Je remercie également le conseil scientifique pour l'ensemble de son travail. Je poserai trois questions.
Ma première question tient au degré de connaissance. Le conseil scientifique a été installé le 11 mars, après votre travail de sensibilisation du Président de la République. À la fin du mois de janvier, la ministre de la santé, s'appuyant sans doute sur les travaux de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), nous disait que le risque que le virus pénètre en France était très faible. Aviez-vous, dans vos domaines respectifs, le même degré de connaissance ? Dans l'affirmative, cela signifierait que les modélisations de l'Inserm n'étaient pas correctes à l'époque. Dans la négative, quel était votre véritable degré de connaissance ? Pour cette période incertaine, entre janvier et début mars, où l'épidémie était déjà très forte dans la région Grand Est, les associations de patients nous ont dit qu'elles avaient déjà des connaissances. Si le degré de connaissance n'était pas bon en France, que faudrait-il faire pour améliorer, dans le cadre d'une épidémie future, la connaissance de ce qui se passe ailleurs ? Quels étaient les embryons de connaissance et de traitement en Chine ou en Italie ?
Ma deuxième question porte sur la situation actuelle. On a vu, dans la gestion par les soignants de cette épidémie, que la région Île-de-France apprenait de ce qui se faisait dans la région Grand Est, notamment pour l'évolution des traitements de réanimation, l'utilisation des anticoagulants ou des antiinflammatoires. Si l'épidémie repart, comme sa répartition territoriale est plus « lâche » - on trouve des clusters dans l'Aveyron, dans des départements dépourvus de grand centre hospitalier -, qui est chargé de diffuser des guides, des modèles ou des consignes ? La HAS, il faut bien le dire, est absente. Bien sûr, les conseils et les fiches pratiques supposent des connaissances déjà solides, ce qui n'est pas le cas dans le flou actuel. Toutefois, dans le cadre d'une épidémie nouvelle, la prudence a ses limites et entraîne forcément des pertes de chances. A-t-on prévu des échanges de conseils entre les différents réseaux, avec un vrai maillage territorial entre certains hôpitaux et des centres de référence ? Par exemple, les généralistes ont été totalement exclus au départ ; or on sait qu'il existe des biomarqueurs, etc. Qui est chargé de donner les consignes ?
Mon troisième point concerne les essais cliniques : comment peut-on concilier, dans cette épidémie nouvelle marquée par des tâtonnements thérapeutiques, la nécessité d'apporter une réponse rapide aux malades et la conduite de travaux scientifiques robustes pour s'assurer de l'efficacité d'un traitement ? Les essais cliniques n'ont-ils pas pu causer une perte de chances pour ceux qui n'ont pas pu les intégrer ?