Intervention de Jérôme Salomon

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 16 septembre 2020 à 14h30
Table ronde avec des acteurs institutionnels

Jérôme Salomon, directeur général de la santé :

Depuis le début de cette crise, en tant que médecin infectiologue, je ne suis pas resté une journée sans échanger avec des professionnels de santé - infirmiers, médecins, sages-femmes, kinésithérapeutes - implantés partout sur le territoire national, sans recevoir des retours directs du terrain, en ville, à la campagne ou à l'hôpital, sans lire ou recevoir des témoignages de familles touchées. Je pense sans cesse aux victimes du covid comme à celles d'autres maladies, à cette pandémie qui perdure et à la crise majeure que nous traversons.

En un siècle, aucune épidémie n'a entraîné autant d'hospitalisations, de décès, de souffrances et surtout de conséquences multiples dans un temps si court. Les effets de cette crise dureront sans doute bien des années.

En janvier dernier, il y a huit mois seulement, nous ne savions rien de ce nouveau virus chez l'homme, qu'il s'agisse de sa contagiosité, des modes de transmission, du délai d'incubation, des cibles en population, du rôle de l'immunité, du rôle des enfants, de la virulence, de la létalité ou des traitements ; nous ignorions quelle serait l'évolution de l'épidémie en fonction des saisons et des lieux ; nous ne savions rien de son potentiel pandémique.

Le covid n'était évidemment pas une grippe, et il n'a pas du tout connu l'évolution du SRAS, en 2003 - on avait alors dénombré 800 morts dans le monde et 2 cas en France -, ou, depuis 2012, du Mers-CoV, qui a totalisé 866 morts, quelques cas et alertes en France. Ce sont pourtant deux coronavirus.

Une alerte majeure avait touché l'Afrique de l'Ouest avec Ebola ; à cet égard, deux cas avaient été importés en France. Ils avaient été parfaitement pris en charge.

J'ai toujours dit ce que nous savions et ce que nous ne savions pas. J'ai fait en sorte de répondre à toutes les questions qui m'étaient posées par les journalistes, par la population ou par les professionnels de santé, avec humilité, en me fondant sur l'évolution des connaissances et en étant clair quant aux incertitudes scientifiques.

Nous ne savions rien de cette épidémie il y a huit mois ; nous en savons davantage aujourd'hui. Nous avons ainsi découvert la possibilité d'une transmission par aérosols, grâce à une alerte scientifique dès le mois de juin. Nous avons évidemment attendu la position de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en juillet. Au mois d'août, un article très important du British Medical Journal a mis en lumière les différents niveaux de risques, en fonction des expositions. En outre, nous avons peu à peu compris que les enfants pouvaient être récepteurs et transmetteurs.

Nous pouvons envisager l'avenir avec confiance : nous avons appris, comme les professionnels de santé, à mieux prendre en charge cette maladie, par l'oxygène à haut débit, par les anticoagulants ou encore grâce à l'efficacité de la dexaméthasone.

Nous avons suivi les patients, découvert des PCR positives pendant des semaines, surveillé l'apparition des anticorps protecteurs chez les malades et décrit quelques cas de réinfection. Nous avons surtout suivi des symptômes chroniques et décrit les séquelles neuropsychologiques, respiratoires ou encore cardiaques.

Les professionnels de santé, à domicile, au sein des Ehpad, en ville et à l'hôpital ont été remarquables tout au long de la crise. Ils nous ont permis collectivement de beaucoup apprendre et de progresser ensemble, partout sur le territoire. Nous avons découvert, non seulement le poids des pathologies chroniques comme facteur de risque majeur, celui de la précarité et de la densité urbaine, mais aussi l'hétérogénéité entre les pays et même au sein des territoires. Pour ne citer que des statistiques publiques, la létalité du covid a été beaucoup plus forte dans le Territoire de Belfort et dans le Haut-Rhin qu'en Ariège ou en Lozère.

Nous ne savons pas encore grand-chose de la saisonnalité du virus, de ce que serait une seconde vague en Europe, qu'il s'agisse de sa durée, de son ampleur ou de sa gravité, ou de la susceptibilité génétique ou immunitaire individuelle. À ce stade, nous ne disposons ni d'antiviraux ni de vaccins anti-covid efficaces.

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