Il faut reconnaître que, dans nos établissements publics de santé, notamment dans les hôpitaux, les plus modestes de nos concitoyens pouvaient avoir accès aux techniques les plus modernes, opératoires ou d’investigation. Cela n’est plus vrai aujourd'hui !
D’une manière générale, les finances de notre protection sociale ne sont pas en bonne santé. Je n’insisterai pas sur ce point, qui a déjà été largement évoqué par les différents orateurs qui m’ont précédé : je rappellerai simplement que les déficits ont dépassé 20 milliards d’euros en 2009, contre 10, 5 milliards d’euros prévus.
Madame, messieurs les ministres, vous pouvez bien sûr rejeter la responsabilité de cette augmentation sur la crise, qui a amené une diminution des recettes. Mais cette crise a commencé dès octobre 2008 et, au moment du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, nous espérions tous qu’elle épargnerait la France. Les chiffres des déficits nous montrent bien que vos grandes déclarations médiatiques destinées à rassurer les Français n’étaient que communication, et le plan de relance de l’économie voté au début de l’année 2009 n’aura eu qu’une faible incidence sur les comptes sociaux.
En 2010, les déficits s’élèveront vraisemblablement à 25 milliards d’euros. Vous espérez qu’ils pourront être ramenés à 21 milliards d’euros en 2011, et à 15 milliards d’euros en 2014. Ces projections sont fondées sur l’hypothèse d’un taux de croissance de 2 % en 2011 et de 2, 5 % pour les années suivantes. Les économistes – et pas les plus pessimistes d’entre eux ! – tablent pour leur part sur un taux de croissance de 1, 4 %. Quant au FMI, que vous citez quand cela vous arrange, il prévoit 1, 6 % de croissance en 2011 et 2, 1 % en 2015. En prenant en compte ces prévisions, la masse salariale progresserait de 2, 9 % en 2011 et de 4, 5 % à partir de 2012. De telles hypothèses ne sont-elles pas très optimistes ? M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales a remarqué qu’un point de moins de hausse de la masse salariale par rapport aux projections représente 2 milliards d’euros de déficits supplémentaires. Ces chiffres sont maintenant bien connus.
Les cotisations sur les salaires représentent les trois quarts des recettes. Dans l’avenir, si nous voulons pérenniser notre système de santé, nous devrons trouver de nouvelles recettes.
La première des solutions serait d’élargir l’assiette des cotisations. Pourquoi ne pas solliciter la solidarité nationale pour assurer le financement de la protection sociale, au travers par exemple d’un impôt progressif à faibles taux ?
J’ai rencontré récemment des responsables du secteur mutualiste, qui m’ont fait part de leur inquiétude. Ils ont dénoncé, comme les organisations syndicales, un manque de concertation. Ils sont en effet eux aussi très conscients des difficultés, et veulent comme nous que de véritables mesures structurelles soient prises : cela est plus que jamais nécessaire. Ils sont prêts à s’associer à la réflexion et à apporter leur contribution, mais encore faudrait-il qu’une concertation, qui n’existe pas pour l’heure, puisse avoir lieu. Ils savent très bien que la taxe sur les conventions d’assurance va les frapper de plein fouet.
Les allocations familiales ou la prestation d’accueil du jeune enfant seront financées en partie par le produit d’une taxe sanctionnant le respect d’un panier de règles de remboursement des frais médicaux par les organismes complémentaires de santé. À l’absurde du principe s’ajoute l’incertitude, puisque ces recettes sont jugées incertaines dans la durée. Cela aboutit à organiser le déficit récurrent de la CNAF : les prestations familiales sont touchées après l’assurance maladie, mal en point depuis 1986, l’assurance vieillesse, l’assurance chômage… L’instauration de cette taxe, ajoutée aux transferts en constante augmentation et à la croissance tendancielle des dépenses de santé, va augmenter la participation des mutuelles au financement de l’assurance maladie.
En effet, si l’assurance maladie reporte ses déficits sur les générations futures, une seule solution s’impose pour les mutuelles au regard de leurs obligations réglementaires : l’augmentation des cotisations. Celle-ci provoquera une « démutualisation », notamment parmi les plus modestes. Faute de solidarité, ces derniers ne se feront plus soigner, car ce sera trop onéreux pour eux. Cela posera un vrai problème de santé publique. À cet égard, selon une enquête de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé, l’IRDES, publiée en 2008, 15, 4 % de nos concitoyens avaient renoncé à des soins cette même année, contre 12, 1 % en 2002. Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit des économies ; celles-ci seront malheureusement réalisées sur le dos des malades et des plus démunis.
Ainsi, une économie de 800 millions d’euros sera réalisée sur les médicaments. La baisse des prix de ces derniers atteindra quelque 500 millions d’euros. Les médicaments à vignette bleue, actuellement remboursés à 35 %, ne le seront plus demain qu’à hauteur de 30 %. Cette mesure est la plus injuste : qui va payer cette évolution ? Les Français, à travers leurs mutuelles, pour ceux qui en ont une !
Un seul principe doit guider la politique de remboursement des médicaments : si le médicament est efficace, il est remboursé ; si c’est un placebo, il ne l’est pas.
Concernant l’hôpital, les actes d’un coût inférieur à 91 euros étaient financés à concurrence de 20 % par l’assuré. Votre PLFSS prévoit de porter ce seuil à 120 euros : voilà une mesure d’injustice supplémentaire qui va toucher les plus faibles ! La recette attendue s’élève à 160 millions d’euros.
D’autres mesures d’économie sont également prévues, notamment la fin de la prise en charge à 100 % des patients atteints d’hypertension bénigne, qui touchera 40 000 personnes chaque année, pour une économie de quelques dizaines de millions d’euros. Les diabétiques sont également victimes de la politique menée par le Gouvernement : le remboursement des bandelettes d’autotest de glycémie sera limité à une par jour et par patient.