Monsieur le président, cher Édouard Fritch, je vous remercie d'avoir accepté cet échange que j'ai sollicité en vue d'une restitution sur « l'état des volontés » des territoires d'outre-mer en ce qui concerne l'organisation et les modalités de leur libre administration locale. Je vous en sais d'autant plus gré que je suis conscient que vous avez dégagé un temps précieux dans un agenda très chargé en cette période.
Le président du Sénat, Gérard Larcher, a initié un groupe de travail sur la décentralisation avec l'ambition - selon ses termes - de « repenser en profondeur l'organisation des pouvoirs locaux » et de formuler des propositions en ce sens.
Il m'a fait l'honneur de me charger du volet outre-mer en ma qualité de président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer.
C'est dans cette optique que j'ai souhaité entendre chacun des exécutifs des grandes assemblées territoriales en vue d'une restitution des orientations reflétant aussi fidèlement que possible la diversité des visions institutionnelles ultramarines.
J'espère qu'à l'issue de ces échanges - sans trahir leur riche hétérogénéité - des grands axes se dégageront, constituant des articulations autour desquelles chaque projet pourra se construire chaque volonté locale se concrétiser.
Je suis heureux que ce cycle se soit ouvert avec les territoires du Pacifique. Ils sont à mes yeux des « éclaireurs » tant ils témoignent d'une créativité institutionnelle trop souvent ignorée par la République - au lieu de s'en inspirer. J'ai aujourd'hui bon espoir que les travaux sur la décentralisation initiés par le président Larcher contribueront à faire évoluer les relations entre l'État et les outre-mer et à reconnaître à ces derniers leur position de laboratoires.
En Polynésie, la crise sanitaire a, semble-t-il, mis en évidence une problématique liée à la répartition des compétences entre l'État et la collectivité dans ce domaine.
Je suis bien conscient que vous disposez de peu de recul, mais les situations de crise sont souvent des révélateurs de l'état de nos institutions et votre expérience nous apportera un éclairage utile et précieux sur ce point et d'autres.
Avant d'entamer notre échange, permettez-moi une parenthèse pratique.
Au courrier que je vous ai adressé était jointe la trame de questions adressées à l'ensemble des exécutifs. Je vous propose qu'elle nous serve de fil conducteur et qu'elle guide nos échanges même si je suis bien conscient que certaines questions ne s'appliquent pas strictement à la situation de la Polynésie française.
L'idée est d'explorer avec vous ce qui vous semble constituer la meilleure organisation des relations entre les différents échelons de pouvoir pour répondre au mieux aux enjeux de la conduite de la destinée de votre territoire.
En matière de décentralisation, la répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales vous paraît-elle adaptée à la situation de votre territoire ? Quelles compétences seraient-elles mieux exercées par la collectivité ou à l'inverse par l'État ? Nous nous intéresserons également aux aspects de démocratie locale.
S'agissant de la différenciation, qu'à l'instar de la Nouvelle-Calédonie vous ne vivez non plus seulement par rapport à l'État mais aussi en interne, pensez-vous que le cadre constitutionnel actuel soit approprié ou qu'il doive évoluer, afin de permettre une adaptation plus active des règles applicables sur votre territoire ?
Dans le domaine de la déconcentration, autrement dit dans vos relations avec les services de l'État pour celles des compétences qu'ils exercent, estimez-vous la présence de ces services adaptée aux besoins locaux ? L'organisation de ces services doit-elle être modifiée, par exemple dans le sens d'un guichet administratif unique ?
Enfin, nous évoquerons l'éventualité d'une révision constitutionnelle.
Commençons par la situation de la Polynésie française. Comment vivez-vous votre relation avec l'État ? La jugez-vous satisfaisante ou souhaiteriez-vous qu'elle évolue ?