C'est un grand honneur pour moi de participer aux travaux de la commission d'enquête du Sénat ce matin. À cette occasion, je voudrais vous expliquer ce que la Corée du Sud a fait pour endiguer la crise sanitaire ces derniers mois.
L'objectif de ma présentation est le partage d'informations. Ce n'est ni un jugement ni une recommandation.
Le premier cas confirmé a été rapporté le 20 janvier, mais la situation a commencé à se dégrader rapidement fin février. La Corée du Sud est par la suite devenue le deuxième pays le plus contaminé par le virus après la Chine.
De nombreux pays ont alors averti leur population sur les risques de voyage en Corée. Quelques pays sont allés jusqu'à fermer leur frontière aux Coréens.
Sept mois plus tard, en Corée, le bilan s'élève à 21 400 cas confirmés et 340 morts, dans un pays qui compte 52 millions d'habitants.
Grâce à sa gestion de la crise sanitaire, la Corée du Sud a pu éviter un confinement total. Les élections législatives se sont tenues mi-avril sans encombre. La Corée du Sud n'a également jamais fermé ses frontières aux autres pays.
Selon le rapport de l'OCDE publié voilà deux semaines, l'économie de la Corée du Sud devrait se contracter cette année, mais de manière limitée, à - 0,8%.
J'aimerais maintenant évoquer la façon dont mon pays a agi pour éviter une dégradation de la situation. Depuis 2000, la Corée a été frappée par une série d'épidémies qui n'ont que très peu touché l'Europe : le SARS, le H1N1, le H5N1, et enfin, le MERS, en 2015. Sur la base des leçons tirées de chaque épidémie, le Gouvernement a mis en place deux mesures principales.
En 2015, une loi pour mieux réagir à de futures épidémies a été votée à l'Assemblée nationale. Elle permet notamment au centre coréen de contrôle et de prévention des maladies ou KCDC, agence indépendante créée en 2004, de voir ses ressources financières et humaines augmenter.
Par ailleurs, le rôle des gouvernements locaux est primordial. Sur le terrain, leurs agents ont été de véritables soldats sur le front de la lutte contre les épidémies. Un nouveau système de collaboration entre le Gouvernement central et les collectivités territoriales a alors vu le jour.
Face à la covid-19, la stratégie du KCDC peut se résumer en trois « T » : tests, traçage et traitements.
Dès le début de la crise sanitaire, et avant même que le premier cas soit confirmé en Corée, le Gouvernement et des entreprises de biotechnologie locale ont commencé à travailler ensemble sur le développement d'un kit de test. Un mois plus tard, nous avons atteint une capacité de dépistage allant jusqu'à 40 000 par jour.
La seconde étape a été de faciliter l'accès aux tests. Environ 600 centres de dépistage, publics et privés, ont été ainsi mobilisés pour les personnes présentant des symptômes, ainsi que pour les cas de suspicion de contamination ; 48 stations de tests mobiles (drive-through) ont même été aménagées, permettant aux conducteurs de l'effectuer sur place, sans sortir de leur véhicule.
Les cas confirmés sont étroitement suivis par les équipes d'enquête épidémiologique du KCDC, lequel publie les données relatives aux déplacements des cas confirmés, mais seulement quand l'ensemble des personnes potentiellement concernées n'ont pas pu être identifiées. Ces données sont obtenues au moyen d'outils numériques variés, comme les historiques de transaction de cartes de crédit, la vidéosurveillance ou les données GPS des téléphones portables.
Cette procédure a été mise en place sur la base de la loi adoptée par consensus à l'assemblée nationale coréenne en 2015. Elle avait alors consulté des experts, des associations, et bien sûr, l'opinion publique, ce qui explique l'adhésion des Coréens à la loi, considérée comme étant au service de l'intérêt commun.
De plus, toutes les informations collectées sont gérées et contrôlées, dans leur intégralité, de manière anonymisée, dans le respect des lignes directrices fixées par la commission nationale des droits de l'homme. Après utilisation, ces informations sont détruites par les autorités sans délai.
Sur la base de ces chaînes de contamination vérifiées et rendues publiques par le KCDC, des entreprises privées développent et diffusent des applications destinées à la population. Grâce à ces applications, les Coréens ont la possibilité de vérifier s'ils ont fréquenté les mêmes endroits que des personnes contaminées ou s'ils les ont croisées.
Dans la lutte contre le virus, le mot clé est la transparence. La transparence libère la population d'une peur diffuse. Les Coréens ont le droit d'être informés des dernières évolutions épidémiques et des réponses qui seront apportées.
En ce qui concerne la dernière étape, celle du traitement, en l'absence de vaccin ou remède, les mesures mises en place par les différents gouvernements ne peuvent qu'être similaires. La différence majeure en Corée tient à son système de gestion des patients, particulièrement ceux présentant des symptômes légers. Afin de prévenir la propagation du virus, ils sont provisoirement isolés dans des établissements non hospitaliers, appelés « centres de traitement », et suivis médicalement.
Monsieur le président, dans cette crise, rien n'aurait été possible sans la coopération active et volontaire des citoyens.
Tout comme le gouvernement français, le gouvernement coréen a lancé une stratégie pour renforcer l'adhésion et l'engagement de la population. Cette stratégie a encouragé la distanciation physique, ainsi que la suspension de voyages inutiles et de certaines activités sociales.
Les citoyens coréens ont répondu de manière très positive à la campagne sur les gestes barrières, dont le port du masque. J'entends souvent dire que les Coréens sont culturellement familiarisés avec le port du masque. Or ils trouvent aussi le port du masque étouffant et inconfortable. Cependant, grâce à l'expérience des précédentes épidémies et aux conseils suivis des experts, les Coréens, dans leur grande majorité, ont accepté le port du masque. Ils ont surtout simplement conscience de l'importance de se protéger les uns les autres.
Dans la ville côtière de Busan, presque 7 millions de personnes se sont rendues sur la plage pendant ces vacances. Cela n'a pas causé de nouveau foyer de propagation. Les efforts menés par la mairie de Busan pour la surveillance du respect des gestes barrières semblent avoir été efficaces, particulièrement sur le port du masque.
La propagation du Coronavirus constitue une crise non seulement sanitaire mais aussi économique. Le gouvernement coréen, comme d'autres, a lancé un programme budgétaire pour minimiser les conséquences négatives sur l'économie. Le Gouvernement a ainsi injecté presque 200 milliards d'euros dans l'économie nationale via trois budgets rectificatifs et différentes mesures d'aide financière.
La pandémie ne connaît pas de frontières. C'est pourquoi l'ensemble de la communauté internationale doit coopérer. À cet égard, le leadership de la France dans le combat contre la crise sanitaire mondiale dans un cadre multilatéral est très apprécié. De notre côté, étant à la présidence des groupes de l'amitié pour la sécurité sanitaire mondiale à l'ONU, à l'OMS et à l'Unesco, nous faisons des efforts pour promouvoir la coopération internationale.
Par ailleurs, la Corée et l'Organisation internationale de normalisation (ISO) travaillent ensemble sur la standardisation des mesures prises par le gouvernement coréen, dont les tests mobiles, drive-through et walk-through, les centres de traitement, l'autodiagnostic sur smartphone et les applications d'auto-isolement.
Pour finir, à l'échelle bilatérale, nos deux pays coopèrent étroitement. Après l'échange téléphonique entre le président Moon Jae-in et le président Emmanuel Macron, des projets variés sont en cours, y compris le développement d'un traitement par l'Institut Pasteur en Corée.