Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 8 novembre 2010 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2011 — Discussion d'un projet de loi, amendement 137

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Nous en sommes encore loin !

Telles sont les observations générales que je souhaitais présenter à cet instant de la discussion.

Je tiens à appeler dès maintenant votre attention, monsieur le ministre, sur l’amendement n° 137 du groupe socialiste.

Le vote de la loi du 9 avril 1898 a été l’acte fondateur de la reconnaissance de la spécificité des accidents du travail. Cependant, pour des raisons tenant aux circonstances de l’époque, cette loi est fondée sur un compromis : elle facilite la reconnaissance des accidents du travail, mais ne prévoit en contrepartie qu’une indemnisation partielle des dommages subis par le salarié.

Cette situation a persisté jusqu’à nos jours, alors que, dans le même temps, les régimes de réparation intégrale se généralisaient, qu’il s’agisse des accidents de la circulation, des aléas thérapeutiques ou, dans le domaine du travail, de maladies développées en raison d’une exposition à l’amiante.

À ce jour, les victimes d’accidents du travail ne bénéficient donc encore que d’une indemnisation partielle des dommages subis : 60 % du salaire journalier de base pendant les vingt-huit premiers jours d’arrêt de travail, puis 80 % à partir du vingt-neuvième jour. Cette indemnisation ne couvre pas l’ensemble des dommages, dont les conséquences vont souvent au-delà des atteintes physiques et morales immédiates.

Une réparation améliorée ne peut généralement être obtenue que par la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, au terme de plusieurs années de procédure. L’établissement d’un régime légal de réparation intégrale des accidents du travail et des maladies professionnelles permettrait de limiter le nombre de contentieux visant à faire reconnaître la faute inexcusable de l’employeur et de rétablir l’égalité entre les victimes d’accidents.

Actuellement, lorsque la faute inexcusable de l’employeur a été reconnue, l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale dispose que « la victime a le droit de demander à l’employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ».

L’énumération des préjudices pouvant donner lieu à réparation est donc strictement limitée. Aussi, en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel, dans une décision rendue publique le 18 juin 2010, a-t-il indiqué quelle interprétation il convient de faire de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale. Le Conseil constitutionnel considère que la victime ou, en cas de décès, ses ayants droit, indépendamment de la majoration de la rente ou du capital alloué en fonction de la réduction de la capacité de la victime lorsque l’accident ou la maladie est due à la faute inexcusable de l’employeur, « peuvent, devant la juridiction de sécurité sociale, demander à l’employeur la réparation de certains chefs de préjudice énumérés par l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ; […] en présence d’une faute inexcusable de l’employeur, les dispositions de ce texte ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d’actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, puissent demander à l’employeur réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ». Parmi ces derniers, on peut évoquer notamment les divers aménagements du logement devenus nécessaires, l’intervention d’une tierce personne, ou encore l’aménagement des moyens de locomotion.

Ce faisant, le Conseil constitutionnel ouvre la voie à une réparation véritablement intégrale des préjudices subis par les victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles, même si elle n’est pour le moment accordée que dans le cas d’une faute inexcusable de l’employeur.

Je crois, monsieur le ministre, qu’il est du devoir du Parlement de prendre acte de cette avancée et d’intégrer clairement dans la loi les observations formulées par le Conseil constitutionnel. Tel était d’ailleurs l’objet de la proposition de loi n° 613 que j’avais déposée le 6 juillet 2010. Or nous pouvons régler ces problèmes sans attendre, dans le cadre de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 : nous aurons l’occasion d’en débattre dans les jours à venir.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion