Intervention de Geneviève Chène

Commission d'enquête Évaluation politiques publiques face aux pandémies — Réunion du 16 septembre 2020 à 14h30
Table ronde avec des acteurs institutionnels

Geneviève Chène, directrice générale de Santé publique France :

Dès le 31 décembre, les autorités chinoises alertent l'OMS. La première réunion des experts internationaux auprès de l'OMS, qui comprend un expert de Santé publique France, a lieu le 2 janvier. Les équipes de Santé publique France et la DGS échangent dès le 3 janvier.

Cette réunion a pour conséquence le lancement d'une alerte assez forte. Nous publions une définition de cas, sur la base des connaissances de l'époque : les zones à risque sont des zones étrangères - on se concentre en particulier sur les personnes revenant de Chine.

Cette définition, qui est rendue publique, a deux conséquences. Premièrement, la DGS informe l'ensemble des professionnels de santé pour que, s'ils rencontrent un cas suspect, ils le fassent remonter via les systèmes de surveillance et que l'on puisse ainsi amorcer le comptage des cas. Deuxièmement, on sollicite les centres nationaux de référence dédiés aux affections respiratoires, dont la grippe. Il y en a deux en France : l'un à l'institut Pasteur, à Paris, l'autre à Lyon. À partir des séquences disponibles publiquement depuis le 9 janvier - me semble-t-il -, le centre de Pasteur met au point le diagnostic biologique du Sars-CoV 2, sauf erreur de ma part le 17 janvier.

Le vendredi 24 janvier - entre-temps, on a répertorié un certain nombre de suspicions de cas -, trois cas sont confirmés : deux à Paris, le troisième à Bordeaux. Il s'agit de trois cas « importés ». À la demande de la DGS, dont nous partageons l'analyse de la situation, nous produisons différents scénarios sur la base des données assez faibles dont nous disposons. En effet, l'essentiel des cas se trouvent en Chine.

À ce titre, trois scénarios sont envisagés. Le premier, c'est le contrôle rapide de l'épidémie, comme dans le cas du Sras. Le deuxième, c'est une pandémie avec des impacts sanitaires et sociétaux significatifs. Le troisième, c'est une pandémie avec des impacts sanitaires et sociétaux majeurs.

À ce moment-là, on dispose de très peu d'informations sur deux aspects assez déterminants pour l'évolution des scénarios.

Le premier, c'est la période de transmission : en particulier, y a-t-il une transmission pendant la période présymptomatique ? Existe-t-il une forte proportion de personnes asymptomatiques ? Ces éléments sont importants. La transmissibilité du virus est favorisée dès lors que l'on ne peut pas identifier les personnes malades sur la base de signes cliniques.

Le second, c'est la gravité de l'épidémie. Nous ne disposons alors que de peu de description des séries chinoises. La létalité serait de l'ordre de 1 % à 2 %, taux tout de même largement supérieurs à la grippe. C'est un sujet d'inquiétude. Mais, comme l'a souligné le directeur général de la santé, à ce moment-là, nous n'avons pas beaucoup d'informations quant au dénominateur. Les capacités de test peuvent changer très largement ce dénominateur et l'estimation de la mortalité. C'est seulement pendant la première quinzaine de février que les données chinoises, portant sur plusieurs dizaines de milliers de cas, sont publiées. Elles montrent, en particulier, une gravité potentiellement importante de cette maladie chez des personnes de moins de soixante-cinq ans, voire de moins de cinquante ans.

Compte tenu de ce facteur de gravité, nous ajustons les scénarios transmis à la DGS et discutés avec elle. Il s'agit de prendre en compte le taux d'attaque possible, c'est-à-dire le nombre de cas survenant en peu de temps, le nombre potentiellement élevé de formes sévères et l'atteinte potentielle de personnes, le fardeau potentiel de la maladie chez les moins de soixante-cinq ans.

Telles sont les étapes successives, qui entrent dans le périmètre d'action de Santé publique France, depuis l'alerte et l'expertise jusqu'à la construction de scénarios. Nous travaillons en lien étroit avec l'équipe de modélisation de Pasteur, menée par Simon Cauchemez, et avec celle de l'Inserm.

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