, s’agissant notamment du FCAATA, dont le déficit cumulé devrait atteindre près de 300 millions d’euros à la fin de cette année. Ce déficit pèse sur le solde de trésorerie de la branche AT-MP, qui procède aux avances de paiement pour ce fonds. D’un montant de 66 millions d’euros en 2009, ces avances pourraient être reconduites en 2010, portant le montant des prises en charge opérées par la branche depuis 2004 à 464 millions d’euros, hors intérêts financiers. La mécanique est certes bien huilée, mais, convenons-en, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette situation n’est pas saine !

En ce qui concerne le FIVA, la Commission des comptes de la sécurité sociale prévoit, dans son rapport de septembre dernier, que les dépenses d’indemnisation devraient augmenter en 2010 d’environ 15 %, pour s’établir à quelque 483 millions d’euros. Un déficit d’environ 80 millions d’euros pourrait donc être constaté en 2010. Il serait financé par un prélèvement sur le fonds de roulement du FIVA. D’après le même rapport, « en 2011, en raison d’un nombre d’offres aux victimes plus important, le déficit du fonds pourrait être plus élevé qu’en 2010 et atteindrait 180 millions d’euros, ce qui conduirait à épuiser les excédents cumulés par le FIVA depuis 2001 ». Comme je vous le disais, monsieur le ministre, nous arrivons au terme d’un cycle. Je crains que les 25 millions d’euros supplémentaires attribués au FIVA, somme correspondant à une estimation a priori de l’incidence financière de la modification des règles de prescription des actions en indemnisation devant ce fonds, ne suffisent pas à faire face à l’augmentation continue des dépenses d’indemnisation.

Soyez donc assuré, monsieur le ministre, que nous serons particulièrement vigilants, dans les années à venir, s’agissant de la pérennité du financement des fonds dédiés aux victimes de l’amiante. Un jour, il faudra d’ailleurs reposer la question du partage de ce financement entre la branche AT-MP et l’État. Aujourd’hui, cette branche en assume plus de 90 %, contre 77 % en 2001. En 2005, la mission commune d’information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l’amiante avait estimé que l’État devrait contribuer au financement des fonds à hauteur d’environ 30 %, pour tenir compte de sa responsabilité, à la fois comme employeur et comme autorité de contrôle défaillante.

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