Je suis partisan d'une modification du titre XII de la Constitution. Déjà, en 2003, au moment des débats sur la révision constitutionnelle, j'avais souhaité que les outre-mer ne soient plus placés face à un choix binaire qui là aussi n'est pas adapté à nos réalités. Soit vous êtes dans l'identité législative, mais avec quelques aménagements car une application totale serait absurde - c'est un système qui relève l'oxymore, l'identité adaptée -, soit vous relevez de la spécialité législative.
Mais comme Césaire aimait à dire, la réalité c'est « et/et » et pas « ou bien/ou bien », tout comme Edgard Morin chez qui la complexité relève du « et/et », surtout pour nous dans nos réalités.
Par conséquent, je pense qu'il faudrait un seul article dans la Constitution, peu m'importe son numéro. Cela peut être le 73. Initialement, le général de Gaulle avait imaginé l'article 73 qui était censé donner des possibilités d'adaptations importantes. J'étais à l'époque en terminale et j'avais assisté aux discours de Césaire et de Malraux en Martinique. J'ai encore le numéro du journal « Le Progressiste » paru le lendemain reprenant les deux discours. Alors que Césaire avait dit « non » au référendum de 1958, Malraux annonça un article 73 pour obtenir des adaptations permettant d'aller au-delà des franchises octroyées auparavant à la colonie. Césaire était alors revenu sur sa position en faisant valoir les assurances qui lui avaient été données et appelé à voter « oui ». Césaire avait donc cru à cet engagement mais, malheureusement, le Conseil Constitutionnel a toujours fait une interprétation restrictive de la notion d'adaptation. C'est ce qui explique que nous nous sommes retrouvés devant tous ces débats et je pense qu'il faut en sortir.
Si nous avions un article d'adaptation - depuis la LOOM, le Conseil Constitutionnel a montré qu'il avait changé d'optique - cela permettrait de varier le curseur entre la spécialité législative et l'identité législative. À l'extrémité de l'identité se trouve la départementalisation, j'ai envie de dire la départementalisation du type de La Réunion, et l'autre extrémité est représentée par la Nouvelle-Calédonie - dans l'antichambre de l'indépendance. Entre ces deux extrêmes, le curseur peut bouger matière par matière. Une collectivité pourrait, par exemple, ne vouloir que le logement sous spécialité législative ou et l'aménagement du territoire, le reste des domaines demeurant régi par l'identité législative.
Reste la question de la consultation des populations qui pourrait être sur la question suivante : « Voulez-vous que la collectivité gère localement tel ou tel ou domaine ? » et une fois l'assentiment obtenu, cela se traduirait par une loi organique. Mais il faut que le peuple dise ce qu'il veut. Aujourd'hui, on effraie les populations en leur présentant le passage d'un régime à un autre comme un saut dans l'inconnu. Et lorsqu'on soutient que l'on peut doser le degré d'autonomie, les électeurs ne le croient pas et préfère le maintien dans l'article 73 par crainte. Ils reviennent ensuite vers les élus en disant, certes nous n'avons pas évolué statutairement, mais l'organisation des transports n'est pas satisfaisante, nous souhaitons qu'elle soit adaptée. Lorsque je fais l'addition de toutes les demandes d'adaptation, c'est un statut d'autonomie qui le permettrait. Mais il est difficile pour les élus de le dire. Il faut donc inverser la démarche, en demandant aux électeurs ce qu'ils veulent maîtriser localement, quelles sont les compétences qu'ils veulent confier aux élus locaux. Si vous demandez : voulez-vous que les élus aient davantage de responsabilités dans les domaines du logement, du transport, etc. ? Les gens diront « oui ». Cette consultation doit s'organiser...
Je suis partisan de garder le congrès comme instance démocratique de proposition d'évolution institutionnelle et statutaire. Une fois que le peuple s'est prononcé sur des blocs de compétences en identité et en spécialité - on met de côté tout ce qui est régalien. Si le Gouvernement l'accepte, car on ne peut rien lui imposer, celui se traduit alors dans des lois organiques. Voilà la réforme que je souhaiterais dans la future Constitution.
J'entends en outre des parlementaires évoquer souvent les expérimentations. Je rappelle inlassablement qu'on ne peut pas faire d'expérimentation différenciée car une expérimentation concluante devient un dispositif de droit de commun que tout le monde doit appliquer. Il n'existe pas d'expérimentation réservée aux outre-mer et encore moins à telle ou telle collectivité. Réserver le dispositif issu d'une expérimentation seulement à la Martinique est anticonstitutionnel actuellement. Je pense qu'il est très utile de faire de temps en temps des expérimentations à condition de pouvoir en tirer pour les outre-mer, compte tenu de leurs spécificités, des conclusions pratiques à mettre en oeuvre localement. Il faut donc ce que j'appelle des possibilités d'expérimentations différenciées.
Voilà ce que seraient mes demandes dans le cadre d'une évolution de la Constitution.