Je tiens d'abord à vous remercier, Monsieur le président, d'avoir pris l'initiative de cette audition qui s'inscrit dans les réflexions en cours sur la décentralisation dans l'optique du renforcement des libertés et des responsabilités locales. Je fais partie de l'école de pensée qui estime qu'il ne peut y avoir de liberté sans responsabilité. Vous avez tenu à ce que nous puissions, exécutif et élus des outre-mer, participer à ces réflexions et faire entendre nos attentes, nos spécificités et nos propositions sur ces matières importantes. Je souhaite saluer cette démarche qui correspond bien à l'homme de dialogue que vous êtes.
Je me réjouis de pouvoir échanger avec vous sur ces questions liées à la décentralisation. J'ai été à l'initiative de la relance du débat sur les enjeux de la gouvernance, sujet qui avait fortement divisé la Guadeloupe ces deux dernières décennies. Ce sujet est d'ailleurs encore très chargé idéologiquement, politiquement et émotionnellement, car il a structuré pendant longtemps les forces et les équilibres politiques. Il est encore regardé avec beaucoup de méfiance par notre population. J'ai cependant estimé qu'il était temps, six ans après la dernière tentative, de reparler de la Guadeloupe ensemble. J'ai considéré que les termes des débats à l'occasion desquels nous nous étions divisés par le passé avaient changé, et que nous étions prêts à imaginer d'autres chemins que ceux qui avaient été envisagées au début des années 2000. J'ai donc organisé un congrès des élus départementaux et régionaux au premier semestre 2019 au terme duquel, pour la première fois depuis longtemps, les élus guadeloupéens ont parlé d'une seule voix pour affirmer la nécessité de faire évoluer la gouvernance de notre territoire vers une plus grande différenciation territoriale. Nous l'avons fait en ayant à l'esprit le fait que le Président de la République ait annoncé son intention de réviser la Constitution, ce qui présentait une opportunité à saisir pour mettre en oeuvre autrement la différenciation territoriale, qui ne s'envisageait jusqu'à présent, pour les outre-mer, que dans les sentiers très balisés des articles 73 et 74. Or le premier présente aujourd'hui des limites qui paraissent entraver notre aspiration à davantage de différenciation. L'article 74 présente quant à lui des incertitudes et des risques, qui n'en font pas une option attractive.
Pour l'heure, ce projet de révision constitutionnelle n'est pas allé au-delà de l'intention, quand bien même un avant-projet de loi a été présenté. Cette perspective, plusieurs fois repoussée, paraît être encore davantage éloignée à la suite de la crise sanitaire. Pour autant, nous avons poursuivi nos réflexions. Au second semestre, mon homologue de la région a organisé à son tour un congrès, qui nous a permis d'approfondir nos réflexions et de présenter la voie dans laquelle nous souhaitons aller : résolument guadeloupéenne, ne correspondant ni à l'article 73, ni à l'article 74, mais un article 97-1, qui permettrait de doter la Guadeloupe d'une loi organique dont le contenu serait à discuter par l'ensemble des forces vives du territoire avant d'être négociée avec l'État. Cette loi organique déterminerait une nouvelle répartition des compétences entre l'État et l'échelon local. Celui-ci serait doté de pouvoirs normatifs dans un certain nombre de domaines à déterminer et permettrait de choisir une nouvelle organisation territoriale pour mettre en oeuvre les politiques publiques locales. Cette loi organique serait enfin soumise au consentement de la population par une consultation de type référendaire.
Nos réflexions communes ont été perturbées par la crise sanitaire. Depuis lors, le Gouvernement a mis sur la table un nouveau véhicule législatif, le projet de loi 3D (décentralisation, différenciation, déconcentration), qui n'est pas celui qui nous permettrait d'avancer vers cet article 97-1 que nous appelons de nos voeux. Il constitue néanmoins une autre possibilité pour la Guadeloupe de se pencher sur les conditions d'exercice des missions et compétences de ses collectivités locales et de son rapport avec l'État central.
J'ai à mes côtés mon directeur de cabinet, Olivier Nicolas et mon directeur général des services, Henri Laventure. Je souhaite qu'ils puissent apporter leur éclairage sur certains points.