Intervention de Jean-François Delfraissy

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 15 septembre 2020 à 10h30
Audition du professeur jean-françois delfraissy président du conseil scientifique

Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique :

Le modèle français de relations entre le comité scientifique et le politique était-il le bon ? Il me semble encore trop tôt pour tirer toutes les leçons de la crise. Le nombre de décès pour 100 000 habitants sera un chiffre important. La France se situera probablement en cinquième ou sixième position parmi les grandes puissances mondiales. Je rappelle que c'est la plus grande puissance mondiale, les États-Unis, qui va se trouver en tête.

Un autre élément déterminant sera le retentissement économique et sociétal. Parmi les enjeux sanitaires, il faut distinguer ceux qui sont liés directement au covid, avec une reprise possible de l'épidémie, et ceux que l'on pourrait qualifier de « covid - ». Il est impossible aujourd'hui, comme au mois de mars, de dédier 90 à 95 % des services de réanimation au covid. À Marseille ou Bordeaux, on fera peut-être le choix d'affecter 30 % de lits au covid. Sinon, nous aurions une sur-morbidité liée à des affections autres que le covid.

Nous sommes des citoyens comme vous, et nous sommes persuadés que le sanitaire ne doit pas tout dominer.

Ensuite, s'agissant de notre relation avec le politique, je l'ai dit en toute franchise, les relations se sont construites avec une certaine forme de sérénité, et l'immense majorité des préconisations du conseil scientifique ont été suivies, sauf sur trois points que j'ai rappelés.

Premièrement, on avait une vision quelque peu différente de l'ouverture des écoles au mois de mai.

Deuxièmement, sur la place du comité citoyen et de la société civile pour aider à éclairer une décision, nous n'avons pas du tout été suivis.

Troisièmement, dans l'évaluation actuelle de la reprise ou pas de l'épidémie, on reste quand même dans la nuance. Nous avions indiqué qu'il fallait s'intéresser aux grandes métropoles et construire une réaction des élus de ces métropoles avec les ARS et les préfets. C'est ce qui est en train de se faire à Marseille, Bordeaux, peut-être demain à Rennes. Globalement, il n'y a donc pas eu la dissociation que vous envisagez. Mais c'est toujours difficile. Le comité scientifique a une certaine responsabilité et fait passer certains messages. Mais comment le politique, qui a une vision plus globale, les prend ensuite en compte ? Certains pays européens ont-ils mieux marché que nous ? Oui, notamment l'Allemagne, pour des raisons à la fois culturelles et d'organisation des Länder. Ce pays dispose aussi d'un nombre de lits de réanimation pour 10 000 habitants très largement supérieur au nôtre. Les ratios sont comparables à ceux dont nous disposons en région parisienne, lesquels sont très largement supérieurs à ceux de la province.

N'oublions pas non plus que sur les deux grands enjeux de lutte contre l'épidémie, à savoir la distanciation physique et la capacité à tester, tracer et isoler, les Allemands ont été plus sages que nous. Ils ont aussi testé beaucoup plus rapidement que nous, fin janvier et courant février.

Il y a eu enfin un facteur malchance pour la France, l'épisode de Mulhouse. Arnaud Fontanet vous l'a sans doute déjà dit : sans cet épisode, nous serions vraisemblablement dans une situation intermédiaire.

Sur la démocratie sanitaire, je laisse la parole à Marie-Aleth Grard et Daniel Benamouzig.

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